Ils étaient petits et gros, on leur jetait des cailloux du fond du bus, maintenant c’est eux qui ont le pouvoir.
Une repartie désabusée et bienveillante lors du retrait des badges de mon confrère Hugues Sweeny, venu du Canada pour présenter avec moi des productions web natives dans la section « Movie » demain. Premières impression d’un geekland texan en train d’éclore, en cette première journée.
- Austin, c’est loin. La ville a le charme des capitales administratives (c’est le chef lieu du Texas), à savoir une taille familiale, et une absence totale d’ambition urbanistique. On est généreux avec l’espace, mais c’est un peu comme la neige en Finlande : on en a plein, donc on ne compte pas. Les lobbys d’hôtels ressemblent au palais de Ceaucescu, on marche des heures dans le moindre corridor. Dehors, les blocs sont disjoints. On a l’impression d’un downtown en pleine cambrousse. Passé les derniers buildings, la ville s’arrête, net. Après, on sait pas ce qu’il y a, et on saura pas parce-que c’est loin et qu’en Amérique on ne marche pas, ça fait suspect.
- Les américains sont les génies de l’organisation. C’est pareil que pour l’espace, on dirait que c’est naturel chez eux. Mais pour un européen, c’est très dépaysant. Il y a pléthore de volontaires qui vous orientent, vous canalisent, répondent à vos questions, et si vous n’avez pas de questions, que vous restez interdit devant un panneau pendant 2 secondes, ils vous demandent quand même si vous en avez une. La procédure d’enregistrement a pris environ 15 mn tout compris, retrait du sac promotionnel inclus.
- Tout ça est très casual. Tout le monde est assis pas terre, dans les halls, en train de déballer ses affaires, ou se connecter au Wifi. Qui marche, autre grosse différence avec d’autres évènements. Le Mac est roi (mais j’ai vu quelques stands égarés avec des Dell), et la moitié de la population déambule en mode tête baissée sur son mobile, pour raconter sa life sur Twitter. La moyenne d’âge est basse. Disons autour de la trentaine. Je me sens presque un vioque.
- La géolocalisation est le killer social tool. Pour s’en convaincre, jetez un œil au Pepsico Zeitgeist. Une syndication temps réel des flux provenant de Twitter, Foursquare, FlickR et SXSW. Il y a même un partenariat avec Gowalla. Je reste prudent avec mon mobile, car la note de roaming va me faire moins rire en rentrant. Ce qui me frappe, c’est la vitesse avec laquelle ces outils sociaux géolocalisés ont révolutionné le monde des conférences. Après Twitter (le backchannel ultime), la dimension géographique représente la clé d’entrée majoritaire du web en temps réel. Que ce soit pour trouver un bar a Guacamole ou l’endroit où a lieu le panel qu’on veut suivre.
Imaginez que votre vie dans les années qui viennent sera la même qu’avant, mais avec un GPS qui augmente votre perception de la réalité, et celle des autres sur votre situation.La notion de privacy, qui avait déjà bien morflé avec la disparition de la correspondance au profit de la publication (« hey, @machin, on se retrouve à 19h chez @bidule?« ) perd encore des pétales. Bientôt il ne restera que la tige. Pour des raisons légitimes, pratiques, excitantes et pleines de promesses.
Je ne suis pas de ceux qui grognent et regrettent. Mais je constate ces changements, partagé entre fascination, nostalgie, enthousiasme et indifférence.
- Profusion, abondance, pléthore. Pour se repérer dans le programme il y a un site, des programmes en papier, des applications iPhone. Avec la certitude qu’on ne pourra être partout. Pour suivre et commenter en temps réel, chaque panel a son tag. J’avais déjà constaté ça à Sheffield, et cela semble être une norme établie : un évènement comme SXSW a donc une hashtag policy, environ 300 hashtags différents, certains font 20 signes, et tout cela me laisse un peu dubitatif, mais bon.
- Crossmedia mais pas trop. En fait, SXSW c’est non pas un festival, mais trois : Film, Interactive et Music. Je suis intervenant sur un panel dans la section Film (alors que je suis venu parler des web documentaires et de la production web native), qui n’a pratiquement aucun recouvrement avec la section Interactive (programmes, lieux et participants différents). Ce qui est paradoxal c’est que la section interactive recèle beaucoup de débats sur la télévision, les journaux, le social media. Mais le cinéma et le documentaire semble avoir subi la loi d’airain d’une nomenclature impitoyable. Les geeks veulent bien parler du NYT, mais pas de Prison Valley. Reste à les convaincre pour l’an prochain.
Bon, je vais boire un café bizarre dans un grand gobelet en carton, et je fourbis mes tweets pour couvrir « Ten Commandements For The Digital Age » dans 45 mn.
>> Article initialement publié sur FXSW
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