La série, diffusée de 1999 à 2003 sur la Fox, et depuis 2008 sur Comedy Central, narre les aventures de Fry, un livreur de pizza très moyen de la fin du XXe siècle, propulsé par erreur en l’an 2999…
Aujourd’hui, voici un panorama de tout ce que l’on peut trouver de mathématique dans Futurama ! (ça reste un blog mathématique !)
Quand un nombre apparaît dans Futurama, c’est rarement un nombre choisi par hasard. Le nombre 1729, notamment, apparaît à de très nombreuses reprises :
Ce nombre est très célèbre pour être un nombre taxicab : un nombre qui peut être exprimé comme la somme de deux cubes, de plusieurs façons différentes (en l’occurrence, 2). En effet,
1729 = 13 + 123 = 93 + 103
Ces nombres sont surtout connus pour faire l’objet d’une anecdote impliquant Hardy et Ramanujan. Alors que le premier rendait visite au deuxième, malade, il lui annonça que le numéro de son taxi, 1729, était plutôt ennuyeux, et qu’il espérait que ce n’était pas un mauvais présage. Ramanujan lui dit que non, c’est un nombre tout à fait intéressant : il est exprimable comme la somme de deux cubes de deux façons distinctes !
Et à propos, le 3ème nombre Taxicab (exprimable comme somme de deux cubes de trois façons différentes) est 87539319 :
87539319 = 1673 + 4363 = 2283 + 4233 = 2553 + 4143
Il ne faut pas oublier que les numéros de série de Bender et de Flexo (les deux robots tordeurs) sont respectivement 2716057 = 9523 + (−951)3 et 3370318 =1193 + 1193, tous deux exprimables comme la somme de deux cubes. (Le genre de coïncidence qui font bien rire les deux robots lors de leur première rencontre). [Le moins pire des deux]
Aucun rapport : à la Central Bureaucracy, il existe une salle appelée Cubicle Room 729. On remarque tout de suite que 729 n’est autre que 93, et pour cause, la salle consiste en un cube 9×9x9 de bureaux en open-space.
Dans le registre des nombres qui ne sont pas là par hasard, il y a 6421.12 :
Si on fait le calcul, on s’aperçoit que Fry a appelé Dial-a-joke… 8128 fois ! (Soit 254 pages, avec 32 entrées par pages). Un nombre pas du tout aléatoire, puisque c’est un nombre parfait, un nombre égal à la somme de ses diviseurs propres. On note au passage que 8128=254*32 est sa factorisation par un nombre premier de Mersenne.
A en croire la série, plus personne dans le futur n’aura de problèmes avec les nombres irrationnels…
Et pour finir avec les références aux constantes mathématiques classique, le nombre e. Le vaisseau de Planet Express passe au travers de séquences de chiffres semblant aléatoires. Il s’agit en fait des décimales de e !
L’infini mathématique est aussi source d’inspiration. Sous sa forme analytique, la proposition ∞ parodie la proposition 8 californienne du 2 mars 2008 interdisant le mariage homosexuel.
Mais surtout, l’infini apparaît dans le nom du cinéma de New New York : le Loew’s ℵ0-Plex. A en croire le nom, c’est un multiplexe qui aurait un nombre infini dénombrable de salles (ℵ0 désignant – à peu de choses près – le nombre d’élément de l’ensemble ℕ)
Un des quatre épisode de la saison 4 met en scène la terrible M’man à la recherche de l’anticristal de matière noir, elle-même possédant déjà son cristal. A l’écran, le cristal (rouge) est en forme d’icosaèdre, et l’anticristal (noir) a celle d’un dodécaèdre, qui sont deux solides de Platon (un polyèdre dont toutes les faces sont un même polygone régulier). Mathématiquement, l’icosaèdre et le dodécaèdre sont duaux : on obtient l’autre en reliant le milieu des faces de l’un.
Dans ce même épisode, une scène montre les 3 autres polyèdres de Platon : le cube, le tétraèdre et l’octaèdre.
