OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Viva la resolution http://owni.fr/2012/03/13/viva-la-resolution-front-de-gauche-internet-numerique/ http://owni.fr/2012/03/13/viva-la-resolution-front-de-gauche-internet-numerique/#comments Tue, 13 Mar 2012 14:11:22 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=101748

L’Internet socialiste

L’Internet socialiste

Nommée récemment responsable du pôle numérique de François Hollande, Fleur Pellerin connaît une arrivée agitée dans ...

Ce n’est pourtant pas faute de s’appliquer. Il y a quelques jours, le “Front de Gauche numérique”, section fondée en novembre dernier, invitait blogueurs et journalistes à discuter de “tous les sujets numériques du point de vue de la campagne présidentielle du Front de Gauche et de son candidat, Jean-Luc Mélenchon.” L’occasion, pour ses représentants Sophie Duvauchelle et Jérôme Relinger, d’annoncer dans la foulée l’ouverture d’une plate-forme collaborative visant à étayer le programme numérique du parti. Mais à l’étayer seulement : Jérôme Relinger est formel, il ne s’agit pas de combler un vide mais “d’affirmer les pistes de travail [du Front de Gauche] tout en donnant la parole à des acteurs parfois en contradiction.”

Un peu plus tôt dans la campagne, son homologue socialiste Fleur Pellerin avait subi le feu des critiques en instaurant une initiative similaire, appelant les internautes à enrichir les idées du camp Hollande sur Internet, via une adresse mail. Du côté du Front de Gauche, on ne mise pas sur une boîte aux lettres fermées, mais sur un “wiki”, site sur lequel il est possible de consulter toute contribution, et auquel n’importe qui peut participer, à l’image du célèbre Wikipedia. “Ce sera totalement libre, sans modération a priori”, poursuit Sophie Duvauchelle. Une ouverture susceptible d’être vite parasitée, “mais en cas de trolling ou de propos injurieux, on interviendra” assure la responsable du Front de Gauche.

Choix de civilisation

Au-delà des aspects formels, ce qui différencie le Front de Gauche numérique de son alter ego hollandiste est une pratique consommée du terrain. Sophie Duvauchelle est enseignante et ancienne informaticienne ; Jérôme Relinger, délégué TIC du Parti Communiste Français, traîne ses guêtres d’ingénieur dans le e-milieu depuis 1995, tentant de convertir les coco au réseau.

Une éternité à l’échelle des partis politiques, poids lourds comme Petit Poucet, qui peinent à se saisir d’Internet ailleurs qu’à la marge. Une variable qui se fait également sentir dans le discours : la réflexion sur Internet est ample, vient s’amarrer à une pensée plus globale de “la société informationnelle”, miroir d’évolutions dépassant l’unique prisme numérique. Une approche syncrétique qui tranche avec celle, plus fonctionnelle, des éléphants de la campagne, PS comme UMP, qui ont tendance à “sectorialiser” Internet.

[Dataviz] Digitale Martine vs Télématique Sarkozy

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OWNI a décortiqué le programme des deux principaux partis politiques français concernant le numérique. Synthèse sous ...

“Internet n’est pas un truc de geeks, il renvoie à un vrai choix de civilisation”, martèle Jérôme Relinger, “c’est une question politique qui a des conséquences politiques.” En particulier, il constitue selon lui une forme d’actualisation du capitalisme contemporain, sous forme de “capitalisme du savoir”.

Pour cette raison, le Front de Gauche numérique “défend l’idée qu’il faut instaurer un rapport de force” sur le sujet, fustigeant “l’apparence de consensus qui prédomine dans le discours ronronnant.” “Il faut choisir entre le capitalisme de la société du péage et la société du partage”, ajoute Jérôme Relinger, pour qui Internet est aujourd’hui la cible “d’un accaparement concerté pour rendre rare l’abondant, privé le public, rentable le gratuit”.

