DSK président: rêve ou réalité ?

Suite de l'enquête publiée par la revue Commentaire dans son numéro 133. Cette fois-ci, nous voici au lendemain de l'élection présidentielle 2012 avec un nouvel occupant à l'Elysée: le président Dominique Strauss-Kahn...

Suite de l’enquête lancée par la revue Commentaire auprès de quelques “observateurs attentifs de la vie politique”, enquête intitulée :

“Que fera la gauche en 2012 ?”

Parmi toutes les contributions publiées dans le numéro 133 de la revue, OWNI a sélectionné celle du politologue Dominique Reynié qui a répondu à la question suivante :

Pourriez-vous procéder à une expérience mentale ? Supposons que les élections législatives de 2012 soient remportées par le Parti socialiste et ses alliés. Compte tenu de ce que sera, en 2012, la situation de la France et de l’Europe, et compte tenu de l’orientation probable de cet éventuel gouvernement : quelles sont, à vos yeux, les principales lignes du programme qu’il devrait ou pourrait mettre en oeuvre pour la législature 2012-2017, ou les principales décisions qu’il devrait ou pourrait prendre ?

OWNI remercie Commentaire et son équipe de partager ce délicieux moment de politique-fiction.

Du rêve à la réalité, par Dominique Reynié

La situation était si fragile que quelques maladresses ont suffi. Des déclarations, purement tactiques, dès le 25 juin 2012, évoquant un revenu étudiant, une rumeur sur la retraite à soixante ans et des propos intempestifs du secrétaire d’État à l’égalité réelle, Benoît Hamon. La première dégradation de la France par l’agence de notation Moody’s a l’effet d’un courant d’air sur un château de cartes. Ce 7 novembre, c’est la troisième fois en cinq mois. Chez Fitch, la note tombe à AA-. Peu avant son départ pour Pékin, le ministre de l’Économie et des Finances, François Hollande, déplore une nouvelle « décision qui contredit les objectifs visés ». Le 3 décembre, le gouvernement Aubry II est constitué, après la démission spectaculaire de Jean-Luc Mélenchon, ministre des Affaires sociales et de l’Égalité réelle. Il s’agit de juguler d’autant plus vite les dépenses publiques qu’elles sont brutalement alourdies par la hausse des taux. À Matignon, devant un parterre de journalistes européens, Martine Aubry, très tendue, promet un « plan quinquennal de gel du recrutement des fonctionnaires ». À l’Élysée, le nouveau Président s’apprête à recevoir le directeur général du FMI, l’Indien Barid Baran Bhattacharya. Il songe, en maugréant, qu’il est passé du statut de prêteur à celui d’emprunteur. Le Secrétaire général, Olivier Ferrand, est au téléphone avec le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, qu’il tente de faire patienter.

Le 10 décembre, sur TF1 – France Télévision est en grève –, le ministre de l’Industrie, Manuel Valls, fait savoir que « l’action du gouvernement sera soutenue par la cession d’une tranche supplémentaire de 20 % du capital d’EDF, soit une contribution nouvelle de 12 milliards d’euros aux efforts de redressement, après la première tranche de 20 % cédée en août dernier ». Le 11, Martine Aubry, résignée, relève de deux points les taux de TVA. C’est le moment que choisit Ségolène Royale, présidente de l’Assemblée nationale, pour rappeler à l’exécutif ses promesses : « Des engagements sacrés ont été pris devant les électeurs. » Le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, regrette « la multiplication des déclarations inamicales et inappropriées ».

Le 18, la ministre du Budget, Marisol Touraine, annonce la création d’un flagrant délit de fraude fiscale, vanté par son homologue grec Antonis Papacostas, et décide de taxer les plus-values sur la cession de la résidence principale. Les classes moyennes sont au bord de l’insurrection.

Partout des manifestations ont lieu. À Paris, les restaurateurs s’amassent au carrefour Sèvres-Babylone. Marine Le Pen, venue les rejoindre, est ovationnée. Plus loin, devant un groupe de retraités en colère, Nicolas Dupont-Aignan exige la sortie de l’euro, inaudible et fantomatique au milieu des fumigènes et du vacarme des cornes. Conduits par Olivier Besancenot, chef du tout nouveau Parti révolutionnaire français (PRF), les salariés de la fonction publique forment une foule épaisse qui inonde le boulevard Voltaire et la place de la Bastille. Le nom de Mélenchon est conspué. En province, des manifestations dégénèrent. De nombreuses banques et des bâtiments publics sont détruits, notamment à Tulles et à Fixin. À Lille, le local du Parti socialiste a été incendié. Le ministre de l’Intérieur, Arnaud Montebourg, met en garde les « professionnels du tumulte et du chaos ».

7 mai 2012, 6 heures du matin

Dominique Strauss-Kahn se réveille brutalement. De mauvais rêves viennent de gâcher sa première nuit de Président, et le café ne les dissipe pas. Son conseiller le plus proche, Gilles Finchelstein, lui apporte la montagne de journaux qui relatent sa victoire de la veille. À la une du Parisien : son portrait sur fond bleu blanc rouge ; deux grands chiffres, « 58/42 » et un titre énorme : « Un espoir historique ! » Le nouveau Président fixe la page. Il ne sourit pas. Il hésite encore.

Crédits photo CC FlickR parWorld Economic Forum

Article disponible dans le numéro 133 de la revue Commentaire

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