OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Annonces sécuritaires: IFOP a déconné http://owni.fr/2010/08/06/annonces-securitaires-ifop-a-deconne/ http://owni.fr/2010/08/06/annonces-securitaires-ifop-a-deconne/#comments Fri, 06 Aug 2010 13:49:42 +0000 Admin http://owni.fr/?p=24115

Crédits : T0ad (unsitesurinternet.fr)

Ce matin, Le Figaro a dévoilé les résultats d’un sondage IFOP (pdf) dont les résultats n’ont pas fini de surprendre et de susciter la polémique, affirmant qu’une majorité de Français soutiennent le récent virage sécuritaire entrepris par Sarkozy.

La méthodologie du sondage nous a surpris. En effet, on n’y retrouve pas les habituels ‘ne se prononce pas’ qui permettent de jauger l’intérêt que portent les sondés à une question. Vérification prise auprès de l’Ifop, il s’avère que les sondages auto-administrés de ce type, où les sondés répondent eux-mêmes aux questions, en l’occurrence devant leur ordinateur, ne comportent jamais de case ‘nspp’.

L’Ifop explique sans rire que ça permet d’éviter un trop grand taux d’abstention. Devant un sondeur, les personnes interrogées ont tendance à donner un avis, même s’ils n’en ont pas vraiment. Parce qu’on a toujours l’air tarte quand on ne sait pas répondre aux questions. Sur internet, le sondé est libéré de cette pression, si bien qu’on l’on y constate une « explosion » du nspp. « Les taux peuvent dépasser les 10, 15, 20 points » contre 3 à 8 sur les autres types d’enquête, explique l’Ifop.

Les mauvaises langues diront que les instituts de sondages forcent des gens sans opinion à en donner une, préférant ainsi fausser les résultats pour économiser les coûts que nécessiterait un élargissement de l’échantillon. Et elles n’auront pas tort.

D’autres biais affaiblissent ce sondage

La méthode, tout d’abord. Tous les français ne sont pas connectés à internet. L’Ifop nous assure que les résultats sont redressés pour les 25% de non-internautes (31% selon l’ITU). La période, ensuite. Comment contacter les estivants ? L’Ifop assure que 60% des Français ne partent pas (30% selon le Credoc, mais passons) et que ceux qui partent restent connectés. Est-ce qu’ils possède des statistiques sur le nombre de personnes ayant répondu de leur iPhone, ou ceux dont l’adresse IP montre une localisation différente de leur ville de résidence? L’Ifop n’en voit pas l’intérêt mais assure que “des vacanciers ont participé à l’enquête”.

Les vacanciers sont souvent plus riches, plus éduqués et plus sensibles aux libertés individuelles, de l’aveu même de l’Ifop. Leurs réponses auraient sans doute détonnées avec celles des autres sondés. Espérons que les 2 biais (les non-connectés d’une part, les vacanciers de l’autre) s’annulent. Mais la chance et les statistiques se marient mal ensemble.

L’Ifop assure enfin que toutes les questions posées ont été publiées. Ça ne nous empêchera pas de critiquer la manière dont elles ont été rédigées. “Êtes-vous favorables au démantèlement des camps illégaux de Roms?” revient à dire “Voulez-vous que la loi soit appliquée?”. Il aurait pu être intéressant de demander aux sondés si ils étaient favorable à une sanction pour les préfets qui n’ont pas appliqué la loi du 5 juillet 2000 [PDF] qui leur permet d’obliger les maires à construire des aires d’accueil (préfets qui, soit dit en passant, dépendent directement du gouvernement).

Le questionnaire donné au sondé l’installe à chaque nouvelle question dans un climat très anxiogène. On commence dès la première question avec le terme “multirécidiviste” qui permet de faire peur. Mais de qui parle-t-on ? Le terme est très flou. On enchaîne ensuite avec les termes de “polygamie”, “incitation à l’excision”, “assassins de policiers”, ”camps illégaux”, “atteinte à la vie d’un policier”, “délinquants”. Il faut beaucoup de volonté pour ne pas être mal à l’aise à la fin de ce questionnaire…

Ce sondage Ifop est aussi peu fidèle à la réalité que ses multiples cousins qui tentent de construire une opinion publique, le plus souvent à l’image de celle souhaitée par le gouvernement.

Petit historique des manipulations sondagières

Le Pen au second tour ? On n’avait pas prévu !