Application

Un état des lieux qui épouse parfaitement les lignes de force du Front de Gauche mais qui offre peu de prises concrètes. Rapidement, la question se pose de la conformité de la réflexion aux exigences pratiques d’un gouvernement. Interrogée sur ce point, l’équipe techno du Front de Gauche déroule doctement.

Sur les accès et le déploiement du haut et très haut débit : “Un droit, qui passe par la constitution d’un pôle public des télécoms et la mise en place de certaines obligations, comme la couverture des zones non rentables, en contrepartie des licences attribuées aux opérateurs de télécommunication.”

Pour l’éducation au réseau : “Une formation à mettre en place dès l’école et tout au long de la vie afin que l’usage d’Internet ne se résume pas à la consommation d’une boîte noire et pour faire de la France une grande puissance en matière de logiciels.”

Et sur l’Open-Data : “Toutes les données émanant d’une entité publique doivent être mises sous format copyleft. Du raccordement en fibre optique aux multiples licences prévalant dans le droit d’auteur, le vocabulaire est précis, le sujet maîtrisé.

Reste le gros morceau, auquel tout prétendant à une expertise sur Internet ne peut aujourd’hui échapper : l’après-Hadopi. Mesure phare de l’e-sarkozysme, l’institution en charge de protéger les œuvres sur Internet est également l’emblème de la “société de péage” que le Front de Gauche numérique souhaite renverser sur Internet. “Un système qui recherche la rentabilité et dont le corollaire est la surveillance : à ce titre, Hadopi n’est que le poisson-pilote d’initiatives plus larges comme Sopa et Pipa aux États-Unis  ou Acta, regrette Jérôme Relinger.

En lieu et place de la Haute autorité donc, une sorte de “Sécurité sociale” de la culture, qui passe par l’instauration d’une plate-forme publique pour la diffusion des œuvres, dont le financement reposerait notamment sur une redevance et sur des taxes matériels et publicitaires. “Pour impulser ce modèle novateur, la France doit avoir un courage politique à l’échelle européenne. Mais on a bien imposé celui de la Sécurité Sociale, non ?” lance Jérome Delinger, confiant.

“Vous voudriez que je sois candidat au ministère d’Hadopi ?”

Hadopi en sursis

Hadopi en sursis

À la faveur de l'affaire Megaupload, l'opposition entre droits d'auteur et Internet s'est installée au nombre des sujets de ...

Un courage dont le candidat du Front de Gauche ne semble pas vouloir se draper. A l’instar de la majorité des prétendants à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon ne fait pas d’Internet une priorité. Pas encore objet politique, il est davantage perçu comme un support de communication. Ce qui réussit bien au candidat d’extrême-gauche : sa webcampagne est présentée comme un franc succès, du fait notamment de la popularité de son blog ou de la web-série consacrée à ses aventures. Le tout pour la bagatelle de 100.000 euros – une broutille à l’ombre des millions consacrées au web du côté de l’UMP et du PS.

Sur le fond néanmoins, l’enthousiasme est moindre. Seul le versant culturel d’Internet apparaît dans son programme, principalement sous couvert de l’abrogation d’Hadopi. La fin de la loi Loppsi y est aussi rapidement évoquée.

En février dernier, le candidat s’était agacé suite aux questions pressantes de l’un des journalistes de l’émission Radio France Politique, portant sur l’après-Hadopi (26e minute). Exposant dans un premier temps sa préférence pour une “la licence globale”, qui a la faveur d’une partie du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon s’est dit ouvert au débat : “moi je suis prêt à discuter de tout, sauf de la restriction de liberté.”. Pressé de donner davantage de précisions, le candidat s’était par la suite exclamé : “je ne vous dis pas que je suis le meilleur spécialiste, je me suis toujours opposé à tous ces trucs. [...] Vous voudriez que je sois candidat au ministère d’Hadopi ? [...] Vous voulez que je vous explique comment, dans quelle condition, avec quel brevet et avec quel logiciel ? Et bien je ne peux pas le faire !”