Il faut aussi parler de Madison Cube Garden, parodie du Madison Square Garden, un lieu récurrent de la série dans lequel se déroule les concerts ou les matchs de Blernsball. Sans surprise, il a la forme… d’un cube !
L’image scientifique la plus emblématique de la série reste la suivante :
Côte à côte, on peut voir de la liqueur de malt Olde Fortran (bière pour robot, en référence au langage de programmation Fortran), de la bière St Pauli Exclusion Principle Girl (référence croisée entre la bière St Pauli Girl et le principe d’exclusion de Pauli, en physique quantique) et surtout, de la bière de Klein, vendue dans des bouteilles de Klein (une surface mathématique ayant la particularité topologique de n’avoir ni intérieur, ni extérieur).
Dans la rubrique topologie, on peut aussi parler de l’épreuve de tordage des jeux olympiques, où un robot tord une poutre intordable en forme de nœud de trèfle (le nœud – au sens mathématique – le plus simple après le nœud trivial)
On ne peut pas y échapper : la conjecture de Goldbach, l’hypothèse de Riemann ou la conjecture P=NP sont en l’an 3000 devenus de vrais théorèmes…
Une fois au paradis, Farnsworth et Wernstrom parviennent à démontrer la conjecture de Goldbach (qui dit que tout entier pair peut s’écrire sous la forme de la somme de deux nombres premiers). En détails, on peut lire sur le tableau :
GOLDBACH QUODLIBET (écrit en langage alien, signifiant littéralement en latin “n’importe quoi”)
n2+m < p1+p2 < (n+1)2+2m (une inégalité que l’on peut imaginer faire partie de la démonstration de Goldbach faisant intervenir la conjecture de Legendre (entre deux carrés, on trouve un nombre premier – à ce jour non démontrée) et le postulat de Bertrand (entre un entier et son double, on trouve un nombre premier))
3+5=8 (écrit de manière figurée, un exemple de nombre pair somme de deux premiers)
w’+z’→θ
η’+η’→2(η+ππ)
31, 314159 (les premiers nombres premiers que l’on peut obtenir en concaténant les décimales de pi)
π2(x) = 2c2 x/(ln(x))², x→∞
QED (“CQFD”) Nombre premier martien : ♂2 = 170141183460469231731687303715884105727 (un exemple de nombre premier de Mersenne 2p-1, où p est également un nombre premier de Mersenne)
etc…
Le problème P=NP (“un problème peut-il toujours être résolu rapidement par un algorithme ?“) fait une apparition au détour de deux livres dans le placard à balai des locaux de Planet Express.
On peut aussi apercevoir l’hypothèse de Riemann (sous une forme démontrée) lors d’un cours sur les coniques :
Futurama parle également du théorème Greenwaldien, disant a²+b²>c² (l’homologue du théorème de Pythagore en géométrie sphérique). Il n’existe pas réellement de théorème Greenwaldien, c’est simplement un clin d’œil des scénaristes à Sarah Greenwald, qui a écrit plusieurs articles sur la science et les maths dans les Simspons et dans Futurama.
L’autre équation du tableau, E=9.87sin(2B)-7.53cos(B)-1.5sin(B), est l’équation du temps, utilisé en astronomie et qui mesure “la différence entre le temps solaire moyen et le temps solaire vrai“.
Dans le dixième épisode de la saison 6, les scénaristes y sont allés encore plus fort : un théorème mathématique du domaine de la théorie des groupes, un vrai de vrai, a été inventé pour l’occasion, et sert de dénouement à l’intrigue !
Le professeur Farnsworth invente une machine permettant d’échanger deux esprits entre deux corps. Ainsi, l’esprit d’Amy se retrouve dans le corps de Farnsworth, et vice-versa. La premier soucis, c’est que si un échange est fait, il est impossible de revenir en arrière (Farnsworth et Amy ne peuvent plus échanger à nouveau leurs esprits). Le deuxième soucis, c’est que très vite, tous les personnages de la série utilisent la machine, et qu’une dizaine d’esprits sont dispersés dans tout autant de corps… Comment s’en sortir ?
