OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Ouvrir les sodas http://owni.fr/2012/06/18/lopen-data-dans-ton-assiette/ http://owni.fr/2012/06/18/lopen-data-dans-ton-assiette/#comments Mon, 18 Jun 2012 10:45:37 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=113717 Owni et Terra Eco, le site OpenFoodFacts, consacré à l'ouverture des données dans l'alimentaire, lance une grande opération de recueil des données sur les sodas et leurs ingrédients - pas toujours recommandables. Tous les citoyens sont invités à participer.]]>

L’Open Data est en passe de se démocratiser et peut surtout se décliner à l’envi dans plus ou moins n’importe quel domaine, touchant l’intérêt général.

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Mais il est une base de données qui n’existe pas et qui concerne en moyenne trois fois par jour la majorité des terriens : celle sur l’alimentation et les composants de produits transformés – appelés unanimement ingrédients sur les étiquettes des produits que nous consommons chaque jour. Loin des stratégies de com’ des géants du secteur, Open Food Facts a décidé d’ouvrir la porte de l’Open Data alimentaire. Et de constituer une des bases les plus complètes en matière d’information nutritionnelle et de composition des aliments, consultable et exportable pour une exploitation exhaustive des données, en toute liberté.

Récoltées

Pour l’alimentation, Open Food Facts a décidé d’entamer sa première opération avec l’agrégation de données sur la composition des sodas. Une collecte de données se déroule à partir de ce lundi et jusqu’au 24 juin. Elle a pour but de répertorier toutes les données relatives aux différents sodas pour qu’Owni puisse réaliser une datavisualisation. Par exemple, votre soda a-t-il la même composition qu’il soit acheté dans les DOM-TOM ou en métropole ? En fonction du lieu de production ? Quels additifs chimiques y trouve-t-on ? En quelles quantités selon la législation en vigueur ?

Jean-Marc Ayrault, notre nouveau Premier ministre, a déterminé des valeurs déontologiques à respecter par les ministres. L’Open Data en fait partie, de manière explicite. Pourrions-nous rêver à ce que le ministère de l’agriculture et celui de la santé trouvent un intérêt à suivre cette belle intention et permettent une ouverture des données plus fringante que par le passé ? Les bases de données concernant les additifs, les composants naturels et le reste pourraient alors être rendus publiques et exploitables. Pour le bien commun.

Cordiale

L’industrie agro-alimentaire a ce défaut qu’elle est plus opaque que le nucléaire. En atteste la base de données de l’Observatoire de la qualité de l’alimentation (Oqali) créée en février 2008, et dont l’équipe – cordiale – de communication a répondu à Owni, il y a quelques semaines :

Bonjour,

La base de données Oqali n’est pas accessible librement. En revanche, des informations sur la base Oqali, son contenu et plus généralement sur le projet sont consultables sur le site internet : www.oqali.fr, dans les rubriques “Base de données Oqali”, “Partenaires”…

Bien cordialement,

L’équipe Oqali

Les partenaires du programme sont visibles sur le site d’Oqali mais la composition de chaque aliment n’est pas publique. Et donc encore moins exploitable. Parmi ces partenaires, les grands groupes tels que Kellogs, Andros, Nestlé, Mars, Lu, Ferrero, Pepsico. Qui renseignent, outre la composition de leur produit, les nouveaux produits et ceux retirés de la vente.

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Nestlé, Coca-Cola ou Danone voient leur influence encore grandir à Bruxelles. De fait, l'agence européenne chargée de ...


Les enjeux du projet d’Open Food Fact de collecter et rendre accessibles les données sur l’alimentation trouvent leur genèse dans le manque de transparence de cette industrie agroalimentaire. Sur Oqali, une simple phrase le précise : “Aucun accès aux données de la base Oqali n’est prévu pour le grand public.”

Digne de l’intérêt général et entrant dans le champs de la santé publique, l’accessibilité des données permet à tout citoyen de consulter la composition de ce qu’il ingère au quotidien. Et de faire un choix plus éclairé qu’il ne peut le faire sans cet outil. Rendre les données sur l’alimentation permet aussi dans une moindre mesure de prendre conscience que les relations entre industriels et décisionnaires de la santé alimentaire ne sont pas dénuées de conflits d’intérêts.