Il faut dire qu’Hadopi, et son éventuelle alternative, constituent aujourd’hui le seul point saillant de la réflexion des présidentiables sur Internet. Le seul, bien souvent, qui apparaisse dans leur programme. Au PS et à l’UMP, il est au cœur d’une lutte d’influence sanglante. Pressions, lobbying, variations idéologiques et retournement de veste : une logique classique en politique, particulièrement criante dans ce domaine. S’il est absurde d’exiger de chaque candidat qu’il sache coder les yeux fermés en récitant la biographie de Richard Stallman, la complexité du sujet et les réactions en chaîne suscitées par sa simple évocation justifient à elles seules l’insistance des journalistes à obtenir une réponse précise des candidats.

L’après-Hadopi dépasse le seul numérique. Jean-Luc Mélenchon l’a d’ailleurs bien compris : sur ce même plateau de Radio France, il assimilait la logique de l’offensive Acta à celle d’autres accords impulsés par les États-Unis pour contrôler des secteur bien éloignés Internet. Mais force est de constater que le candidat n’est pas à l’aise dans le domaine. Ce qu’il n’apprécie guère.

Work in progress

Petits partis en ligne

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Au-delà du PS et de l'UMP, les "petits partis" se saisissent également des questions numériques. D'un simple outil de ...

Ses troupes expliquent pourtant que le Front de Gauche, “en tant que parti de transformation qui a pour ambition de changer le monde”, ne “peut pas éviter cet axe fondateur” que constitue Internet. D’autant que pour Jérôme Relinger, “le numérique sème la révolution.” Pour autant, ces mêmes responsables numériques prennent bien soin de préciser que leurs idées ne sont pas forcément celles du candidat. Comment expliquent-ils la désaffection de Jean-Luc Mélenchon ? Selon eux, les formats médiatiques traditionnels ne permettent pas de développer avec justesse une pensée d’Internet. Une idée également développée par les candidats de partis plus modestes, que nous avions rencontrés il y a quelques semaines.

L’acculturation est aussi mise en cause : work in progress ! A la manière de l’écologie, explique Jérôme Relinger, Internet peine encore à s’imposer dans le milieu politique. “Le niveau de conscience sur le sujet n’est pas plus élevée dans les partis politiques !” poursuit-il.

De la même manière qu’Internet n’est pas un sujet prioritaire pour les électeurs, il ne l’est pas non plus dans l’esprit des présidentiables. Ce qui explique le faible relais dont a bénéficié la conférence du Front de Gauche numérique, tout comme leur wiki – moins d’une centaine de personnes s’y sont inscrites.

Mais ce qui ne les empêche pas de continuer à parler d’Internet.


Illustrations et photo : David Iratu (CC-BY) et Nitot (CC-BY-NC-SA)/Flickr

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Facebook aime Nicolas Sarkozy http://owni.fr/2012/02/15/nicolas-sarkozy-candidat-facebook-timeline-presidentielle/ http://owni.fr/2012/02/15/nicolas-sarkozy-candidat-facebook-timeline-presidentielle/#comments Wed, 15 Feb 2012 20:46:16 +0000 Andréa Fradin et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=98680 Nicolas Sarkozy est en campagne. Info qui ne vous aura pas échappée tant l’artillerie lourde a (déjà) été déployée en termes de communication. Y compris sur Internet. Aujourd’hui, c’est Twitter qui en a fait les frais : en lançant son compte officiel, le président sortant a fait une razzia. Plusieurs milliers d’abonnés en quelques heures. Quelques jours plus tôt, il réécrivait son histoire sur Facebook, à l’aide d’une drôle de timeline, nouvelle façon de mettre en page un compte sur le réseau social. Petit ramdam de webcampagne qui a tourné à la grosse affaire : l’entreprise américaine est aujourd’hui suspectée de courir pour le poulain Sarkozy. Pas forcément à tort.