La solution est énoncée par les deux mathématiciens-basketteurs de la série, Sweet Clyde et Bubblegum Tate : en ajoutant seulement deux personnes, il est possible de remettre à leur place tous les esprits, quel que soit le nombre d’échanges ayant été faits. Et ils le prouvent :
Le théorème montre que si le corps et l’esprit de k personnes sont mélangés, il suffit de deux autres personnes et de k+3 échanges (au plus) pour que chacun retrouve sa place initiale.
Avec l’aide des deux corps de Clyde et Tate, les 9 esprits mélangés parviennent à retrouver leur corps d’origine, en 13 échanges (dans le contexte de l’épisode, on peut montrer que le problème était résolu en 9 échanges, sans l’intervention de deux autres personnes).
Il me reste encore plein d’images à mettre… Ca ne vous gêne pas si je les mets là, en désordre ?
Et il semble que la série ne va pas s’arrêter là. L’épisode prévu pour le 4 août prochain, intitulé “Möbius Dick“, parle d’une baleine de l’espace à 4 dimensions…
Dr. Sarah’s Futurama Math: Mathematics in the Year 3000
Photo Flickr CC par repost.no.
]]>La série, diffusée de 1999 à 2003 sur la Fox, et depuis 2008 sur Comedy Central, narre les aventures de Fry, un livreur de pizza très moyen de la fin du XXe siècle, propulsé par erreur en l’an 2999…
Aujourd’hui, voici un panorama de tout ce que l’on peut trouver de mathématique dans Futurama ! (ça reste un blog mathématique !)
Quand un nombre apparaît dans Futurama, c’est rarement un nombre choisi par hasard. Le nombre 1729, notamment, apparaît à de très nombreuses reprises :
Ce nombre est très célèbre pour être un nombre taxicab : un nombre qui peut être exprimé comme la somme de deux cubes, de plusieurs façons différentes (en l’occurrence, 2). En effet,
1729 = 13 + 123 = 93 + 103
Ces nombres sont surtout connus pour faire l’objet d’une anecdote impliquant Hardy et Ramanujan. Alors que le premier rendait visite au deuxième, malade, il lui annonça que le numéro de son taxi, 1729, était plutôt ennuyeux, et qu’il espérait que ce n’était pas un mauvais présage. Ramanujan lui dit que non, c’est un nombre tout à fait intéressant : il est exprimable comme la somme de deux cubes de deux façons distinctes !
Et à propos, le 3ème nombre Taxicab (exprimable comme somme de deux cubes de trois façons différentes) est 87539319 :
87539319 = 1673 + 4363 = 2283 + 4233 = 2553 + 4143
Il ne faut pas oublier que les numéros de série de Bender et de Flexo (les deux robots tordeurs) sont respectivement 3370318 (=95233 + (?951)3) et 2716057 (=1193 + 1193), tous deux exprimables comme la somme de deux cubes. (Le genre de coïncidence qui font bien rire les deux robots lors de leur première rencontre). [Le moins pire des deux]
Aucun rapport : à la Central Bureaucracy, il existe une salle appelée Cubicle Room 729. On remarque tout de suite que 729 n’est autre que 93, et pour cause, la salle consiste en un cube 9×9x9 de bureaux en open-space.
Dans le registre des nombres qui ne sont pas là par hasard, il y a 6421.12 :
Si on fait le calcul, on s’aperçoit que Fry a appelé Dial-a-joke… 8128 fois ! (Soit 254 pages, avec 32 entrées par pages). Un nombre pas du tout aléatoire, puisque c’est un nombre parfait, un nombre égal à la somme de ses diviseurs propres. On note au passage que 8128=254*32 est sa factorisation par un nombre premier de Mersenne.
A en croire la série, plus personne dans le futur n’aura de problèmes avec les nombres irrationnels…
Et pour finir avec les références aux constantes mathématiques classique, le nombre e. Le vaisseau de Planet Express passe au travers de séquences de chiffres semblant aléatoires. Il s’agit en fait des décimales de e !
L’infini mathématique est aussi source d’inspiration. Sous sa forme analytique, la proposition ? parodie la proposition 8 californienne du 2 mars 2008 interdisant le mariage homosexuel.
