La Perfide Albion vient de glisser dans les oreilles des alter mondialistes une nouvelle qui va allumer sur leurs visages sans OGM un sourire de contentement, puisque, je ménage mes effets … Jonathan Adair Turner, grand magnat de la finance britannique, ancien grand patron des patrons, Ernest-Antoine mais en plus ouvert, soutient l’adoption de la taxe Tobin défendue par Attac … Londres, première place européenne financière où les Golden Boys ont eu, ces derniers mois, des soucis de santé puisque les portefeuilles étaient moins épais et les AmEx moins lourdes à porter, en fut quelque peu estomaquée lors du Tea Time.
Le parcours de J.A. Turner ne le prédispose pourtant pas à soutenir un projet qui s’oppose violemment à son parcours professionnel : BP, Chase Manhattan Bank (qui n’a pas encore fait faillite), président actuel de l’équivalent chez Elizabeth II de l’Autorité des Marchés Financiers … il faut croire qu’en période de remous, les marchés financiers ont beaucoup à apprendre de ces crises et des écosystèmes qui s’y corrèlent pour ouvrir les yeux et l’esprit, ce qui est mieux pour intégrer des notions telle que la taxe Tobin.
Le boss souhaite donc que la City adopte cette taxe visant à lutter contre la spéculation et à tout le moins la taxant de façon très minimale pour des revenus maximaux. Le Stock Option de l’alter mondialisme trouve enfin une caisse de résonance majeure avec Jonathan Adair Turner.
Les alter mondialistes applaudissent d’ailleurs des deux mains et y vont de leur soutien au Gendarme de la City : « Nous saluons la lucidité d’un des principaux acteurs de la finance globale, Adair Turner, actuel président de l’Autorité britannique des services financiers »
Et de poursuivre : si l’on veut faire « cesser les rémunérations excessives dans un secteur financier hypertrophié, [il faut] réduire la taille de ce secteur ou appliquer des taxes spéciales sur ses bénéfices avant rémunération. »
Les Alter mondialistes et J. Tobin, Prix Nobel d’économie, en ont rêvé, Adair adhère et veut le faire.
Cet autre baron, le britannique, pas l’ancien dirigeant du MEDEF, va devenir l’homme qui murmure à l’oreille de José Bové mais surtout celui que la City va devoir abattre, enfin … destituer. Surtout si l’on en croit ses déclarations au magazine Prospect. Il y a fort à parier que les magnats de la banques, des salles de marchés et de la Bourse n’apprécie guère ce qui n’est visiblement pas de l’humour anglais mais une réalité.
Lord Adair, le baron rouge de la finance, ira-t-il jusqu’au bout de sa prise de position ? Ira-t-il dans le sens des réseaux Attac pour moraliser la finance, la dégonfler de son orgueil démesuré, de celui qui fait que le crapaud veut être aussi gros que le bœuf… ? On connaît tous la morale de La Fontaine à ce propos …
Depuis 1972, Kim Jigme Singye Wangchuck, le Roi du Bhoutan, ne se préoccupe guère de la croissance économique mais porte sa priorité sur le BNB, ou Bonheur National Brut, de ses sujets. Nombre de sociologues américains ont voulu reprendre cette idée, c’est le Net qui le développe grâce à un site.
Mais on constate qu’en cette période de rentrée, propice à la morosité après une saison sous le soleil, l’Indicateur de Bonheur Brut revient sur le devant de la scène. En juillet 1776, Thomas Jefferson, affirmait alors que la « poursuite du bonheur était un droit humain fondamental »… Et on sent que le Président tend à s’intéresser à cette Indicateur. Il faut dire que sa population en a besoin…
Nous savons déjà que la difficulté d’obtenir un indicateur de satisfaction fiable est grande … Mais les recherches sociales qui se développent à la fin des années 60 amènent à la création , du Centre d’Etudes et de Recherche sur l’Economie du Bien-Etre (CEREBE) à la tête duquel on trouve Philippe d’Iribarne … En 1971, Jacques Delors publie « Les indicateurs sociaux » (Delors Jacques (1971), Les indicateurs sociaux, Paris, SEDEIS, coll. Futuribles) et l’INSEE commence à publier des études et à proposer des Données sociales en 1973.
Plus tard, en 1990, Pierre Le Roy écrit une phrase remarquable : “A quoi sert-il d’avoir un PIB par tête très important si vous vivez dans un pays où la démocratie n’existe pas ? A quoi sert-il de vivre dans un pays riche si l’air que vous respirez est complètement pollué et si la majorité des habitants du pays voisins vivent dans le dénuement le plus complet ?”
Il propose alors de mesurer le Bonheur mondial à l’aune de quatre critères :
* la paix et de la sécurité
* la liberté
* la qualité de vie
* l’intelligence et la culture
Si ces critères sont rapidement discutés, parfois considérés comme discutables, il n’en reste pas moins vrai qu’ils sont des indicateurs majeurs de l’état moral d’une population, a fortiori de toute la population mondiale tant on se demande si la mondialisation ne deviendrait pas une source de bonheur. Selon les théories de P. le Roy, toujours.
Les mythes économiques sont vivaces puisque l’un des pères fondateur de l’économie moderne se mettait en quête de savoir quelles étaient les causes du bonheur des nations… mais dans ce type d’indicateur s’opposent des débats et des conceptions philosophiques, ontologiques, humanitaires ou morales qui s’opposent eux-même aux statistiques qui demandent à être parfaitement calibrées.
Dès lors, si les financiers se mettaient à penser comme le fait J.Adair Turner, avec une finance non plus uniquement voué à l’immédiateté du profit mais aussi fondée sur une participativité des marchés au développement mondial ; si l’on mesurait d’abord le bonheur d’une population avant de se préoccuper de ce cher PIB aujourd’hui maître mot des économies en croissance positive ou négative ; si l’on faisait preuve d’un peu plus de créativité sans pour autant que celui-ci soit essentiellement opportuniste comme cela pourrait se définir dans les volontés du Président français ; l’indicateur de Bonheur Brut du Bhoutan pourrait s’appliquer à nos démocraties … C’est même le plan média de rentrée de Nicolas Sarkozy (adossé à deux prix nobels, pas moins!) dont vos médias ne vous ont pas encore fait part.
La créativité est une donnée essentielle à l’homme, à son bonheur. Si Sade pouvait affirmer que « tout le bonheur de l’homme est dans son imagination », il faut maintenant passer à la phase de réalisation.
J.A. Turner montre le chemin … Aux décideurs créatifs et non opportunistes de le suivre.
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Photo de Une via Rocksane sur DeviantArt
Voir également l’article de Rue89 sur Aldair Turner
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