Lors de la campagne électorale des Présidentielles de 2002, aucun sondage rendu public avant le 1er tour du scrutin ne prévoyait Le Pen au deuxième tour. En effet, souvent la marge d’erreur des sondages ne permet pas d’établir de conclusion définitive. Or beaucoup d’interprétations ne prennent pas en compte cette marge. Cette erreur d’interprétation était d’autant plus à éviter en 2002 que le nombre de sondés qui se déclaraient indécis était toujours très important. C’est comme ça que tout le monde a pris le duel Chirac-Jospin comme acquis.

Un allié (in)attendu dans la bataille Hadopi

En 2008, en pleine bataille HADOPI, un sondage IPSOS proclamait qu’une très large majorité de Français étaient favorables à la riposte graduée prévue par la haute autorité. Un sondage qui avait en fait été commandé par la société civile des producteurs phonographiques (SCPP), organisme extrêmement favorable à la dite loi. Mieux, elle avait même rédigé les questions que l’institut a posé aux sondés, qui devaient peu ou prou répondre à cette question : “voulez-vous faire de la prison et/ou payer une lourde amende pour téléchargement illégal ou écoper d’un avertissement par mail éventuellement assorti d’une coupure de votre accès Internet ?”.

“L’affaire Opinion Way”

En juillet dernier, un rapport de la cour des comptes sur le budget de la présidence de la République avait pointé la position ambigüe de l’Elysée vis-à-vis de l’institut de sondage Opinion Way. En effet, ce dernier avait facturé près de 1,5 millions d’euros d’études à la présidence (en passant outre le code des marchés publics). Problème : les résultats de ces sondages étaient étonnamment proches – voire identiques – à ceux publiés dans les grands médias, notamment dans Le Figaro et LCI. Outre donc l’inutilité de la dépense pour le contribuable, les résultats des dits sondages n’aident pas à lever le soupçon qui pèsent sur leur financement. Le tout posant la question de l’indépendance et de l’objectivité de telles études d’opinions vis-à-vis du pouvoir.

Les Français sont-ils vraiment prêts à travailler plus longtemps ?

Au début de cette année, le JDD publiait le résultat d’un sondage sur l’allongement de la durée de cotisation de retraite et titrait les Français prêts à travailler plus longtemps. L’hebdomadaire se basait sur les réponses à la question « Jusqu’à quel âge seriez-vous prêt à travailler pour avoir une bonne retraite ? ». On pouvait déjà mettre quelque peu en doute les résultats du sondage. En effet la fameuse question était posée logiquement aux seuls actifs du panel mais réduisant l’effectif à 522. Mais comme le démontrait le docteur Panel sur Rue89, les résultats du sondage n’étaient pas tout à fait ce qu’annonçait le JDD. En effet, en comparant les résultats des questions « D’après vous, à quel âge serez-vous contraint de partir à la retraite ? »  (moyenne des réponses 64,7 ans) et  « Jusqu’à quel âge seriez-vous prêt à travailler pour avoir une bonne retraite ? » (moyenne des réponses 62 ans), Rue89 conclue que « les français sont prêts à s’arrêter de travailler 2,7 ans avant l’âge auquel ils pensent devoir partir pour toucher « une bonne retraite » ! »

Et tant d’autres…

La liste des sondages sujets à caution est malheureusement longue. Récemment, un sondage réalisé par BVA affirmait que 6 Français sur 10 défendaient la proposition de loi du sénateur Jean-Louis Masson sur l’anonymat des blogueurs. Outre le fait que, comme le rappelle le journaliste David Abiker, les sondés n’auraient probablement pas répondu si ils n’avaient pas été anonymes, les questions étaient très biaisées et posées à un public ne maîtrisant pas forcément toutes les implications et les enjeux du domaine en question.

Il y a quelques semaines sur Rue89, le blogueur Le Yéti a judicieusement pointé du doigt le pouvoir de “faiseurs d’opinions” détenus par les instituts de sondages, et nous explique comment ils “favorisent” certaines personnalités politiques, faisant fi de l’importance réelles de certaines personnalités dans le paysage politique.

Taper sur la nouvelle politique ultra-sécuritaire du président, un loisir de gauchiste ? Pas forcément, si on en croit le dernier edito du New-York Times, qui dénonce aujourd’hui une véritable “fièvre anti-immigrés“. Y faut pas déconner.