Mais surtout, l’infini apparaît dans le nom du cinéma de New New York : le Loew’s ?0-Plex. A en croire le nom, c’est un multiplexe qui aurait un nombre infini dénombrable de salles (?0 désignant – à peu de choses près – le nombre d’élément de l’ensemble ?)
Un des quatre épisode de la saison 4 met en scène la terrible M’man à la recherche de l’anticristal de matière noir, elle-même possédant déjà son cristal. A l’écran, le cristal (rouge) est en forme d’icosaèdre, et l’anticristal (noir) a celle d’un dodécaèdre, qui sont deux solides de Platon (un polyèdre dont toutes les faces sont un même polygone régulier). Mathématiquement, l’icosaèdre et le dodécaèdre sont duaux : on obtient l’autre en reliant le milieu des faces de l’un.
Dans ce même épisode, une scène montre les 3 autres polyèdres de Platon : le cube, le tétraèdre et l’octaèdre.
Il faut aussi parler de Madison Cube Garden, parodie du Madison Square Garden, un lieu récurrent de la série dans lequel se déroule les concerts ou les matchs de Blernsball. Sans surprise, il a la forme… d’un cube !
L’image scientifique la plus emblématique de la série reste la suivante :
Côte à côte, on peut voir de la liqueur de malt Olde Fortran (bière pour robot, en référence au langage de programmation Fortran), de la bière St Pauli Exclusion Principle Girl (référence croisée entre la bière St Pauli Girl et le principe d’exclusion de Pauli, en physique quantique) et surtout, de la bière de Klein, vendue dans des bouteilles de Klein (une surface mathématique ayant la particularité topologique de n’avoir ni intérieur, ni extérieur).
Dans la rubrique topologie, on peut aussi parler de l’épreuve de tordage des jeux olympiques, où un robot tord une poutre intordable en forme de nœud de trèfle (le nœud – au sens mathématique – le plus simple après le nœud trivial)
On ne peut pas y échapper : la conjecture de Goldbach, l’hypothèse de Riemann ou la conjecture P=NP sont en l’an 3000 devenus de vrais théorèmes…
Une fois au paradis, Farnsworth et Wernstrom parviennent à démontrer la conjecture de Goldbach (qui dit que tout entier pair peut s’écrire sous la forme de la somme de deux nombres premiers). En détails, on peut lire sur le tableau :
GOLDBACH QUODLIBET (écrit en langage alien, signifiant littéralement en latin “n’importe quoi”)
n2+m < p1+p2 < (n+1)2+2m (une inégalité que l’on peut imaginer faire partie de la démonstration de Goldbach faisant intervenir la conjecture de Legendre (entre deux carrés, on trouve un nombre premier – à ce jour non démontrée) et le postulat de Bertrand (entre un entier et son double, on trouve un nombre premier))
3+5=8 (écrit de manière figurée, un exemple de nombre pair somme de deux premiers)
w’+z’??
?’+?’?2(?+??)
31, 314159 (les premiers nombres premiers que l’on peut obtenir en concaténant les décimales de pi)
?2(x) = 2c2 x/(ln(x))², x??
QED (“CQFD”) Nombre premier martien : ?2 = 170141183460469231731687303715884105727 (un exemple de nombre premier de Mersenne 2p-1, où p est également un nombre premier de Mersenne)
etc…
Le problème P=NP (“un problème peut-il toujours être résolu rapidement par un algorithme ?“) fait une apparition au détour de deux livres dans le placard à balai des locaux de Planet Express.
On peut aussi apercevoir l’hypothèse de Riemann (sous une forme démontrée) lors d’un cours sur les coniques :
Futurama parle également du théorème Greenwaldien, disant a²+b²>c² (l’homologue du théorème de Pythagore en géométrie sphérique). Il n’existe pas réellement de théorème Greenwaldien, c’est simplement un clin d’œil des scénaristes à Sarah Greenwald, qui a écrit plusieurs articles sur la science et les maths dans les Simspons et dans Futurama.