Récemment, Diana Banati, l’ancienne président de l’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), deux ans après le scandale soulevé par José Bové au Parlement européen sur ses relations avec le plus gros lobby mondial de l’agroalimentaire, l’International Life Sciences Institute (ILSI), a démissionné de son poste à l’EFSA. Pour … prendre des fonctions de direction à l’ILSI Europe.

Autre exemple, la Californie a rappelé à l’ordre Coca en mars dernier. Soupçonné d’introduire un caramel provocant des cancers et leucémies chez les rats, Coca n’a pas hésité à se défendre en s’appuyant sur une étude de l’EFSA, plutôt très liée avec l’ILSI. ILSI qui a été présidé entre 1978 et 1991 par l’un des vice-président de Coca-Cola.

Avec l’Open Data dans nos assiettes, les conflits d’intérêts ne seraient pas ramenés à zéro. Mais le choix d’un aliment au détriment d’un autre pourra se faire moins à l’aveugle qu’auparavant. Un pari auquel nous sommes sensibles, comme le rappelait récemment sur son data blog l’équipe des journalistes de données d’Owni :

Grâce à cette conscience collective et par le fait de la fabuleuse interconnectivité permise par internet, des données éparpillées balisant le quotidien de l’humanité se constituent, des réflexes de nomenclatures complexes voient le jour, le grand catalogue des faits s’enrichit dans un mouvement silencieux et continu. Chacun se prend au jeu de l’accès libre aux données, encouragé par l’impression commune qu’internet est le porte-drapeau de la liberté et de la gratuité. Le sentiment diffus que les informations appartiennent à tous, comme une deuxième lame de la glasnost gorbatchevienne, conduit aujourd’hui à une véritable popularisation du concept de libération des données publiques (“Open Data“) et privées, premier étape/étage de la transformation générale vers une démocratie – ou gouvernance – ouverte (“Open Gov“). Dont le journaliste de données est par essence et par usage un fervent militant.


Pour suivre l’opération sur Facebook : par ici.

Photo par Thomas Hawak [CC-bysa] via da galerie Flickr

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Les géants de l’agroalimentaire bouffent l’Europe http://owni.fr/2012/06/06/le-lobby-agroalimentaire-grignote-leurope/ http://owni.fr/2012/06/06/le-lobby-agroalimentaire-grignote-leurope/#comments Wed, 06 Jun 2012 12:30:16 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=112498

Les conflits d’intérêts au sein de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA ou EFSA en anglais) sont de plus en plus dénoncés. Alors que le 8 mai dernier sa présidente, Diana Banati, s’en allait occuper la direction européenne de l’International Life Sciences Institute (ILSI), le plus gros lobby mondial de l’industrie agroalimentaire, les industriels s’appuyaient encore sur des expertises de l’agence.

Controverses

Les raisons de son départ reposent sur cette décision de prendre “un poste à responsabilités” à l’ILSI. Non sans antécédents puisqu’elle en faisait partie jusqu’à la fin de l’année 2010.

En poste à l’EFSA depuis 2008, elle a été reconduite pour quatre ans en 2010. Jean-Marc Desfilhes, assistant de José Bové au Parlement, se souvient des controverses de l’époque :

Quand on est au Parlement européen, il y a des dossiers qui nous arrivent sur les genoux. On peut les feuilleter et c’est pour nous plus facile que ceux qui tombent par hasard sur des papiers. En mars 2010, on assistait à la commission Dalli [commissaire européen chargé de la Santé et de la Politique des consommateurs, NDLR] avec le groupe Envi [Environnement santé publique et santé alimentaire, NDLR] et cinq ou six députés avaient visité auparavant l’EFSA. Nous avions le compte-rendu de cette visite sous les yeux. Un parlementaire avait posé la question à la présidente de l’EFSA concernant son rôle à l’IFSI. Mme Banati a répondu qu’elle ne voyait absolument pas de conflits d’intérêt là-dedans. Nous ne savions pas ce qu’était l’ILSI. Et un mois et demi plus tard, nous avons pu comprendre que c’était le super lobby mondial de l’agro-alimentaire, présent partout. Donc au final invisible.

