OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Atlantico, vraie face du modèle économique du web http://owni.fr/2011/03/08/atlantico-vraie-face-du-modele-economique-du-web/ http://owni.fr/2011/03/08/atlantico-vraie-face-du-modele-economique-du-web/#comments Tue, 08 Mar 2011 18:55:29 +0000 Vincent Glad http://owni.fr/?p=50440 Lancé lundi dernier, Atlantico.fr a bénéficié d’un bruit médiatique à la Benjamin Lancar. Tout le monde ou presque dans la sphère web a critiqué ce nouveau pure-player classé à droite mais l’équipe a encaissé sereinement les coups, sachant que tout bad buzz est avant tout un buzz: «Et voilà, #Atlantico est déjà dans les trending topics. Merci à tous ! (oui, à vous aussi, les haters)», écrivait le site sur son Twitter le jour du lancement.

Le débat autour d’Atlantico s’est polarisé autour de son ancrage à droite. «Atlantico, cap à tribord», titrait Owni, «Atlantico, le pure-player ni de gauche», titrait Libé tandis que Laurent Mauduit de Mediapart oubliait les politesses d’usage entre confrères en publiant une chronique tonitruante «Atlantico, la droite rance». De son côté, 20minutes.fr soulignait l’absence d’innovation du pure-player qui ne se distinguerait que par son positionnement politique: «Rien de révolutionnaire pourtant puisque des sites comme Slate, Owni et LePost mêlent justement production et agrégation. Atlantico n’a donc rien du chaînon manquant au paysage digital français mais son originalité réside ailleurs. Dans son positionnement libéral précisément.»

J’ai moi-même cédé à la tentation d’y voir simplement un Slate de droite, en publiant sur Twitter cette petite cartographie des pure-players.

Mais Atlantico n’est pas un Slate de droite, c’est à dire un site d’information magazine, plus centré sur l’analyse et le commentaires que sur la recherche de scoop. Après une semaine d’existence, Atlantico apparaît plutôt comme un Huffington Post français —voire un Morandini haut de gamme— c’est à dire une publication tendue vers l’audience à bas coûts, le libéralisme appliqué au journalisme web. Ce qui est une petite révolution dans la sphère des pure-players.

Atlantico s’est donné pour objectif d’atteindre les 600.000 visiteurs uniques d’ici un an, ce qui paraît tout à fait jouable. Quatre types de contenu devraient particulièrement cartonner en audience et ce, pour des coûts de production très faibles: les «exclusifs», les «pépites», «Atlantico light» et les chroniques polémiques.

Les «exclusifs»

En une semaine d’existence, Atlantico a multiplié les articles pastillés «exclusif»: Sarkozy aurait tenté d’attirer Jospin dans ses filets, les enfants de Hollande et Royal ont posé un ultimatum à leurs parents, les squatteurs de “Jeudi Noir” n’étaient pas des mal-logés et les éditeurs parisiens perquisitionnés par la Commission Européenne. Ces articles ont la particularité de n’être pas signés.

En ce qui concerne les deux premiers scoops politiques —dont le premier est au conditionnel— il s’agit d’une version web des indiscrets des magazines d’information comme L’Express ou Le Point, une pratique qu’évitent d’ordinaire les pure-players. La source n’est pas citée et on ne sait pas très bien si l’info a été recoupée. «[Ça me rassurerait] que la presse web ne reproduise pas le pire de la presse mag avec des “confis” non sourcés et survendus…», écrit le journaliste du Monde.fr Samuel Laurent à l’occasion d’un tweet-clash avec Jean-Baptiste Giraud, le réd chef d’Atlantico.

Cette valorisation de l’«exclusif» rappelle Morandini qui applique ce label à des informations dont l’importance n’est pas toujours capitale, et qu’on a parfois déjà vu ailleurs. L’«exclusif» sur la perquisition chez les éditeurs parisiens était d’ailleurs sorti quelques minutes plus tôt sur 01net, comme l’a relevé le journaliste David Doucet sur Twitter.