L’autre équation du tableau, E=9.87sin(2B)-7.53cos(B)-1.5sin(B), est l’équation du temps, utilisé en astronomie et qui mesure “la différence entre le temps solaire moyen et le temps solaire vrai“.
Dans le dixième épisode de la saison 6, les scénaristes y sont allés encore plus fort : un théorème mathématique du domaine de la théorie des groupes, un vrai de vrai, a été inventé pour l’occasion, et sert de dénouement à l’intrigue !
Le professeur Farnsworth invente une machine permettant d’échanger deux esprits entre deux corps. Ainsi, l’esprit d’Amy se retrouve dans le corps de Farnsworth, et vice-versa. La premier soucis, c’est que si un échange est fait, il est impossible de revenir en arrière (Farnsworth et Amy ne peuvent plus échanger à nouveau leurs esprits). Le deuxième soucis, c’est que très vite, tous les personnages de la série utilisent la machine, et qu’une dizaine d’esprits sont dispersés dans tout autant de corps… Comment s’en sortir ?
La solution est énoncée par les deux mathématiciens-basketteurs de la série, Sweet Clyde et Bubblegum Tate : en ajoutant seulement deux personnes, il est possible de remettre à leur place tous les esprits, quel que soit le nombre d’échanges ayant été faits. Et ils le prouvent :
Le théorème montre que si le corps et l’esprit de k personnes sont mélangés, il suffit de deux autres personnes et de k+3 échanges (au plus) pour que chacun retrouve sa place initiale.
Avec l’aide des deux corps de Clyde et Tate, les 9 esprits mélangés parviennent à retrouver leur corps d’origine, en 13 échanges (dans le contexte de l’épisode, on peut montrer que le problème était résolu en 9 échanges, sans l’intervention de deux autres personnes).
Il me reste encore plein d’images à mettre… Ca ne vous gêne pas si je les mets là, en désordre ?
Et il semble que la série ne va pas s’arrêter là. L’épisode prévu pour le 4 août prochain, intitulé “Möbius Dick“, parle d’une baleine de l’espace à 4 dimensions…
Dr. Sarah’s Futurama Math: Mathematics in the Year 3000
Photo Flickr CC par repost.no.
]]>A quoi ressemble exactement la frontière entre le bien et le mal ? Qu’est ce qui sépare fondamentalement le froid du chaud ? Comment distinguer le sombre de la clarté ? Seuls trois mathématiciens chevronnés pouvaient s’attaquer à la résolution de ces mystères. Leur réponse est sans appel : c’est la spirale de Fermat !
Les taoïstes me contrediront sûrement, mais le yin et le yang, c’est ce qui décrit comment les forces contraires de la nature sont interconnectées et interdépendantes. Elles apparaissent dans les écrits de Lao Tseu, au chapitre 42 du Tao Tö King. Sans doute par goût esthétique, Zhu Xi a popularisé le Taijitu, la représentation graphique bien connue du yin et du yang.
Oui, mais… Comment représenter au mieux ce Taijitu ? Quelle est la courbe qui sépare au mieux le yin du yang ? C’est la question que se sont posée Taras Banakh, Oleg Verbitsky et Yaroslav Vorobets (deux mathématiciens Ukrainiens et un Américain), avant de trouver une réponse en 2009.
Il s’agit donc de trouver une courbe ? (la courbe qui ressemble à un S) qui sépare le yin du yang de la manière la plus harmonieuse possible. Que doit-on attendre d’elle ? Les trois mathématiciens proposent 6 hypothèses, mêlant des arguments esthétiques et philosophiques.
A1 : ? sépare D en deux parties identiques, D étant un disque d’aire 1 (ie., de rayon 1/??)
Il ne faudrait quand même pas que le yin soit plus fort que le yang !
A2 : ? traverse tout cercle concentrique à D exactement deux fois
Là, c’est par soucis d’esthétisme (ce qui oblige, au passage, ? à passer par le centre du disque).
A3 : Tout rayon de D coupe ? exactement une fois (ou 2, si on compte le centre)
C’est une hypothèse un peu plus discutable, mais c’est philosophiquement intéressant : tout rayon a une partie yin et une partie yang.