Une “aide technique et intellectuelle”

Le “mème” Sarkozy sur Facebook

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Nicolas Sarkozy réécrit sa vie sur Facebook. Un pur moment de communication, qui tombe à pic pour l’annonce, ...

A l’origine de l’accusation, le clan de François Hollande : c’est Fleur Pellerin, la responsable du pôle numérique, qui a dégainé la première. Dans un mail adressé à des représentants de Facebook France, elle juge “inacceptable” l’implication du réseau social “dans la campagne présidentielle française”, évoquant une “aide technique et intellectuelle” rendue aux équipes de Nicolas Sarkozy. Faveurs dont n’aurait pas bénéficié François Hollande.

Un échange dont le chroniqueur Frédéric Martel, proche du Parti Socialiste, s’est fait le relais dans L’Express. Dans un article publié hier, il revient longuement sur ces supposées liaisons dangereuses qu’entretiendraient l’Élysée et Facebook. Dans le viseur : Nicolas Princen, le monsieur numérique de la présidence, et Emakina, l’entreprise en charge de la communication de l’UMP sur Internet, qui aurait également raflé le contrat du candidat Sarkozy pour la campagne. Tout deux auraient bénéficié de sérieux coups de pouce de la firme américaine pour la mise en place de la fameuse timeline :

l’entreprise aurait mis à la disposition de l’Élysée ou de l’UMP des conseillers pour prendre en main les nouvelles fonctionnalités – aide dont aucun candidat à la présidentielle n’a pu bénéficier. L’équipe de Nicolas Princen à l’Élysée aurait ainsi travaillé directement avec Facebook pendant plusieurs mois pour élaborer cette Timeline.

Sarkozy attaque Internet

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Nous avons cartographié le réseau d'influence sur Internet du Président de la République - le plus puissant comparé aux ...

Cette fonctionnalité a été officiellement présentée par Facebook à un public de développeurs le 22 septembre 2011. Frédéric Martel écrit que les équipes de Nicolas Sarkozy planchaient sur le projet dès “septembre”, sous-entendant une antériorité mais sans donner plus de précisions sur la date. Une avance qui aurait donné un sacré coup de booster à la webcampagne, alors en préparation, du président sortant, dont les équipes du Parti Socialiste se plaignent de ne pas avoir bénéficié. Sans pour autant en pâtir directement.

L’équipe de la campagne web de François Hollande nous assure en effet ne pas avoir été intéressée par ce type de fonctionnalité, préférant au storytelling la mise en place d’outils de mobilisation. Par ailleurs, une telle page Facebook ne nécessite pas d’intervention particulière des équipes techniques du site. Des milliers de particuliers ont choisi faire “basculer” leur profil sur cette mise en page depuis décembre. “L’affaire” est donc moins une question de préjudice avéré que de principe ; rien ne dit que Facebook n’aurait pas tout autant aidé au développement d’une timeline pour le candidat socialiste. Si la polémique semble quelque peu montée en épingle, les accointances entre le Palais et une partie des équipes de Facebook France sont bien réelles.

Palo Alto et Sarko sont dans un bateau

S’il les dément officiellement, Nicolas Princen se vanterait en coulisse d’avoir d’excellentes relations avec Palo Alto, siège du réseau social. Qui pèseraient déjà pour 2012. Il est également très proche de Julien Codorniou, directeur des partenariats de la firme en France. Contactés par OWNI, les deux jeunes hommes gardent le silence, Julien Codorniou se contentant de renvoyer vers le cabinet de lobbying Apco, qui gère la communication de Facebook France, et assure “partager les mêmes informations avec toutes les personnalités publiques qui souhaitent utiliser Facebook [...]. En toute impartialité.” En interne, en revanche, la situation fait grincer des dents. Et les informations du PS ne sont pas forcément démenties.
Rien ne semble néanmoins engagé pour tirer ces relations au clair. L’affaire n’est pourtant pas anodine : le code électoral français interdit à “une personne morale de droit étranger” de fournir à un candidat “des contributions ou aides matérielles.”