Il faut espérer qu’Atlantico n’aille pas aussi loin que lesindiscrets.com, le site lancé par un un ex-associé de Morandini et depuis racheté par Omar Harfouch, qui a sorti une longue série de scoops non sourcés et non signés au parfum de soufre, notamment un article “révélant” un scandale sexuel scabreux chez les Jeunes Populaires et plusieurs scuds contre Valérie Pécresse.

Malgré très peu de reprises média pour l’instant, à part sur des sites de buzz, ces articles ont l’air de bien marcher, en tête des stats affichées en Une d’Atlantico vendredi soir.

Les «pépites»

Pour sa rubrique «pépites», Atlantico s’est directement inspiré du Daily Beast, un des exemples les plus connus de journalisme de liens. Comparatif entre le Daily Beast à gauche et Atlantico à droite.

Ces «pépites» sont ambigües. Car derrière la bienveillante volonté de #partage des meilleurs liens avec son lectorat, la vocation de «facilitateur d’accès à l’information», les «pépites» sont surtout un piège à clics. Le seul vrai journalisme de liens est celui pratiqué par le Drudge Report, où les liens renvoient directement vers les sites producteurs de l’information. Le modèle du Daily Beast et d’Atlantico (que pratique aussi Slate) est en fait un braconnage d’audience: les liens renvoient vers un article maison qui résume à grand traits l’article d’origine. Le média producteur de l’information n’obtient que des clics marginaux et se voit concurrencé directement sur Google News (et donc dans les premiers résultats de Google) par des articles reprenant son contenu.

Ce format d’articles permet aussi à Atlantico d’être présent sur l’actu très chaude, en publiant parfois des articles de trois lignes paraphrasant un urgent AFP publié sur un autre média. Comme le veut l’usage sur Internet, le «trouveur» est bien cité mais on est bien loin de la philosophie du journalisme de liens.

(Article supprimé depuis, retrouvé dans le cache Google)

Atlantico Light

C’est l’héritage direct du Huffington Post. Le pure-player américain ne s’embarrasse pas de scrupules et finance ses articles sérieux par des infos people et des portfolios de filles à poil. Le blogueur Cédric Motte avait montré avec quelques stats que le succès du site d’Ariana Huffington «c’est le sexe, pas (que) l’information». Pour profiter de cette manne d’audience, Atlantico a lancé une rubrique «light» qui regroupe des sujets lifestyle à la Slate et des infos people.

Pour produire de l’actu people avec une équipe restreinte (une dizaine de journalistes), le modèle est le même que pour les «pépites», la reprise d’articles des médias français et surtout anglophones. Le problème de l’actu people est qu’elle nécessite de gros budgets photos, qu’Atlantico n’a pour l’instant pas l’air d’avoir. Ainsi, un article sur «la tenue très dénudée» de Madonna lors d’une after-party des Oscars est illustrée par une capture d’écran du site du Daily Mail, permettant de montrer les photos de Madonna à un coût zéro.

Les chroniques polémiques

C’est la liste des chroniqueurs d’Atlantico qui a fait le plus parler d’elle, avec notamment Gérard de Villiers, ancien de Rivarol et auteur de la série S.A.S., Chantal Delsol, historienne qui a consacré sa carrière à liquider l’héritage de mai 68 ou Gaspard Koenig, ancienne plume de Christine Lagarde et auteur du livre Les Discrètes Vertus de la corruption. Avec de telles signatures, il y aura forcément de la polémique et une manne d’audience assurée. Pour l’instant, pas encore de saillie retentissante, à part une chronique du souverainiste Paul-Marie Couteaux, DSK: Jacob a visé juste, où il taxe Dominique Strauss-Kahn de «candidat hors sol».

Le journalisme web sans ses gourous

La vraie différence d’Atlantico par rapport à ses concurrents pure-players vient du profil de ses journalistes. Les patrons du site, comme les petites mains, viennent tous de la télévision et de la radio, et non pas de la presse écrite et du web comme chez Rue89, Slate ou Médiapart.

