Les mauvais comptes libyens de François Fillon
François Fillon l'a écrit à un député : “La France ne peut pas être considérée comme un fournisseur important d’armement de la Libye”. Les chiffres du ministère de la Défense le contredisent.
La France n’a jamais eu une coopération d’ampleur avec la Libye en matière de défense et d’armement, par comparaison à d’autres fournisseurs plus importants.
Le Premier ministre l’a affirmé le 26 juillet en réponse à une question écrite du député du Nord Jean-Jacques Candelier. Sur quels chiffres s’appuie-t-il ? Contacté par OWNI, Matignon botte en touche : “Ça concerne le MAE (ministère des Affaires étrangères) et le ministère de la Défense”. Ce dernier suggère les chiffres de livraison car “ils sont plus concrets” et renvoie à son tour vers la Direction Générale de l’Armement, incapable de répondre avec certitude : “Il s’agit de petites sommes.”
Avec 72 millions de matériel militaire livré à la Libye entre 2007 et 2009, la France est sur la troisième marche du podium européen, après Malte (80 millions) et l’Italie (74,5 millions). Un gouffre sépare le trio de tête des suivants ; le montant des livraisons du quatrième exportateur européen, le Portugal, ne s’élèvant qu’à 11 millions d’euros.
François Fillon se référait-il aux montants des licences autorisant l’exportation de matériel militaire (AEMG) ? Entre 2005, soit trois mois après la levée de l’embargo sur les ventes d’armes à la Libye, et 2009, Paris a délivré de telles licences pour un montant de 210 millions d’euros. La France se classe ainsi deuxième exportateur européen derrière l’Italie (277 millions), loin devant la Grande-Bretagne, troisième exportateur pour un montant de 119 millions d’euros.
Qu’en est-il des prises de commande ? C’est sur ce chiffre que le ministre de la Défense s’était appuyé pour présenter “les performances françaises en matière d’exportations d’armement” en réponse à une question écrite du député de Meurthe-et-Moselle Hervé Féron. Contrairement aux AEMG et aux livraisons, le journal officiel de l’Union européenne ne publie pas le montant des prises de commande pour tous les États membres.
Selon le rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France, publié tous les ans par le ministère de la Défense, les prises de commande libyenne d’armement français se chiffrent à 316 millions d’euros entre 2007 et 2009, dont 296 millions passées en 2007, année de libération des infirmières bulgares et de la visite de Kadhafi à Paris. C’est ainsi que la France, deuxième ou troisième exportateur européen d’armes à la Libye, “ne peut pas être considérée comme un fournisseur important d’armement de la Libye”…
La licence inconnue
La procédure d’exportation de matériel militaire se décompose en quatre étapes en France. Un agrément préalable (AP) est délivré avant la prise de commande (CD). Une commission interministérielle autorise ou non l’exportation en attribuant une AEMG, équivalent d’une “autorisation de sortie” nous explique-t-on à la DGA, puis intervient la livraison du matériel (LV). Soit, en résumé : AP > CD > AEMG > LV.
Chose étonnante, deux AEMG ont été délivrées en 2005 pour un montant de 12,875 millions d’euros ainsi que 17 AEMG en 2006 pour un montant de 36,647 millions d’euros. Aucune prise de commande n’est mentionnée ces années-là. À OWNI, la DGA explique qu’il s’agit “d’AETMG, de licences temporaires, qui concernent l’envoi de matériel pour des démonstrations”. 17 AETMG ont ainsi été délivrées en 2005 et 1 AETMG en 2005. Reste donc une licence en 2005. Pour la DGA, elle est liée à “des contrats passés dans les années 1980″, sans donner plus de précision.
Crédits photo FlickR CC by-nc-sa Dunachaser
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