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Martin Clavey, Nicolas Kayser-Bril, Martin Untersinger.

Crédit Illustration : T0ad.

Crédits Photo CC Flickr: Dunechaser.

A lire également

> Un dossier réalisé par l’association Pénombre, qui “réfléchit sur les usages du nombre dans le débat public”.

> “L’opinion publique n’existe pas” de Pierre Bourdieu, toujours d’actualité

> Les résultats du sondage IFOP en intégralité (pdf).

> “La fabrique de l’opinion publique“, par Noam Chomsky.

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Antoine Daccord, community manager, journaliste mutant http://owni.fr/2009/12/23/antoine-daccord-community-manager-journaliste-mutant/ http://owni.fr/2009/12/23/antoine-daccord-community-manager-journaliste-mutant/#comments Wed, 23 Dec 2009 09:31:09 +0000 Tatiana Kalouguine http://owni.fr/?p=6388 A quoi sert un « community manager » dans un site d’info? Quelles sont ses responsabilités? Est-ce un journaliste? Comment amène-t-il les internautes à collaborer? Antoine Daccord, un des premiers à exercer ce tout jeune métier (il a débuté à lepost.fr puis à Libération.fr), nous raconte son quotidien à la rédaction du site lefigaro.fr où, dit-il, émerge « une nouvelle race de journalistes » . Mazette…

(4:01)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Antoine Daccord intervenait jeudi 17 décembre à une conférence du CFPJ Lab intitulée Comment développer l’intérectivité de son site sans perdre son indentité? Il était aux côtés de Charlotte Pascal, responsable du site M6 & MSN Actualités

En plus de la flotte de sites qui gravite autour du vaisseau-mère (et que décrivait Bertrand Gié dans un précédent billet), le site du Figaro prend grand soin de travailler son interactivité avec ses lecteurs. Serait-ce l »explication de son succès? Peut-être…

Lefigaro.fr c’est « le premier site d’infos depuis 14 mois » , se félicite l’intéressé. Volume : 6,1 millions de visites uniques en octobre après un pic de 7 millions en septembre. Mais c’est surtout « plus de 400.000 commentaires par mois« .

Que le site ait recruté un community manager (CM), alors que d’autres comme lemonde.fr, liberation.fr, lepoint.fr s’en passent n’est pas anodin. Si les CM sont légion dans les grandes entreprises qui misent sur internet et les réseaux sociaux pour donner un coup de fouet à leur politique marketing, ils se comptent sur les doigts d’une main dans l’info. A ce jour, seuls lepost.fr et lexpress.fr utiliseraient les services de CM.

Alors à quoi donc que ça sert hein ? Eh bien par exemple à amener les lecteurs-internautes à participer à la rédaction. « Lefigaro.fr était l’un des premiers sites à ouvrir tous les articles aux commentaires des lecteurs. Aujourd’hui nous essayons d’enrichir l’info avec eux » , précise Daccord.

Et cela peut aller très loin. Le 11 décembre 2009, lefigaro.fr a diffusé son premier article entièrement rédigé par un internaute sous le titre : « Violente altercation dans un avion : un internaute témoigne »

Daccord explique ici comment la rédaction à été amenée à publier ce témoignage après vérifications et quelques coupes dans le papier d’origine…

(3:07)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Deux exemples de tentatives récentes pour pousser encore plus loin l’interactivité du site :

- la question d’actu : « Ca marche très bien, surtout quand on demande aux internautes si Domenech doit rester entraîneur de l’équipe de France. » Chaque matin ce sont plus de 100.000 personnes qui se connectent pour répondre à ce oui/non, « un sondage sans aucune valeur de panel » , tient-il à rappeler. Les résultats sont publiés dans le journal papier du lendemain.

- les réseaux sociaux : le Figaro possède son propre réseau social sur son site, qui vient de souffler sa première bougie. A ce jour, 60.000 comptes sont actifs. Mais l’objectif d’Antoine Daccord est aussi de « faire vivre la marque hors les murs » . Le Figaro est donc présent sur Facebook (6.000 fans et de 100 à 200 commentaires par articles publiés) et Twitter.

Un petit couac cependant: il semble que le site soit victime de son succès. Avec 15.000 commentaires envoyés par jour, la promesse de publication rapide sous la demi-heure est parfois difficile à tenir, surtout que la direction souhaite continuer à pratiquer la modération « à priori » (le commentaire est relu et approuvé avant d’être mis en ligne).