Leur discours face à l’audience est ainsi beaucoup plus décomplexé: lors de la conférence de presse de présentation, les fondateurs ont insisté sur le fait qu’il fallait écrire court car «le temps de cerveau disponible» des internautes est très faible. Une référence à Patrick Le Lay que n’oseraient jamais Edwy Plenel ou Pierre Haski venus sur le web pour faire de l’info de meilleure qualité que sur le papier. En construisant un média qui ne cherche pas à prouver par son contenu que l’Internet peut faire mieux que les autres médias, Atlantico fait du journalisme web dépoussiéré de ses gourous et montre la vraie face du modèle économique financé par la publicité.

Et si j’étais de mauvaise foi, je rajouterais qu’être de droite, c’est aussi un moyen d’être plus pub-friendly que Rue89.

à noter, Vincent Glad est journaliste-pigiste à Slate

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Une semaine sur Atlantico, ou comment j’ai essayé d’être de droite http://owni.fr/2011/03/08/une-semaine-sur-atlantico-comment-essaye-etre-de-droite/ http://owni.fr/2011/03/08/une-semaine-sur-atlantico-comment-essaye-etre-de-droite/#comments Tue, 08 Mar 2011 16:06:37 +0000 Antoine Mairé http://owni.fr/?p=50341 J’ai toujours adoré être de gauche. Le plaisir de s’indigner dans l’odeur de merguez relevée d’un peu de bonne conscience. La volupté d’être du bon côté. Il y a une semaine, voilà qu’un site me propose de virer ma cuti. Diantre. Moqué vigoureusement comme un Rue89 de droite, sous prétexte qu’il est notamment financé par Charles Beigbeder (encarté au Parti Radical) et Arnaud Dassier (directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy sur le Web en 2007), et qu’il regroupe une liste de contributeurs plus proches de la croix de Lorraine que de la faucille et du marteau.

Ce lundi 28 février, Jean-Sébastien Ferjou, directeur de la rédaction, le répète à l’envi et à l’assemblée présente lors de la présentation du site : ce n’est pas un site de droite mais un “facilitateur d’infos”. Beigbeder insiste :

Ce n’est pas un site de droite, mais un site pluriel qui ne s’interdira pas de travailler avec des contributeurs de droite.

Arnaud Dassier précise qu’il a “travaillé en tant que prestataire pour l’UMP et non en tant que militant”. Et au fond, c’est quoi le problème ? Auraient-ils honte de défendre des opinions droitistes ? Comme s’il était mal vu d’être politiquement orienté de l’autre bord des trotsko-fascistes qui garnissent – n’est-ce pas ! – les rangs des rédactions parisiennes. Pour mieux comprendre l’idéal d’Atlantico, je décide de suivre au plus près les publications du site pendant sa première semaine. D’un lundi à l’autre, au coude à coude avec mon désir d’avenir libéral, voici ma tentative de virage à tribord.

Lundi. 11h, le site est lancé, je mets du coeur à l’ouvrage : je veux me droguer de liens, taper dans la poudre de synthèse d’autres articles, sniffer de la ligne éditoriale, me rendre addict d’une information équarrie par les dix journalistes agrégateurs. En quelques minutes, j’ai de quoi me piquer d’avis définitifs à droite toute ! Rouspéter contre les sarcasmes après l’allocution télévisée de Nicolas Sarkozy, hum c’est bon ça. Soutenir Christian Jacob dans sa tentative de destabilisation populiste de Dominique Strauss-Khan, oh oui vas-y ! Admirer la réforme Pécresse, han tu vas trop loin là.

23h, mon dernier shoot a la forme d’une cerise sur la gâteau : une tribune sous forme d’anathème jeté sur cet ami des bien-pensants, Stéphane Hessel. L’auteur m’a ouvert les yeux.

À la manière d’Hugues Serraf, transfuge de Rue89, je souhaite de tout mon coeur de pierre refuser le conformisme rampant des moralisateurs tiers-mondistes. J’ai envie d’être le prochain sur la liste des ces “entrepreneurs [français] qui, avec le développement d’Internet, sont ouverts à l’innovation et davantage prêts à conquérir le monde. J’ai comme une soudaine envie de lip dub.

