Courir après les policiers municipaux
La transparence et l'ouverture des données (Open Data) sont des priorités pour nos administrations. À priori. Nous essayons donc de collecter des données sur les effectifs de police municipale depuis plus de trois mois. Résultat : on est encore (très) loin du compte. La preuve par la carte.
Balise blanche = données par ville
Balise bleue = données ou précisions concernant le département
Depuis février 2011, la mission gouvernementale Etalab est censée “apporter son appui aux établissements publics administratifs, pour la réutilisation la plus large possible de leurs informations publiques”. Encore faut-il que la notion d’Open Data soit arrivée aux oreilles desdites administrations. Car notre travail, ou plutôt notre ébauche de travail sur les polices municipales montre, une fois de plus, que l’Open Data est un sport d’endurance. Point d’étape, en espérant débloquer la situation.
Kafka dans la place
Au début de l’été, nous avons lancé avec nos amis de La Gazette des communes un projet commun : une carte de France des polices municipales. En effet, ce corps de métier prend une part de plus en plus importante pour assurer la sécurité intérieure. Ses effectifs ont doublé depuis une vingtaine d’années et elle représente la troisième force de police de France1. La doctrine d’emploi varie aussi d’une collectivité locale à l’autre, entre rôle préventif et véritable supplétif de son homologue national. Des différences de point de vue dont témoigne le débat sur le choix d’équiper les hommes avec des armes à feu.
Et au-delà des simples chiffres bruts, il y avait là une belle matière à analyser en rajoutant des couches de données :
- ratio effectif police municipale/police ou gendarmerie nationale
- type d’armement
- couleur politique
- revenu par habitant
- taux de délinquance
- service public comme La Poste
- la présence de caméras de vidéosurveillance
Ce projet était, sur le papier, facilement réalisable. En effet, une étude a été publiée en juin par le Centre national de la fonction publique et territoriale (CNFPT) avec des données agrégées. Les données brutes existent donc bien quelque part. L’organisme nous a répondu par la négative et notre relance étonnée n’a pas eu de retour.
Restait donc le ministère de l’Intérieur, qui nous a renvoyé fissa… aux préfectures. Pour mémoire, la France compte 100 départements, soit 100 adresses mails de service communication à lister dans un premier temps. Bien sûr, il aurait été trop simple que les coordonnées, à jour, fussent accessibles de façon claire sur chaque site de préfecture. Nenni, il a fallu aller les gratter sur Mediasig, avec un taux de courriels erronés non négligeable.
Au final, du pire au mieux, voici ce que les préfectures nous ont envoyé. De maigres résultats rageants, sachant que les préfectures ont ces données, comme l’une d’elles nous l’a confirmée :
Dans la mesure où les policiers municipaux font l’objet d’un double agrément préfet-procureur, toute préfecture est en mesure de sortir le nombre de policiers municipaux qu’elle a agréé. De plus le ministère demande des stats tous les ans.
Du néant au Graal du .xls
☠☠☠☠☠: aucun retour. C’est le cas des 3/4 des préfectures environ.
☠☠☠☠: un retour négatif, doublé d’un échange kafkaiën, comme celui que nous avons eu avec le service de communication du Morbihan, fort empressé au demeurant. Au moins sait-on pourquoi notre demande est refusée et vite, avec un humain au bout du fil :
- On ne les donne pas, voyez avec les communes, cela relève de leur responsabilité.
- Mais vous avez ces chiffres, puisque d’autres préfectures me les ont passés2.
- Si d’autres préfectures ont pris la responsabilité de vous les passer, c’est leur choix. C’est du domaine des communes, adressez-vous à elles.
- Mais où est la prise de risque de me donner une information publique, les citoyens sont bien informés quand leur conseil municipal décide ?
- etc.
Fin du coup de fil, le point Godwin a été réfréné. Trop facile.
Variante en Haute-Savoie
- “Voyez avec les mairies, voici le mail de l’association des maires.”
Mail dans ce sens, réponse 15 jours plus tard :
- “Nous avons bien reçu votre demande mais nous ne pouvons malheureusement pas y répondre favorablement dans la mesure où n’avons absolument pas à notre disposition de telles listes. Je ne comprends pas pourquoi la Préfecture vous a renvoyé vers nous…”
Rebelote vers la préfecture. Nous attendons toujours leur réponse.
☠☠☠: on nous passe des données mais ce sont des effectifs globaux pour le département, comme par exemple dans l’Hérault. À noter qu’en dépit d’un mail initial assez clair, la Moselle a d’abord envoyé ce type d’information. En insistant un peu, on a fini par récupérer le détail. Certes un pdf qu’il a fallu retaper, mais quand même (cf ☠☠).
☠☠: un pdf imbitable est envoyé, ou pire un xls qui fait des caprices après vous avoir bercé de fausses illusions. Au final, ça va plus vite en recopiant.
☠: le document consent, au prix de quelques contorsions, à rentrer dans notre feuille de calcul. Comme dans la chanson, “mon indocile, mon difficile, et puis docile…”. On a aussi eu le cas de données envoyées dans le corps du mail.
: un merveilleux tableau Excel ou un pdf qui se laisse copier-coller sans les petites bizarreries de mise en page habituelles avec ce format pourri dont les charmes nous échappent parfois. Ces cas-là se comptent malheureusement sur les doigts de la main d’un menuisier en fin de carrière.
Texte : Sabine Blanc3
Carte : Julien Kirch
Interdit à la police municipale ? – Photo CC by C’était mieux demain / repimpée ici et sur la une par Owni /-)
- Informations tirées de la note de synthèse de Virginie Malochet à ce sujet [pdf] [↩]
- Nous avons bien pris garde de mettre un tableur en pièce jointe [↩]
- Si vous voulez signaler une erreur, sblanc@owni.fr [↩]
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