Le 14 juillet 2010, ”pour éviter un scandale”, le parlementaire et son assistant rencontrent le commissaire Dalli et lui laissent deux mois pour faire le ménage au sein de l’EFSA et mettre fin aux conflits d’intérêts entre la présidente et ses responsabilités annexes. Mais au mois de septembre de la même année, Diana Banati, se représente pour un second mandat au même poste.

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Après une démission de l’ILSI quelques jours avant le vote du conseil d’administration, elle est reconduite, n’ayant plus de liens formels avec le lobby. Mais ”quelqu’un qui a occupé des fonctions de ce type continue à avoir des liens avec ses anciens amis. Le conflit d’intérêts perdure bien après.”, ironise Jean-Marc Desfilhes.

Plus récemment cette année, Monica Macovei, députée PPE et ancienne ministre de la Justice en Roumanie, a été chargée de produire des rapports pour la validation des comptes des agences européennes, EFSA comprise. Dans ces rapports, elle accable, entre autres dysfonctionnements, la gestion de la transparence de l’EFSA. Le 10 mai dernier – peu après la démission de Diana Banati -, le Parlement a européen a “adopté à une très courte majorité (321 voix pour, 306 voix contre et 14 abstentions) une décision visant à ajourner la décharge à octroyer au directeur exécutif de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur l’exécution du budget de l’Autorité pour l’exercice 2010.”. Anne Delvaux, une député (PPE), écrit pour justifier son vote :

Le Parlement européen a décidé de ne pas accorder sa décharge budgétaire à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dont les coûts sont jugés excessifs et pour laquelle des conflits d’intérêts ont été avérés. Membre de la commission parlementaire Environnement et santé publique [Envi, NDLR], j’ai moi-même pu constater combien l’EFSA était, à juste titre, sous les feux de l’actualité, avec la démission de la présidente de son conseil d’administration, Mme Diana Banati, qui a pris la direction d’un important lobby de l’industrie agroalimentaire. Ce passage a suscité de nombreuses critiques, d’autant plus que les liens de Mme Banati avec l’industrie sont connus de longue date. Interrogée jeudi sur le sujet, la Commission européenne a “regretté que Mme Banati passe directement” de l’agence de sécurité alimentaire au lobby. Bien que ce passage ne soit “pas illégal en tant que tel”, il va tout de même à l’encontre de l’esprit d’indépendance de l’agence !

L’EFSA n’ayant pas les garanties suffisantes pour que ses comptes soient validés, tant concernant les dépenses que les éventuels conflits d’intérêts qui mettraient à mal sa réputation d’agence indépendante, la conséquence la plus directe pour que soit votée la décharge du budget en octobre prochain : que l’autorité, garante de la sécurité alimentaire des millions d’européens fasse le ménage dans ses membres. Soit, avant le 30 juin, un sacré travail de fond pour éviter que les décisions ne favorisent trop les industriels.

Recette

Début mars de cette année, l’État de Californie déclarait cancérigène l’un des ingrédients de Coca. Son arôme caramel. 27 ans après le lancement de la nouvelle formule de Coca-Cola, la firme US pourrait être contrainte d’ajouter sur ses bouteilles la mention “dangereux pour la santé”. Ou d’en changer la recette. Mais celle-ci continuera à être vendue avec la même composition en Grande-Bretagne et dans le reste de l’Europe, sans label mentionnant la dangerosité de l’ingrédient.

Le caramel pourrait avoir un lien avec des cas de cancers et de leucémie chez les rats, résultats des études du National Institute of Environmental Health Sciences. Pepsi et Coca, qui cumulent à eux deux 90% du marché de la boisson aux Etats-Unis, démentent les risques de leur boisson sur la santé.

Dans The Independent, Coca estime que les risques de cancer sont “scientifiquement infondés”. Un porte parole déclarait alors que :

Le caramel dans tous nos produits a été, est et sera toujours sans danger.