Leur problème

Mardi. La France doit se lever tôt, 5h48, je prends le métro. Je compte bien afficher ostensiblement mes nouvelles idées. Mais comment s’exposer sans un Figaro pages saumon ? J’ai donc acheté un iPad, couleur rouge Louboutin. Je prends la ligne 6 en sifflotant. “Auteuil-Neuilly-Passy, c’est Atlantico, Auteuil-Neuilly-Passy, tel est notre crédo”. Je croise Jean-Pierre, le sans-abri de la station Trocadéro. Je lui fais un sourire et lui dépose deux euros. C’est important que chacun fasse un geste envers les démunis, surtout si les gens me voient. Et puis c’est toujours ça que l’État ne me prendra pas comme aurait pu dire l’auteur de L’État minimum, Guy Sorman [en]. Au sujet de la polémique Galliano, Sorman analyse :

Zemmour n’aime pas les Arabes et Galliano n’aime pas les Juifs : c’est leur problème.

J’opine du chef en guettant les trois nécessiteux venus chanter Guantanamera avec leur accent de l’Est. Ils me dérangent et c’est mon problème. Demain je prendrai le taxi.

18h, je prends du rab, via la colonne de droite, celle des liens. Tout en haut, trône une réhabilitation de John Galliano. Je commence à aimer ça, être libre de ton.

Mercredi. Je me plie à l’obsession d’Atlantico pour la brièveté. Jean-Sébastien Ferjou assume le supposé diktat d’un Internet zappeur. Deux jours après le lancement, le site est un recueil de nouvelles quand d’autres usent de romans-pavés. Hasta siempre la concision ! Les articles sont tellement courts que parfois même pas finis. Mais pas de mauvaise foi, on appelle ça “une brève”. Et peu importe que les brèves se multiplient comme des emplois fictifs : 47 liens pour Galliano en une semaine. Si facilitateur que ça ?

Le soir, paix des âmes. J’attaque la partie people du site, Atlantico Light, sorte d’info édulcorée par les pépées botoxées. Ferjou ne s’interdit pas de parler de Lady Gaga ? Mieux, la robe “gênante” de la fille de Madonna en 4×3 et les photos nues à venir de Lindsay Lohan. Dès lors, je guette chaque soir, avant d’aller rêver à un monde meilleur (mais pas trop), des révélations sur la sexualité de Nadine Morano.

Un air de Nagawika

Jeudi. Alors que les draps se souviennent de Nadine Morano, je me réveille avec la volonté vaillante de comprendre l’Internet et me connecte au dossier qui lui est consacré. J’y découvre, ébahi, qu’on peut draguer sur la toile ! Afin de me préparer au mieux à mes futures rencontres IRL, je me passionne pour le cosplay parce que, apparemment, c’est l’avenir. L’avenir des années 80, mais un avenir quand même. Cela me donne envie de mettre enfin la main sur cette nouvelle console qui permet de jouer à la guerre grâce à des manettes (la Xbox je crois). C’est en tout cas ce qui semble être la chose à faire d’après Nathalie Joannès qui décrypte la “mouvance geek”, ces “dandys technoïdes” qui achètent (TOUS !) des tablettes à 1000 euros. Je retrouve mon âme d’enfant comme quand on chantait Nagawika en classe de mer organisée par l’aumônerie catholique de Rennes.