A5 : ? est une courbe lisse
Déjà, parce que c’est plus joli comme ça, et surtout, ça évite tout un tas de cas dégénérés (Et personne ne voudrait d’un Taijitu dégénéré).
A6 : ? possède des coordonnées polaires algébriques
Qui voudrait d’une frontière irrationnelle entre le yin et le yang ? L’équation de la courbe ne devra faire intervenir que des polynômes.
Avec ces 5 hypothèses, tout une famille de courbes se dégage : les spirales. Mais laquelle choisir : D’Archimède ? De Fermat ? D’or ? Logarithmique ?
Il faut donc une dernière hypothèse, assurant un équilibre entre symétrie et asymétrie.
A4 : ? sépare D en deux ensembles parfaits
C’est la moindre des choses que le yin et le yang soient parfaits…
On va appeler “symétrique” un sous-ensemble B du disque qui est sa propre image par une symétrie d’axe un diamètre du disque. On peut “symétriser” un ensemble quelconque en prenant son intersection avec son image.
L’ensemble délimité par la courbe rouge est symétrique (dans le sens de l’article), contrairement à celui délimité par la courbe verte.
En intersectant l’ellipse bleu clair avec son image, on trouve un sous-ensemble (bleu foncé) symétrique.
On dit alors qu’un sous-ensemble A de D est parfait si son aire vaut 1/2 et que tout sous-ensemble symétrique de A a une aire d’au plus 1/4.
Non seulement, il existe des ensembles parfaits (c’est la moindre des choses), mais surtout, cette propriété possède un corollaire particulièrement intéressant : l’intersection entre un ensemble parfait et son symétrique par rapport à une droite a une aire valant toujours 1/4 (l’aire du symétrisé vaut la moitié de celle de l’ensemble parfait).
L’ensemble en rouge est parfait : l’aire de son sous-ensemble symétrisé (en violet) par rapport au diamètre vertical vaut la moitié de l’ensemble rouge. Un applet est disponible là-bas, pour faire tourner le diamètre.
L’hypothèse prend donc tout son sens : en demandant au yin (resp. le yang) d’être un ensemble parfait, on demande lui demande de posséder une dualité parfaite symétrie/asymétrie, et ce, dans tous les sens possibles. On ne peut pas mettre plus de dualité !
La spirale de Fermat, d’équation polaire ?²r²=? ! ou, d’équation cartésienne [±?(t/?²).cos(t), ±?(t/?²).sin(t)]. Et c’est la seule courbe (à une rotation près) qui vérifie les 6 hypothèses. Telle est la conclusion Banakh, Verbitsky et Vorobets.
La spirale de Fermat. En prenant un cercle plus ou moins grand, on trouve plusieurs types de Taijitu.
Le coefficient ?², c’est juste pour respecter l’hypothèse A3. En modifiant ce coefficient, on peut faire spiraler plus ou moins le Taijitu, et, par exemple, faire en sorte que chaque rayon coupe ? exactement deux fois.
Le symbole du yin-yang apparaît dans le drapeau sud-coréen, et donc, a déjà été normalisé. Plutôt qu’une spirale de Fermat, le choix s’est porté sur deux demi-cercles de rayon 1/2. Au moins, la courbe et le bord du cercle sont tangents.
Les dimensions normalisées du drapeau de la Corée du Sud.
En remontant dans l’histoire des drapeaux du pays, on retrouve celui de 1882, featuring… une spirale de Fermat !
L’ancien drapeau de la Corée du Sud
>> Photo FlickR CC Laurence & Annie
>> Article initialement publié sur Choux Romanesco, vache qui rit et intégrales curvilignes , un blog de C@fé des sciences
]]>Tous les ingrédients sont là :
- un problème simple à mi-chemin entre géométrie et topologie (autrement dit, avec des dessins)
- une période de 78 ans entre le moment où Otto Toeplitz énonce sa conjecture (1911) et le moment où Walter Stromquist publie une solution intéressante (1989).