Qui l’eut cru ? Ce n’est pas la rédaction qui est chargée d’effectuer la modération des commentaires du site du Figaro mais une équipe de 7 personnes dépendant d’un prestataire ! Etonnant, même si un salarié du Figaro est censé superviser l’affaire 24 heures sur 24.

Plus les visiteurs affluent, plus les choses se compliquent. Temps réglementaire pour la lecture d’un commentaire : 6 secondes (sic), « mais parfois il faut y passer 5 minutes » . Attention danger? « Notre objectif est de doubler ces effectifs pour pouvoir effectuer une double lecture, assure Daccord. L’enjeu est peut-être là… mais c’est impossible pour le moment. »

» Article initialement publié sur La Voix du Dodo


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L’interview présidentielle racontée de l’intérieur http://owni.fr/2009/10/20/exclusif-avec-e-m-l%e2%80%99interview-presidentielle-racontee-de-l%e2%80%99interieur/ http://owni.fr/2009/10/20/exclusif-avec-e-m-l%e2%80%99interview-presidentielle-racontee-de-l%e2%80%99interieur/#comments Tue, 20 Oct 2009 10:49:40 +0000 JBB (Article XI) http://owni.fr/?p=4754

Tu ne l’ignores pas, ami : A11 est un repère de journalistes ratés et de scribouillards sans avenir, maigres cohortes de plumes devenues fielleuses à force d’espérer écrire pour un Grand Média. Le Point, L’Express, Le Nouvel Observateur, Libération, Paris Match, triste litanie de ces titres de presse que nous avons assiégés de nos envies, pourchassés de nos ambitions, portes closes que nous pourrions décrire dans les moindres détails tant nous nous y sommes cassés les dents, milliers de piges proposées et refusées, vains rêves de Pulitzer brisés sur l’autel de ces rédacteurs en chef qui jamais n’ont accepté de nous laisser une chance. Tu sais : ils n’ont pas voulu de nous. Alors, on l’a mauvaise, évidemment.

En ce sombre tableau que je te dresse à la volée, confession crachée par un matin maussade où les sanglots longs des violons bercent ma plume d’une langueur sonotone (il n’est pire sourd que celui qui veut écrire), une exception. Une seule. Loin du dédain des autres titres, sans faire preuve de cette morgue inutile dont (presque) tous les journalistes en titre ont usé à l’encontre de ces petits pisse-copies du net que nous sommes, une seule rédaction a eu pour nous quelques égards, nous a prêté quelques gentilles attentions. Oui : Le Figaro. Tu rigoles ? Tu te gausses ? Tu te poiles tant et plus ? Tu ne devrais pas. Sous leur froide carapace de propagandistes crétins, les journalistes du Figaro conservent quelques traces de cette chaleureuse camaraderie confraternelle qui a fait les grands jours de la Presse Française [Tout ça pour te dire : il n’est rien d’étonnant à ce que nous comptions quelques amis dans le vaisseau amiral de la maison Dassault. Des camarades. Des plumes amies. Des frères, presque !
De ces liens chaudement tissés année après année en cette rédaction, nous avons aujourd’hui décidé de te faire profiter. Nous ne doutons pas que tu sauras apprécier à sa juste valeur le document qui suit, un témoignage exceptionnel sur la façon dont le grand journalisme – puisqu’il existe encore – se construit, loin des pouvoirs et en toute indépendance. Tu ne manqueras pas – j’en suis sûr – de voir en cette confession anonyme de l’un des six journalistes ayant interviewé Nicolas Sarkozy pour Le Figaro (
entretien-fleuve publié ce matin, deux pleines pages dévolues à la communication présidentielle) un précieux contrepoint à la petite musique de l’actualité, le meilleur moyen de soulever une part de ce mystère et de ce secret qui entourent la réalisation d’une interview présidentielle. Bref : on te montre là les coulisse des médias et de l’Élysée. Profite.