Vendredi. Je fais la nique aux trotskistes. Je me sens boosté par les propos d’un investisseur cité anonymement par Stratégies, qui fait partie de l’aventure, et qui déclare vouloir se “distinguer nettement des autres médias dominant le Web, dirigés et lus pour la plupart par la génération 68 et ses jeunes disciples, qui plaquent leur vision idéologique sur le monde moderne.” Aux armes ! Débarrassons-nous des profiteurs vivant au crochet de la société, ces utopistes à barbe de 5 jours comme les squatteurs de Jeudi Noir qui ne semblent pas être tant que ça dans le besoin… Ah elle est belle l’exemplarité ! Quand bien même l’intervention de la police rue de l’Université [vidéo] semble avoir eu lieu devant le bâtiment, et que les interpellés soient des militants ou journalistes en fonction. Hum. Je ne me laisse pas sensibiliser, et pars de ce pas à la chasse aux Enfoirés, ces inscrits à l’ISF qui osent défendre les démunis. Je me gargarise, de plus, de ce discours officiel condamnant les agissements des impétrants squatteurs, rédigé par les Jeunes UMP. Je me refais un lip dub.

Samedi. Il est 14 heures, j’angoisse. L’idée de croiser un ressortissant de la cause rouge me pétrifie d’avance. Alors que je dégustais mon cinquième éclair aux pécans sur lit de canneberge attablée dans le fond du Café de Flore, on me dit que des communistes se sont glissés dans la salle. La peur m’étreint comme si un Rothschild devait traverser la cour d’un collège de ZEP. J’aperçois une écharpe rouge. Mon dieu, Il s’approche de moi ! C’est Christophe Barbier, ouf, sauvé.

16h, je me sens d’autant plus sauvé que la gauche semble au bord de l’implosion : les enfants Hollande-Royal ne souhaitent pas voir leurs parents s’affronter dans la course à la présidence de la république. Quant à savoir si le journalisme est sauf, c’est une autre histoire. La gauche est tellement mal que d’après Hugues Serraf, elle devrait s’inspirer de Villepin. Déjà qu’à l’époque où elle était au pouvoir (ça remonte à tellement loin ahah !), elle faisait des choses pas jolies jolies… Décidément, aujourd’hui, la vie est belle comme un second tour à 83%.

Ultime tentation

Dimanche. Je suis tiraillé par l’idée de passer définitivement à droite. Comme un dernier sursaut. Mon incertitude est alimentée par l’invitation de Nicolas Sarkozy à Lionel Jospin d’être utile à la République. Je suis par ailleurs gêné par le traitement qu’Atlantico réserve au discours présidentiel sur les origines chrétiennes de la France : il est équilibré. Entre analyse apolitique, témoignage d’un curé et invective d’une membre du Haut conseil à l’intégration. Pire ! Ils osent publier un article écrit par un gauchiste. Le coupable s’appelle Gaël Brustier et est dit “engagé au PS” ; son crime est d’analyser la popularité de Marine Le Pen en… déresponsabilisant la politique de Nicolas Sarkozy. Ah en fait tout va bien. Je suis d’autant plus rassuré qu’un commentaire à l’article m’indique que “le gouvernement de M. Sarkozy a pris toutes les mesures qu’il faut pour faire baisser le chômage, intégrer les immigrés et augmenter le pouvoir d’achat.”

Lundi. J’ai tout lu. À grands renforts de tribunes lyriques, j’ai un avis sur tout, je suis prêt à affronter n’importe quel débat et à empêcher de penser en rond. Indignez-vous, je vous attends. En revanche, pour ce qui est des reportages et des sujets sociaux, Atlantico s’en bat l’os. En conséquence, ce matin-là, je viens reprendre mes 2 euros à Jean-Pierre de la station Trocadéro. Et puis, de vous à moi, s’il est dans la rue, c’est pas ma faute mais c’est la loi de l’offre et de la demande. Tiens, j’ai un appel de Liliane en absence. Il faut que je lui parle de la suppression de l’ISF.

22h, ma semaine s’achève sur un air réactionnaire. Je crois être guéri du gauchisme. Peu importe que le “vent nouveau sur l’information” mentionné comme slogan soit un vent d’après-midi d’août circulant autour d’un kir et d’un Valeurs Actuelles posé à l’ombre de ma terrasse privative ; un vent nouveau qui convoque le fantôme d’Albert Londres mais en portant davantage la plume dans le plaid ; un vent nouveau porté par des éditoriaux qui passionnent surtout l’éditorialiste qui a sa bio sur le côté. Oui peu importe, car il est beau et fier ce libéralisme au slip rembourré qui exalte mon patriotisme de légionnaire néo-colonial. Alors pourquoi se cacher d’aimer ça ? Grâce à Atlantico, j’adore être de droite.

