L’évènement interviendra alors que, selon plusieurs études et travaux de recherche, le phénomène des Anonymous change de dimension et peut prétendre maintenant à une véritable légitimité politique. Le constat s’impose notamment à la lecture du dernier article de l’anthropologue new-yorkaise Gabriella Coleman, rare chercheuse spécialisée depuis plusieurs années sur les Anonymous et les collectifs de hackers.
La semaine dernière, elle a publié un texte dans le dernier numéro de Public Culture, une revue universitaire de sciences humaines consacrées aux cultures populaires avec un goût prononcé pour les sujets internationaux et numériques.
Coleman revient d’abord sur la décision de la Cour suprême de l’État de New York du 15 novembre dernier, qui a affirmé le bien-fondé de l’anonymat dans les discours et les interventions militantes. Un détail qui agaçait certains New-Yorkais désireux de faire interdire les rassemblements prévus dans le cadre de l’opération OccupyWallStreet. En vain. Pour le plus grand bénéfice des actions politiques marquées Anonymous. Car selon la haute juridiction :
L’anonymat est un bouclier contre la tyrannie de la majorité
Mais pour Gabriella Coleman, si le mouvement Anonymous fixe bel et bien un agenda politique, en prenant des positions fortes (comme en Iran ou en Égypte), il subit néanmoins des tensions propres à la culture des hackers. Entre d’une part des communautés simplement structurées autour d’une idéologie libérale concernant le partage de l’information et la circulation des données ; et d’autre part des communautés plus soucieuses de se concentrer sur des actions politiques utiles dans la vie réelle.
Signe des temps, la revue trimestrielle des hackers, 2600 [en], a consacré son numéro d’automne à Anonymous et aux résultats de ses actions politiques. Avec une longue enquête sur les attaques contre le groupe de presse de Rubert Murdoch et l’impact de telles initiatives contre la presse populiste. Comprenez : en faveur de l’émancipation des consciences.
En France, deux experts des cultures numériques sortent ces jours-ci un livre plutôt historique sur le sujet – « Anonymous » de Frédéric Bardeau et Nicolas Danet, chez Fyp Éditions. Et tentent d’apporter des explications à la crédibilité politique de ce phénomène reposant sur l’anonymat et la décentralisation ; un peu au doigt mouillé, mais au terme d’un récit plutôt complet. Pour les auteurs :
Les structures du pouvoir au niveau international et celles des pays les plus développés paraissent opaques, liées à une élite intéressée uniquement par l’argent et disposant de forts moyens de pression sur les décideurs politiques et les médias (…) Anonymous répond par un contre-pouvoir symbolique mais actif (…) Le but est la remise en cause des pouvoirs actuels, considérés comme oppressifs par une certaine partie de la population, et ce partout dans le monde, avec pour résultat espéré une réappropriation de l’espace public d’Internet, et à terme de l’espace public tout court.
À voir, une infographie de Martin Wolf sur l’histoire des Anonymous depuis 1940 :
(licence CC BY-ND 3.0)
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