Partis… en quelques lignes

Partis… en quelques lignes

Découvrez les bonnes feuilles de "Partis en ligne", l'eBook d'enquête sur les dessous et les enjeux numériques de la ...

En novembre 2010, Facebook serait déjà intervenu en faveur de Nicolas Sarkozy, (voir notre enquête Partis en ligne). A la demande de l’entrepreneur Jean-Baptiste Descroix-Vernier, membre du Conseil National du numérique institué en avril dernier par la Présidence, le site aurait supprimé des contenus, dont certains auraient été jugés particulièrement graves.

Coïncidences troublantes

Si le Parti Socialiste n’a pas directement fait les frais de ce favoritisme supposé, d’autres partis, en revanche, évoquent des coïncidences troublantes.

L’entourage de Dominique de Villepin en particulier nous informe avoir voulu utiliser la fonction timeline dès janvier. Impossible, le profil ayant été bloqué au motif de soupçons d’usurpation d’identité. Envoi d’une copie de la carte d’identité du candidat, mail aux équipes américaines : les démarches répétées de l’équipe de République solidaire n’y feront rien. Le 11 février, Nicolas Sarkozy est le premier homme politique français à utiliser la timeline. Une demie-heure plus tard, le profil de Dominique de Villepin est débloqué. En cause : Anne-Sophie Bordry, lobbyiste France et Europe du Sud de Facebook, qui aurait tardé à donner suite aux sollicitations. Personnalité d’autant plus suspecte qu’elle est passée par les cabinets d’Eric Besson et de Nathalie Kosciusko-Morizet, au temps du Secrétariat d’État à l’Économie numérique, de 2008 à 2010. Réaction laconique de l’intéressée, contactée par OWNI : “tout le monde est traité de la même manière”.

Ce que réfutent d’autres équipes de campagne. Celle de François Bayrou explique que malgré plusieurs rencontres avec Facebook France, elle n’a bénéficié d’aucun conseil visant à la mise en place de la fameuse timeline. Quant au directeur de la communication de Jean-Luc Mélenchon, Arnauld Champremier-Trigano, il ironise sur son profil Facebook : “Je précise à la direction de Facebook que je suis joignable sur mon inbox pour leurs offres de service”.

Au Parti Socialiste, on insiste :

On est assez troublé de la manière dont ça s’est passé et on s’attend à ce que Facebook France s’explique.

Avant de conclure :

Le combat va être rude, et à tous les niveaux.

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Le Front de gauche à la page recette http://owni.fr/2011/11/16/le-front-de-gauche-a-la-page-recette/ http://owni.fr/2011/11/16/le-front-de-gauche-a-la-page-recette/#comments Wed, 16 Nov 2011 07:22:23 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=87116 Avec plus de 200 000 exemplaires distribués depuis sa sortie le 17 septembre, le programme du Front de Gauche a rapporté moins de 30 000 euros au budget de campagne de Jean-Luc Mélenchon mais permis une diffusion inespérée du texte pour un coût nul.

50 000 euros d’économie

« 200 000 exemplaires, c’est un petit prix littéraire, un Renaudeau ou un Médicis, s’amuse François Delapierre, directeur de la campagne. Pour faire un Goncourt, il faudra atteindre le demi-million. » A titre de comparaison, l’éditeur du livre de François Hollande, Privat, n’a écoulé que 10 000 exemplaires depuis le 25 août.