- de chouettes variantes
Puisque le problème parle de courbe, il va falloir se munir d’un crayon et d’une feuille de papier. Dessinez-y une courbe qui revient à son point de départ, mais qui ne passe jamais deux fois au même endroit (c’est ce qu’on appelle une courbe de Jordan, qui partage le plan en un intérieur et un extérieur). Maintenant, le jeu est de trouver quatre points de la courbe qui forment un carré. Si tout va bien, vous devriez trouver. Sinon, c’est que vous avez mal cherché, ou que vous êtes tombé sur un contre-exemple (mais je miserais plutôt sur le fait que vous avez mal cherché)
Exemple de courbe de Jordan possédant (au moins) deux carrés inscrits
Soyons précis dans les termes : une courbe de Jordan, c’est donc une courbe fermée sans point double. On dit qu’un polygone est inscrit dans la courbe si ses sommets tombent sur la courbe en question. La conjecture de Toeplitz demande donc :
Une courbe de Jordan admet-elle toujours un carré inscrit ?
On peut s’attendre à plusieurs réponses :
- Toutes ? Oui, sans exception !
- Toutes ? Non ! Mais la probabilité de trouver un contre-exemple en tirant au hasard dans l’ensemble des courbe est nulle.
- Toutes ? Loin de là ! La probabilité de trouver une courbe admettant un carré inscrit est nulle.
- Toutes ? N’importe quoi ! Aucune, plutôt !
Étant donné qu’il existe au moins un exemple, on peut oublier la dernière réponse, mais dans l’état actuel des choses, on ne sait pas trancher entre les trois réponses possibles : on ne sait pas à quel point il existe des contre-exemples… Cela dit, un théorème particulièrement intéressant fait le buzz en 1989 : le théorème de Stromquist, qui répond à la conjecture de Toeplitz en disant :
Oui.
Ou, pour être plus précis, la courbe possède son carré inscrit si elle est suffisamment sympathique (dans le sens où elle ne doit pas avoir de comportement fractal). Le problème, c’est que l’ensemble des courbes sympathique ne représente qu’une infime partie de l’ensemble des courbes. Ce théorème répond quand même un peu au problème de départ, puisque si on dessine vraiment notre courbe sur un bout de papier, elle sera “suffisamment sympathique”. Ce théorème répond donc à 99% à la question posée, mais le 1% demande encore beaucoup de travail…
Ou pourrais aussi penser à approcher une courbe quelconque par une suite de courbe sympathique en prenant à chaque fois le carré donné par le théorème de Stromquist, mais on n’est pas sûr d’obtenir un carré de côté non nul après le passage à la limite (et si on autorise ce genre de carré, la question n’a plus trop d’intérêt…)
Bref, ce problème est difficile, et fait appel à des considérations sophistiquées… Mais les variantes du problèmes sont bien plus faciles à résoudre, et demandent des solutions ingénieuses ! Voici donc ce qu’il se passe quand on considère les courbes symétriques, ou quand on cherche des parallélogrammes, des losanges ou des triangles inscrits.
Comme le problème est difficile dans sa généralité, autant regarder un cas particulier. Le plus simple, c’est celui où la courbe J possède une symétrie centrale.
5 Carrés inscrits se cachent dans cette courbe de Jordan symétrique. Saurez-vous les débusquer ?
En deux coups de cuillère à pot, on peut trouver ses carrés inscrit. L’idée est de considérer la même figure après une rotation à 90° (R). Les deux courbes se coupent alors en au moins un point, disons P. Dans ce cas, les points P, -P, R(P) et -R(P) sont aussi sur la courbe en question, et forme un carré. CQFD !
(En fait, non, il faut aussi montrer que les deux courbes se croisent bien quelque part. L’idée est de prendre deux points particuliers sur J – le plus proche et le plus éloigné du centre – et de montrer que leur image par R sont respectivement à l’intérieur et à l’extérieur du domaine délimité par J)
Changeons. Au lieu de chercher un carré, et si on cherchait plutôt un losange ? Ou un parallélogramme ? Nielson montre en 1995 qu’il existe toujours une infinité de losanges inscrits dans une courbe de Jordan, et il utilise pour cela une technique de preuve révolutionnaire : la preuve par “petits bonhomme qui gravissent une montagne” !
