Lancée à l’initiative d’Audiens, le groupe de protection sociale des artistes et techniciens du spectacle et de l’audiovisuel, l’Assemblée a pour but de “proposer de nouvelles pierres sur un édifice dont Hadopi a posé les fondations”, selon les mots de Pierre Bézier, son directeur général. Elle se dote pour ce faire d’une “plateforme collaborative”, dont la responsabilité éditoriale est assurée par le même Pierre Bézier, et qui doit recueillir les propositions des acteurs de la filière afin de constituer un “Livre ouvert” qui sera remis “aux candidats en amont des prochaines échéances électorales de 2012”.
Nul doute que les quelque 70 partenaires choisis par Audiens sauront faire valoir leurs droits, dans les sept secteurs identifiés : cinéma, édition, information, presse, radio, spectacle vivant et télévision. De la SACEM, société de gestion des droits d’auteur à la CGT Spectacle en passant par Universal Music, Lagardère Active, Canal + ou encore le Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale, tous les acteurs de la filière y sont représentés. Un aréopage aux motivations floues et parfois contradictoires, soutenu par le Ministère de la Culture, représenté au cours de la soirée de lancement par Laurence Franceschini, directrice des médias et des industries culturelles. Ayant valeur de soutien quasi officiel.
L’Accen apparaît surtout comme le porte-voix d’un lobbying plus offensif. La vidéo diffusée au cours du discours de Pierre Bézier (disponible en fin d’article), qui fait intervenir dans un montage sommaire certains des soutiens de l’initiative, contient quelques morceaux de bravoure. Les positions ne semblent pas avoir évolué au cours de ces dernières années.
Il s’agit en priorité de faire payer les fournisseurs d’accès à Internet et les producteurs de contenu afin qu’ils participent au “financement de la création”. Pour Jacques Peskine, président de la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (FESAC) :
Si les opérateurs (Apple ou Dailymotion) ne reversent pas une partie des ressources qu’ils captent vers la création de contenu, on a un véritable problème d’équilibre général de la filière.
La mise en place de ce nouveau regroupement est inédite. Les missions d’Audiens, qui touchent à la protection sociale, ne s’articulent pas autour de la représentation des intérêts d’une filière.
Pourtant, c’est son directeur qui a pris les choses en main, ne lésinant pas sur les moyens en faisant appel à un cabinet de lobbying, Médiations & Arguments. Et lorsque ceux qui s’occupent de votre protection sociale vous convient à participer à une action de ce type, difficile de refuser. Certains le regrettent d’ailleurs amèrement.
La directrice de la communication du groupe, qui insiste sur le fait que le travail autour du lancement s’est “fait en équipe et de manière transverse au sein d’Audiens”, nous précise que la constitution de l’Accen rentre dans le cadre du service aux professionnels : “Dans cette perspective, on a vocation à être proche de nos clients, Audiens a toujours accompagné la mutation de ces secteurs”.
Lorsqu’il s’agit de défendre leur modèle économique face au numérique, les partenaires de l’Accen ne sont pourtant pas démunis. On en retrouve par exemple un nombre important dans la liste des signataires des Accords Olivennes qui ont présidé à la mise en place de la Hadopi, ou encore dans le Comité de Liaison des Industries Culturelles (CLIC) , qui a discrètement œuvré à l’adoption des lois Hadopi et Loppsi.
Là, les lobbyistes avancent à visage découvert. L’occasion pour le monde de la culture de faire pendant au Conseil national du numérique (CNN), mis en place par l’Elysée et qui fait la part belle aux industriels du numérique. Il s’agit également de tourner la page Hadopi, pour enfourcher de nouveaux chevaux dans la bataille pour la préservation d’un modèle fondamentalement remis en cause par le développement d’Internet. Le réseau est qualifié “d’opportunité”, à tel point qu’il semble utile de préciser dans le communiqué de presse que l’Accen
Pourtant, aucun acteur du numérique n’a été convié à débattre.
Le cadre étant posé, les interventions des partenaires dessinent en creux l’agenda de lobbying des industries culturelles d’ici à 2012 : “La réglementation sur la copie privée doit être complétée aujourd’hui par de rémunérations sur les flux”, explique par exemple Bruno Bouleux, directeur général de l’ADAMI, société de gestion collective des droits de propriété intellectuelle des artistes-interprètes.
L’idée est également de s’armer pour peser sur Bruxelles, où plusieurs projets impactant fortement la filière sont en discussion. Le président de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) peut ainsi affirmer:
“Depuis les origines, nous sommes handicapés par la directive commerce électronique qui fait que d’un côté les opérateurs de télécom et les fournisseurs d’accès sont exonérés de toute responsabilité juridique et financière, et que les hébergeurs eux-mêmes ont un statut qui les protège”.
Les prochaines échéances à l’échelle européenne concernent également les œuvres orphelines, la gestion collective des droits de propriété intellectuelle, le prochain livre vert sur la production audiovisuelle ou encore la lutte contre les distorsions TVA, qui permettent par exemple au Luxembourg d’attirer les services de vidéos à la demande (VOD).
Autant de processus de décisions sur lesquels l’Accen doit peser afin que le “partage de la valeur” tant attendu avantage les acteurs des industries culturelles .
Pour le moment, les propositions hébergées par la plate-forme se réduisent à un message copié-collé dans chacun des secteurs, qui félicite les promoteurs de l’initiative. Côté spectacle vivant, on veut une réglementation sur la revente de billet sur Internet ou un droit de propriété intellectuelle sur le spectacle vivant.
Rendez-vous le 30 novembre, date de remise du fameux “livre ouvert”, pour prendre connaissance des propositions de “la grande famille de la culture”.
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