Dernier point : comme Le Figaro le mentionne, ils étaient six à assaillir le président de questions toutes plus impertinentes les unes que les autres. Soit Etienne Mougeotte (directeur de la rédaction), Gaëtan de Capele, Philippe Goulliaud, Charles Jaigu, Paul-Henri du Limbert, et Guillaume Tabard, tous éminentes plumes figaresques. Notre source – l’un d’entre eux, donc – tient à l’anonymat, d’autant qu’elle exerce de lourdes responsabilités au sein de sa rédaction. Nous nous contenterons donc de mentionner ses initiales : E. M. Bien malin qui devinera de qui il s’agit…


A. 11 : Ça ne fait pas un peu beaucoup, six journalistes pour un seul interviewé ?

E. M. : C’est vrai que ça peut sembler un brin excessif. Mais que voulez-vous ? Rien n’est trop beau pour la France de Nicolas Sarkozy ! Il fallait marquer le coup.

A. 11 : Vous aviez retenu les meilleurs de vos salariés ?

E. M. : Exactement ! Ça a été un peu difficile de choisir, tant les grands talents se comptent par dizaines au Figaro. J’en ai finalement retenu cinq, mes préférés. Ils sont les plus prometteurs de mes journalistes, les plus incisifs, les moins sujets aux éventuelles compromissions avec le pouvoir, fut-il de droite. Je les couve, je suis comme une mère-poule pour eux. D’ailleurs, je les appelle “mes pioupious” : ce sont mes petits poussins.

Quand on a débarqué à l’Élysée, ça en jetait. Moi en tête, mes cinq pioupious derrière, tous à la queue-leu-leu, avec notre bloc-note à la main droite, notre Mont-Blanc à la gauche, la carte de presse siglée RF à la boutonnière. On marchait au pas bien cadencé, le menton levé et les épaules tendues. Je scandais “Une, deux, Une, deux, Une, deux…” et nous avons traversé la cour de l’Élysée ainsi. Ce fut un grand moment !

A. 11 : Le président vous attendait sur le perron ?

E. M. : Toujours ! Il m’attend toujours sur le perron. Je suis quand même l’un de ses proches, vous savez. Nous sommes à tu et à toi, lui et moi, Et ce n’est pas un mince réconfort pour le vieux briscard de la presse que je suis de se savoir apprécié et aimé par l’homme politique le plus visionnaire et audacieux de ces deux cent dernières années. Minimum !

Donc, il nous attendait sur le perron et on s’est claqué la bise. « Comment ça va, ma couille », il m’a demandé – il m’appelle toujours ainsi, je goute fort cette familiarité un brin populaire – , puis il nous a fait rentrer à l’intérieur, moi et les pioupious.

A. 11 : Le tutoiement et la bise, ce n’est pas trop pour un journaliste ?

E. M. : Comment ça ? Je ne comprends pas… Moi et mes pioupious, on bécote toujours les interviewés quand ils sont de notre bord ; c’est naturel, simplement. Ces marques d’affection sont un peu nos médailles de la Légion d’honneur, à nous journalistes indépendants, nous les portons en notre cœur comme d’autres exhibent leur rosette à la boutonnière.

Quand Nicolas Sarkozy me fait la bise, je ne me lave plus les joues pendant deux semaines. Ce serait sacrilège que d’ôter les parcelles de salive qui ont pu s’y déposer, d’enlever les traces bacillaires du plus grand homme de ce siècle commençant. Le plus grand ! Je le rappelais d’ailleurs incidemment dans un de mes éditoriaux, titré De l’audace et en date du 23 juin dernier : « En incitant les Français à épouser l’avenir pour le construire ensemble, Nicolas Sarkozy englobe un siècle d’histoire, de Jules Ferry, le père de l’école républicaine, au Conseil national de la Résistance, initiateur du pacte social qui inspire encore le modèle français. Car c’est en s’appuyant sur ce socle de valeurs communes que le président proclame son “Ayons le courage de changer” », que j’écrivais. Enlevé, n’est-ce pas ?

A. 11 : Très, oui ! Plus enlevé dans le style, d’ailleurs, que le contenu de l’entretien que vous publiez aujourd’hui. Ce dernier est un rien morne, un brin chiant…

E. M. :Pardon ? Sacrilège, sacrilège ! Vade retro, anti-sarkonitas !

(Il se signe)

A. 11 : Excusez-moi, je ne voulais pas manquer de respect au président. Disons qu’on l’a senti plus incisif, plus efficace dans sa communication…

E. M. : Rien ne vous autorise – même pas la sympathie que je vous porte – à de telles assertions.

(Il grommelle, me regarde avec méfiance. Se reprend.)