Notre courbe, on peut considérer que c’est un gros rocher posé en équilibre sur un sol horizontal. Quitte à faire basculer un peu le rocher, on peut supposer qu’il possède un seul sommet et qu’un seul point qui touche le sol. On considère donc 4 alpinistes : A, B, C et D. A et B partiront du sommet S du rocher et descendront en rappel, chacun de son côté du rocher. C et D, quant à eux, partiront de la base M du rocher, et grimperont.
Ceci est une montagne, et les 4 points sont des alpinistes. Un peu d’imagination.
La descente, pour A et B ne se fait pas n’importe comment : ils font en sorte de toujours être à la même hauteur (et donc, [AB] est toujours parallèle au sol). Même si le relief ne se prête pas à une descente constante (par exemple, A devra remonter une fois au niveau du lac), les deux alpinistes peuvent toujours être à la même hauteur, quitte à ce que l’un d’eux rebrousse momentanément chemin.
C et D font la même chose, mais en partant de la base M du rocher, jusqu’à ce que A rencontre D et B rencontre C.
Mais les 4 alpinistes sont encore plus synchronisés que ça : ils font en sorte que la distance entre A et B soit toujours la même que celle entre C et D. Encore une fois, le terrain demandera sûrement à ce que l’un des deux couples fasse marche arrière pour que l’autre puisse progresser.
Grâce à tous ces efforts, les positions des 4 alpinistes forment en permanence un parallélogramme (où la direction horizontale a été arbitrairement choisie). Entre le moment où les alpinistes commencent leur descente/montée et le moment où ils se croisent, il y aura un instant où la distance entre les deux couples sera la même que la distance entre les deux alpinistes d’une même face. A ce moment très précis, ils formeront un losange. Celui que l’on recherche !
Et pourquoi pas chercher un triangle inscrit ? Équilatéral, par exemple. Un théorème de 1980 nous dit qu’il en existe au moins un, et donne même une recette pour le trouver :
- Étape 1 : On considère un cercle à l’intérieur de la courbe J, et on le déplace jusqu’à ce qu’il entre en contacte avec la courbe en un point A. On considère aussi P et Q, deux points de J dont la distance est la plus grande possible
- Étape 2 : A partir de ce point A, on peut construire un triangle équilatéral ABC inscrit dans le cercle. On dilate le cercle jusqu’à ce que l’un des deux points (B ou C) rentre en contact avec la courbe.
- Étape 3 : Disons que c’est le point B qui touche J en premier (si les deux le touche en même temps, on a trouvé le triangle qu’il fallait). C est donc à l’intérieur de J. En maintenant fixé le point B, on déplace A jusqu’en P, tout en gardant le triangle équilatéral. Si tout va bien, C sortira de J, et donc, croisera la courbe (ce qui donne un triangle ABC équilatéral).
- Étape 4 : Sinon, C est toujours à l’intérieur. Pas grave. On garde cette fois fixe le point A, et on déplace B jusqu’en Q. La distance PQ étant supposée maximale, le point C sortira de J, en le croisant, ce qui donne le triangle cherché.
En fait, cette preuve permet de trouver un triangle similaire à n’importe quel triangle donné. Dans la preuve, il faut cependant veiller à ce que AB soit le plus petit côté du triangle, pour être sûr que le troisième point sorte de la courbe à l’étape 4.
Cette version du théorème du triangle inscrit dit qu’il en existe au moins un, mais une version plus forte (démontrée en 1992) indique qu’il y en a une infinité et que, si on les dessine tous, l’intérieur de la courbe sera complètement colorié. On peut même montrer que le théorème reste vrai (moyennant une petite hypothèse) quand on considère la courbe dans l’espace plutôt que dans le plan. Pour ce qui est des dimensions supérieures, la question reste ouverte…
>> Article publié initialement sur Choux romanesco, vache qui rit et intégrales curvilignes, un blog du C@fé des sciences
>> Photo FlickR CC-by jasonferrell
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