A la différence du candidat socialiste qui aurait (selon son éditeur) renoncé à ses droits, Jean-Luc Mélenchon a obtenu 6% sur les ventes de son opus collectif pour le budget de campagne. Soit, à ce jour, une maigre contribution de 24 000 euros au budget de campagne. A terme, l’équipe espère écouler autour de 350 000 exemplaires, sans compter un projet d’édition en BD du programme prévue pour janvier. Même si, pour le directeur de campagne du Front de Gauche, l’objectif a déjà été atteint :

Nous pensons gagner au maximum 50 000 euros avec ce livre ce qui est une paille, l’équivalent de la collecte sur un petit meeting. L’important n’est pas que ça nous rapporte de l’argent, l’important est que ça nous a permis d’économiser la diffusion d’un tract quadrichromie à plusieurs millions d’exemplaires, ce qui nous aurait coûté à peu près autant. Sans compter que nous n’aurions jamais pu atteindre autant de personnes avec un programme de 16 pages envoyé par la poste.

Au départ, le livre avait pour destination le colis de « matériel de rentrée » de la Fête de l’Humanité, ne promettant qu’une diffusion « par capilarité », de proche en proche, au sein des milieux sympathisants. Avec Librio pour éditeur (collection de J’ai Lu, du groupe Gallimard) et un prix de 2 euros, le programme a gagné les rayons de Fnac (où il s’aligne dans le top 10 des ventes) et même des supermarchés.

« Au début, certaines grandes surfaces refusaient de mettre le programme en rayon », glisse François Delapierre. Contacté par OWNI, l’éditeur n’a pas donné suite à nos questions. Depuis sa sortie, le bouquin a connu deux retirages pour la mise en place en librairie et quatre pour les ventes militantes.

Pour l’éditeur aussi, l’opération est une réussite : dans ses livres de rentrée, Gallimard classe le texte collectif du Front de Gauche aux côtés du livre sur la Démondialisation d’Arnaud Montebourg. Le dernier succès d’édition d’un programme politique en librairie, de mémoire de permanent du siège du parti aux Lilas, « c’était le programme commun du PC et du PS en 1972 ».


Illustrations et photos par Micn2Sugar [cc-by-nd]
Captures d’écrans, couvertures des livres, Le programme du front de gauche édité chez Librio et Le programme commun du parti communiste et socialiste

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Le nerf de la grève http://owni.fr/2010/12/03/le-nerf-de-la-greve/ http://owni.fr/2010/12/03/le-nerf-de-la-greve/#comments Fri, 03 Dec 2010 13:27:24 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=37905

Le 23 octobre, le parvis de Beaubourg était un lieu de résistance : en deux heures, la « caisse de grève » qu’on fait tourner 50 militants du Front de Gauche (Parti communiste + Parti de Gauche) s’est remplie à hauteur de 6000 €. Pas encore tout à fait revenu de cette performance, Eric Coquerel, conseiller régional du PG en charge de l’opération, égraine les villes : Antony, Marseille, Paris XIV… Sur les marchés ou dans les centres villes, les adhérents ont ramené en moyenne 1000€ par deux heures de tournée.

Le succès a été indéniable, insiste l’élu. Nous avons lancé l’initiative sur la fin du mouvement, si bien que, à la fin, nous avons du nous dépêcher pour trouver des mouvements qui avaient besoin de nous!

L’idée n’est pas neuve: dans l’Angleterre minière des grèves de la fin du XIXè, chaque salarié versait aux « caisses de solidarité ouvrière » 9 livres sur un revenu de 300 livres de l’époque pour soutenir les confrères qui bloquaient tel ou tel puits pour demander de meilleures conditions de travail. Cette fois-ci, la revendication traversait tout le paysage du travail français dans la critique de la réforme des retraites. Contrairement à la grande grève de 1995, pas de « motrice » comme les cheminots pour emporter dans son sillage les autres fédérations syndicales et entreprises privées vers le blocage. Seul symbole de cette lutte : la mobilisation des raffineries et professionnels du pétrole, notamment du site de Grandpuits.