Crédits Photo FlickR CC : sun dazed

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Atlantico: cap à tribord http://owni.fr/2011/03/02/atlantico-cap-a-tribord/ http://owni.fr/2011/03/02/atlantico-cap-a-tribord/#comments Wed, 02 Mar 2011 11:38:49 +0000 celine sawalski et guillaume ledit http://owni.fr/?p=49073 Lancé ce lundi, Atlantico.fr a t-il une élection de retard? En 2007, des anciens de Libération lancent Rue89 fleur au fusil le jour de l’élection de Nicolas Sarkozy. Quatre ans plus tard, Atlantico.fr se présente comme un site ouvertement libéral. Une tentative similaire avait été faite par Arnaud Dassier, directeur de la stratégie Web de Nicolas Sarkozy pendant la campagne de 2007 et aujourd’hui actionnaire (minoritaire) du projet. En 2011, derrière ses références et inspirations nord-américaines, le nouveau pure-player marqué à droite, semble pourtant proche de ses concurrents.

“Un vent nouveau sur l’info”?

Avec son slogan et le temps de développement du site (près d’un an), Atlantico était attendu au tournant, plusieurs pure players étant déjà bien installés dans le paysage médiatique français, et plutôt orientés à gauche. On pense à Mediapart qui doit fêter ses trois ans en mars, à Rue89 ou encore à Slate.fr lancé en février 2010 même si ce dernier est moins clairement orienté.

La maquette du site et l’approche éditoriale du nouveau venu s’inspirent, selon les dires de ses fondateurs, du Huffington Post et du Daily Beast, des sites lancés depuis plusieurs années déjà aux États-Unis (le design d’Atlantico.fr est d’ailleurs étonnamment proche de celui du Daily Beast). Quant au titre du média, loin des fondateurs l’idée de faire référence à leur atlantisme supposé: Atlantico serait une simple contraction des noms des magazines américains The Atlantic et Politico.

Des similitudes graphiques soulignées par le sémillant @vincentglad sur Twitter

Si l’on en croit la jolie plaquette distribuée à la sortie de la conférence de presse organisée par l’agence Alchimia pour le lancement du site, Atlantico est un “facilitateur d’accès à l’information”. “Quelque chose à mi chemin entre l’agrégateur de contenus et le site d’info qui produit ses articles à partir du travail d’une rédaction”, martèle Jean Sébastien Ferjou pour définir la ligne de son site. “Le nouveau pure player est conçu comme une plateforme d’aiguillage pour apporter le meilleur “mix” d’info à ceux qui n’ont que quelques minutes à y consacrer.”, expliquait-il dans un mail envoyé aux écoles de journalisme en octobre dernier.

A naviguer sur le site, il semble que les “architectes de l’information” et autres ergonomes aient bien fait leur boulot: la maquette est aérée et permet de bien distribuer liens, catégories, chroniques, fil de dépêches et pubs clignotantes.

L’ensemble sera animé en gardant bien en tête qu’écrire pour le web, c’est “écrire court”, puisque “les articles longs, on ne les lit plus” et que “le temps de cerveau disponible” des internautes est particulièrement faible. L’expression de Patrick Le Lay est d’ailleurs répétée avec un malin plaisir au cours de la conférence de presse par les intervenants.

Répétée aussi, l’idée de “briser la hiérarchie de l’info”. Qui sont ces anars de l’actu? Principalement des journalistes spécialisés dans l’audiovisuel, et provenant de médias privés: TF1, LCI, Le Parisien, BFM, RTL. Organisés sur le modèle d’une rédaction de site d’info généraliste, les journalistes ont commencé à travailler sur le projet dès mai 2010 sous la houlette du directeur de la rédaction Jean-Sébastien Ferjou et de Jean-Baptiste Giraud, ancien journaliste radio (BFM).