Les géants de la boisson gazeuse s’appuient notamment sur les recherches de l’EFSA tant décriée pour ses liens avec les lobbys de l’industrie agro-alimentaire – pour expliquer que :

L’Autorité européenne de sécurité alimentaire a réaffirmé la sécurité du colorant contenu dans le caramel en mars 2011 et a déclaré que la présence de 4-MEI dans le caramel n’est pas un problème pour la santé. En fait, 4-MEI se trouve dans de nombreux aliments, y compris les produits de boulangerie, le café, le pain, la mélasse, la sauce soja, les sauces et certaines bières.

Dans les déclarations d’intérêts des différents membres du groupe de travail (EFSA Panel on Food Additives and Nutrient Sources added to Food), il est possible de retrouver de nombreux liens entre les membres et les industries agroalimentaires. Et avec les lobbies industriels des pays de l’Union.

En particulier avec l’International Life Sciences Institute (ILSI), l’un des plus gros lobbies de l’agro-alimentaire (dont le président, entre 1978 et 1991, n’était autre que l’un des vice-présidents de Coca-Cola, Alex Malaspina).

Au sein de ce groupe, la française Dominique Parent-Massin, professeure de toxicologie et consultante pour l’industrie à partir de 2009, a fait quelques passages chez Coca-Cola en 2009 et Ajinomoto, grand fabricant mondial d’aspartame de 2005 à 2008, considérés comme porteurs de potentiels conflits d’intérêts par l’EFSA [PDF p.7]. Dans une moindre mesure, elle a également fait partie du Syndicat des industriels fabricants de pâtes alimentaires de France entre 2003 et 2004.

Le Français Fernando Aguilar déclare ainsi qu’un membre de sa famille proche est employé chez Nestlé depuis août 2008 en tant que coordinateur à l’assurance qualité.

John Gilbert, l’homme d’affaires anglais est quant à lui président de Foodlife International depuis 2009 et a fait partie de l’ILSI entre 1995 et 2009. Petit détail, il est également consultant pour la maison d’édition Taylor and Francis depuis 2000, au coeur de la rubrique food and contaminant.

Jürgen König participe au Danone Nutrition Forum depuis 2007 et a passé deux ans à l’ILSI en 2010 et 2011. Entre 2007 et 2010, il a aussi fait partie de la FIAA, l’Association de l’industrie alimentaire autrichienne.

Le Danois John Christian Larsen et le Français Jean-Charles Leblanc ont également été en lien – plus ou moins étroit – avec l’ILSI : le premier, entre 2002 et 2009, et le second, entre 2006 et 2009.

Iona Pratt participait aussi aux colloques et autres de l’ILSI en 2008 et 2009.

Paul Tobback est membre, lui, de la Société générale de surveillance (SGC) depuis 1997 et a été consultant pour European Advisory Services entre 1997 et 2009. Il a fait partie du comité scientifique de Carrefour Belgique entre 2003 et 2009. Enfin il a été membre pendant dix ans, entre 2001 et 2011, du comité scientifique de la Federation of belgian food industries (un lobby belge de l’agroalimentaire).

Sur la vingtaine de membres que comptait l’étude de cas, sept d’entre eux ont des liens étroits avec l’industrie agroalimentaire. L’ONG Corporate europe observatory a poussé plus loin encore en publiant un rapport Conflits indigestes [PDF]. Avec toute cette indépendance, l’EFSA a déclaré en mars 2011 la non-dangerosité de l’arôme caramel de l’une des boissons gazeuses les plus consommées aux USA. Aujourd’hui, l’EFSA essaie de faire le ménage dans les couloirs de l’Autorité : par souci de transparence et d’indépendance. Condition sine qua non pour que les parlementaires votent la décharge du budget 2010, reportée au mois d’octobre. Du côté de l’EFSA, un porte-parole nous répond :

Le vote de la décharge n’est pas conditionné par le règlement des conflits d’intérêts. Il y a aussi les dépenses sur lesquelles nous allons aussi agir. D’autre part, nous sommes déjà en train de corriger certaines choses pour assainir les groupes de travail. Le conseil d’administration s’est réuni au mois de décembre 2011 pour définir une politique de gestion des conflits d’intérêts et aussi pour pouvoir les appliquer.


Illustrations par Christopher Dombres.

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