Disons… Je peux comprendre d’où vous vient ce sentiment. L’entretien ne s’adresse pas à vous, mais aux lecteurs du Figaro. Certains commentateurs fielleux, s’appuyant sur quelques affaires sans importance se sont permis ces derniers jours de suggérer un divorce entre Nicolas Sarkozy et son électorat. Prenant prétexte des innocents coups de reins en terres exotiques d’un ministre ou de la nomination bien méritée du prince héritier, ils ont extrapolé sur le prétendu fossé qui séparerait désormais le président de ses électeurs. Mensonges, que tout cela ! Il fallait donc mettre les choses au point avec ceux-là mêmes qui sont concernés. Vous comprenez ?

A. 11 : Je crois, oui. Du moins : pour le fond. Parce que ça n’explique pas la forme, ce tunnel ininterrompu de platitudes…

E. M. : Sacrilège, sacrilège !

(Il se signe, derechef. Soupire un bon coup.)

Je vais être franc avec vous, parce que je vous aime bien : ni moi ni les pioupious ne sommes responsables de la forme de cette interview.

A. 11 : C’est quand même vous qui posiez les questions…

E. M. : Que nenni ! Nous sommes venus à l’Élysée pour prendre un café, ça a été d’ailleurs un très agréable moment. L’interview – les questions aussi bien que les réponses – ce sont les conseillers du président qui s’en sont occupés. Ils ont tout écrit pendant que nous mangions les petits fours. C’est mieux comme ça, même si ce n’est à l’évidence pas leur meilleure opération de communication.

A. 11 : Mais votre édito… Vous avez au moins écrit cet éditorial joliment signé La fin de la récré ?

E. M. : Bien sûr ! Je ne laisse cette tâche exaltante à personne d’autre. Il vous a plu ?

A. 11 : Il est… euh, comment dire… très incisif…

E. M. : N’est-ce pas ? Je ne voulais pas laisser au seul président, qui a tant de choses à gérer, l’écrasante charge de la reprise en main. J’ai voulu prêter main-forte, en somme.

A. 11 : Main-forte ? C’est plutôt “poing-puissant”, tant vous dégommez tous azimuts…

E. M. : Il le fallait. J’ai allumé tout le monde. Tout le monde !
Les Français, « nos sympathiques compatriotes (qui) se délectent d’un petit jeu de massacre aux cibles tournantes » – j’ai écris « sympathiques » pour ne pas mettre benêts, hein…
« L’opposition, sans projet, sans programme, sans leader » ; sur ce point au moins, vous ne me donnerez pas tort…
« La majorité parlementaire, députés et sénateurs confondus », à qui je « recommande » gentiment la lecture de l’interview pour l’aider à reprendre ses esprits ; voilà qui devrait les calmer, ces réfractaires !
Et même les ministres ! « Si certains ou certaines ministres se sentent mal à l’aise au gouvernement, la porte est grande ouverte », que j’écris. Ça en jette, non ?

A. 11 : On peut dire ça. On a presque l’impression que vous pourriez vous-même décider de les virer…

E. M. : Qui sait, qui sait ? Moi et les pioupious, on n’a pas fini de faire parler de nous…

> Article initialement publié sur Article XI

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La “douce révolution” du Groupe Le Figaro http://owni.fr/2009/09/11/la-%e2%80%9cdouce-revolution%e2%80%9d-du-groupe-le-figaro/ http://owni.fr/2009/09/11/la-%e2%80%9cdouce-revolution%e2%80%9d-du-groupe-le-figaro/#comments Fri, 11 Sep 2009 19:49:18 +0000 Admin http://owni.fr/?p=3524 (par Tyffanie Assouline) Le titre de cet article se réfère à la métaphore filée par Bertrand Gié lors de la conférence d’hier soir au Press Club, sur le thème : Le Figaro.fr/Le Figaro, l’union sacrée du web et du print.

Illustrant l’évolution de l’intégration du support web au sein du groupe Le Figaro, il est parti de l’image de la FIV (fécondation in vitro) effectuée par une équipe, à l’extérieur même des locaux et dont l’embryon s’est ensuite implanté dans le ventre de la mère pour se développer… Même si la volonté hiérachique devait être forte pour réussir la transition, elle s’est appuyée sur les ressources en interne et les personnes motivées pour instaurer le changement. Car on ne devient pas n°1 (classement de Juin 2009 avec 6,7 millions de visiteurs uniques) aussi facilement…

> lire l’article sur le blog de Tyffanie : ici

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