La rédaction est composée de six journalistes qui sont chargés de “faire une sélection d’articles de vidéos, de blogs pertinents sur l’actu du jour et de repérer et de programmer des contributeurs dont les posts devront éclairer l’actu ou les débats intellectuels et politiques du moment”. Si les éditorialistes sont rémunérés et les journalistes salariés, les contributeurs sont quant à eux considérés comme des invités de plateau télé, et ne sont à ce titre pas payés.

Une ligne éditoriale “libérale”, mais pas ouvertement à droite

La ligne éditoriale: c’est le point qui devait faire toute la différence. Pourtant, pendant la conférence de presse, Jean-Sebastien Ferjou ne dira jamais que son site est ouvertement à droite, précisant d’emblée quand on lui demande d’où il parle que “ce n’est pas en ces termes que les choses se posent”. Il préfère donc sous-entendre qu’il n’est pas à gauche:

Je ne suis pas passé par la case trotskisme mais ça ne m’empêche pas de faire de l’info, libéralisme et capitalisme ne sont pas des gros mots.

Quand on évoque l’hypothèse selon laquelle le site comblerait un vide à droite dans la perspective de 2012, le fondateur d’Atlantico se défend et affirme que son site n’est pas destiné à soutenir un candidat plutôt qu’un autre. Pourtant, il est clair, quand on écume la liste des contributeurs, que l’on n’a pas affaire à une bande de trotskistes décroissants. Parmi le “portefeuille d’environ 300 personnes” (économistes, juristes, historiens, philosophes) retenues pour contribuer régulièrement au site, figurent en effet l’historienne liquidatrice de l’héritage de Mai 68 Chantal Delsol; Amirouche Laïdi, le président du progressiste Club Averroès; l’écrivain Gérard de Villiers, créateurs des post-féministes SAS et ancien de la presse d’extrême-droite; Sophie de Menthon, enthousiaste initiatrice de la fête de l’entreprise ou encore Roman Bernard, rédacteur en chef du Cri du contribuable.

On y retrouve également des journalistes spécialisés dans l’analyse et la critique des médias, comme Gilles Klein d’Arrêts sur Images ou Alain Joannès, “grand pro du rich media”, qui tiendra une chronique intitulée “Arrêts sur Idées”: nul doute qu’il y “congédiera l’accessoire pour cingler vers l’essentiel“.

Un autre journaliste-contributeur, Christophe Carron, nous explique: “On me l’avait présenté comme un site anti-conformiste et un peu poil à gratter, ils aimaient bien ma façon de défendre la presse tabloïd et un peu trash”. Journaliste à Voici.fr et blogueur sur lowblogging.fr, il sera repris sur la partie “people” du site, Atlantico Light. “Quand on lit la liste des contributeurs, on voit que ce n’est pas un site de gauche ça c’est clair”, conclut Carron.

Jean-Marie Charon, sociologue des médias – et auteur d’une enquête sur la presse en ligne prochainement publiée – s’étonne quant à lui du marquage politique mal assumé par les fondateurs d’Atlantico:

Le décryptage du discours de Nicolas Sarkozy de dimanche soir n’était pas particulièrement favorable à ce que dit Sarkozy. Je ne m’attendais pas à lire ça sur Atlantico.fr. J’aurais mieux compris un positionnement plus dur et affirmé: leur positionnement n’est pas clair, c’est dommage, d’autant que le droite au pouvoir a un discours virulent et des remarques parfois dédaigneuses vis-à-vis du web.

Même sentiment chez certains commentateurs comme Pierre Haski, qui s’interroge sur Twitter:

Du côté de Mediapart, on ne tergiverse pas. Laurent Mauduit accueille sur son blog le nouveau venu dignement, dans un papier intitulé “Atlantico, la droite rance”.

“L’autre problème des pure-players c’est qu’ils ne sont pas nombreux à travailler dans les rédactions, ça pèse sur le contenu, ce ne sont pas les conditions idéales pour traiter l’info de manière complète surtout quand ils diversifient leurs activités” continue Jean-Marie Charon.