Des chèques de centaines d’euros pour les raffineries en grève

Or c’est justement vers elles que se sont portés ces premiers dons, parfois massifs, et toujours accompagnés de messages : « très en colère », Jean-Baptiste Reddé, professeur des écoles à Paris XIIIe, a apporté le 26 octobre sur le site seine-et-marnais sa cagnotte de 2000 € collectée auprès de ses collègues, des croissants et « son soutien confraternel » dans leur lutte contre la politique de Nicolas Sarkozy. De son côté, le responsable de la collecte au Parti de Gauche assure avoir reçu « régulièrement » des chèques de plusieurs centaines d’euros, signés dans la rue devant la caisse tendue au passant.

Charles Foulard, délégué national de la fédération des industries de la chimie CGT, dit avoir reçu tant de dons pour la seule raffinerie de Grandpuits que la décision a été prise de partager avec les autres sites de pétrochimie en grève et même hors pétrole ! De son côté, la CFDT annonçait un « forfait » de 18 euros par jour de grève justifié par une feuille de grève… Un “forfait” puisé dans les réserves constitués par une contribution de 8,6% sur les cotisations syndicales en 1974.

« La solidarité est une part importante de l’action, insiste Eric Corbeaux, responsable des fédérations professionnelles au PCF, ayant coordonné la collecte dans son parti. Pour le salarié qui est en grève, le temps est compté au travers les jours de paye qu’il perd. L’entreprise, elle, a beaucoup plus de marge, surtout si elle est soutenue par le gouvernement. »

Le « transfert » d’activisme

A côté des grands cortèges, les grèves effectives dans les entreprises ont manqué de souffle : crise oblige, les salariés du privé ne disposaient pas toujours de la souplesse financière nécessaire pour se mobiliser. Dans les manifs même, nombreux étaient ceux des défilés qui venaient en piochant dans leurs réserves de congés : « nous avons constaté que de nombreuses personnes présentes dans la rue avaient en fait pris des jours de RTT ou des jours de congés, pour ne pas entamer leur salaire », constatait un cadre CGT joint pendant les grèves.

D’un autre côté, l’opinion publique s’est rangée comme rarement du côté des grèves: plus de 70% de personnes favorables et dont le soutien transparaissait dans les caisses de solidarité.

Il y a eu une sorte de transfert entre ceux qui ne pouvaient pas faire grève et ceux qui se mobilisaient pour tous, conclut Eric Corbeaux. C’était particulièrement frappant avec les retraités : ils ne sont pas concernés par la hausse des cotisations, ne perdent rien en manifestant… mais ils ont donné quand même, opérant ainsi une forme de solidarité des non-actifs aux actifs qui se mettent en difficultés pour la cause.

Ancien militant CGT, le cadre du PC voit dans cette mobilisation financière une confiance accordée au mouvement : « dans le cadre associatif, les scandales qui ont entachés de nombreuses oeuvres rendent la collecte difficile car les gens ne savent pas où leur argent va, on ne veut plus confier son argent à n’importe qui, détaille-t-il. Là, les donateurs savaient que l’argent allait intégralement être reversé aux grévistes pour une cause qu’ils considéraient juste. C’est ce qui explique l’efficacité de ce mouvement. »

Parti trop tard, le soutien massif n’a néanmoins pas permis une reconduction efficace de la grève au delà du vote. Mais, en payant pour aider des salariés à bloquer le pays, les donateurs de ces journées de grève ont financé bien plus que des arrêts de travail : ils ont alimenté de nouvelles idées pour résister.

En 1904 déjà, les ouvriers de Bristol ont ouvert leurs jardins potagers pour que leurs collègues en grève puissent trouver de quoi manger, comme le rapporte Kropotkine dans son ouvrage sur l’entraide. Peut-être qu’une fois l’efficacité du partage éprouvée, les mouvements de résistance retrouveront ces autres solidarités perdues dans les divisions qui ont cours une fois les grèves terminées.

Images CC FlickR : kiki99, Let Ideas Compete

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