La France est le seul pays à avoir autant de pure-players. En Allemagne et en Espagne, il y a eu plusieurs tentatives mais Soitu.es a fait faillite et NetZeitung.de a réduit ses ambitions. Seuls les États-Unis en ont autant mais ils ont aussi un lectorat mondial, incomparable à ce que nous avons en France.

Le risque serait donc de voir émerger une information standardisée alors qu’Internet est par définition lieu d’expérimentations et d’innovations.

La “terra incognita” du business model

Un million d’euros, c’est le montant total des fonds levés pour lancer un site avec des moyens. Deux levées de fonds sont donc effectuées en 2010 pour assurer le lancement, initialement prévu en octobre 2010 :

  • 51% du capital est détenu par les co-fondateurs, Jean-Sébastien Ferjou, qui a investit personnellement 30 000 euros, se décrit comme l’actionnaire le plus important.
  • Le reste (49%) est détenu par une holding créée pour l’occasion, “Free Minds” qui comprend notamment Charles Beigbeder, membre du Parti radical et vice-président du conseil de surveillance de la Fondation pour l’innovation politique (un think tank libéral), Arnaud Dassier, de L’enchanteur des nouveaux médias et les nouveaux mécènes du web français Marc Simoncini, le fondateur du site de rencontres Meetic.fr, et Xavier Niel, également actionnaire du Monde et d’OWNI.

Après plusieurs faux pas, et un changement de CMS (pour finalement choisir Drupal), le site est enfin lancé le 28 février 2011. Le modèle économique repose pour le moment entièrement sur les revenus publicitaires. “Un modèle de gratuit car il est difficile de faire de l’info généraliste payante”, souligne le directeur de la rédaction. L’objectif est d’atteindre 600 000 visiteurs uniques d’ici un an et l’équilibre en 36 mois afin de “construire la marque”. Prévue dans un deuxième temps, une diversification des revenus permettrait d’atteindre le Graal de la rentabilité, mais ses contours restent flous (vente d’informations sur les entreprises, datajournalism…).

Un navire fait pour les réseaux sociaux?

Si le site n’inscrit pas à son fronton bleu-blanc-rouge le logo de l’UMP, sa stratégie de communication web rappelle les heures les plus sombres de la “com’ web” (de droite).

A peine mis en ligne, il est déjà critiqué, notamment sur Twitter. Sur la page Facebook d’Atlantico.fr, créée deux semaines avant le lancement du site – et qui a réuni une centaine de fans quelques jours avant le lancement – le logo a été dévoilé le 27 février. Dès la création de la page, un teasing sommaire est mis en place. Plusieurs journalistes web, blogueurs et internautes ont alors sauté sur l’occasion pour se gausser gentiment du plan marketing.

C’est l’agence web Palpix qui a développé l’aspect technique du site, sans être spécialisée dans la communication sur les réseaux sociaux. Les deux fondateurs, quant à eux, avouent très franchement qu’ils n’avaient pas de compétence technique particulière sur le web, et que les réseaux sociaux ne tueront pas le journalisme de liens qu’ils mettent en avant sur le site.

Pour séduire les internautes branchés web, une minute geek hebdomadaire tenue par Nathalie Joannès a pour objet d’expliquer le web aux newbies. La première chronique du genre est un portrait robot du geek et fait déjà grincer des dents les lecteurs attentifs qui ne manquent pas de critiquer sa superficialité sur Twitter.

Selon Jean-Sébastien Ferjou, ces réactions n’ont rien de grave, Twitter constituant une élite (50 à 100 000 lui précise-t-on). La question est de savoir si la “culture de l’audience” revendiquée par les fondateurs du dernier-né des pure-players arrivera à toucher au delà des CSP+ (cible avouée d’Atlantico), pour pouvoir pour peser sur le débat public d’ici à 2012.

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Crédits Photos via FlickR: Wooden ship on the Rupsa River (Bangladesh) par joiseyshowa [cc-by]

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