OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les plaintes de Free rencontrent un écho http://owni.fr/2012/11/23/les-plaintes-de-free-rencontrent-un-echo/ http://owni.fr/2012/11/23/les-plaintes-de-free-rencontrent-un-echo/#comments Fri, 23 Nov 2012 14:37:34 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=126621 Echos ont été mis en examen dans l'affaire les opposant à Free. Xavier Niel se défend de toute intimidation dans les colonnes du Monde.]]>
Xavier Niel voit rouge

Xavier Niel voit rouge

Mails agacés, plaintes déposées : Free et son fondateur iconique Xavier Niel supportent mal la critique quand elle vient ...

Suite à la saga mélo-telco-dramatique de Free Mobile, l’opérateur avait déposé une plainte en diffamation contre le journal économique. En cause : la publication des propos du secrétaire général de Bouygues Telecom, Didier Casas, qui critiquait le réseau de son rival. Ce dernier a pour le moment échappé à la mise en examen, pour vice de procédure.

Quant à Rue89, également concerné par une plainte de l’opérateur, il ne sait toujours pas à quelle sauce il va être croqué. Contacté par téléphone, son avocat Antoine Comte nous explique qu’ils ignorent “les éléments judiciaires et juridiques mis en œuvre” dans cette affaire.

Drôle de relations

Les Echos et Rue89 ne sont pas les premiers à se frotter au courroux du trublion des télécoms, et de son fondateur iconique Xavier Niel. Comme nous le racontions il y a quelques semaines sur Owni, l’homme d’affaire entretient de drôles de relations avec la presse et ses rédacteurs.

Fait suffisamment rare pour être souligné, ce dernier s’est publiquement défendu hier dans les colonnes du Monde, qui s’est fait le relais de la plainte déposée contre leurs confrères des Echos, “de jouer de l’intimidation ou de la séduction avec les journalistes”, affirme l’article. Et Xavier Niel, également copropriétaire du titre, de déclarer :

Il y a trente articles par jour écrits sur Free. Si je devais intervenir à chaque fois, je ne le pourrais pas. Simplement, j’ai une proximité plus grande avec certains journalistes, que je connais depuis vingt ans.

Des mobiles et des hommes

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Info, intox, expertises et boules puantes : la guerre fait rage autour de Free Mobile, quatrième opérateur lancé il y a ...

Reste que les journalistes mis en cause voient dans ces procédures une tentative de pression de la part du patron de Free, qui aurait déclaré à Eric Fottorino, alors président du directoire du Monde : “quand les journalistes m’emmerdent, je prends une participation dans leur canard et ensuite ils me foutent la paix”.

Solveig Godeluck évoquait ainsi hier sur Twitter une tentative d’“intimidation”, tout en invitant à créer “le club des journalistes mis en examen grâce à Free”. En réponse à Xavier Niel, qui expliquait sur Le Monde ne pas avoir dirigé sa plainte “contre un journaliste, mais contre les propos d’un concurrent”, elle rétorque : “on n’a pas besoin d’attaquer le journaliste quand on vise le concurrent. Ça, c’est pas automatique”.

Interrogé sur ce point de procédure, Me Antoine Comte, également connu pour ses faits d’armes au Canard Enchaîné, nous explique que le “support est forcément visé” dans le cadre d’une plainte en diffamation : le directeur de la publication ne peut échapper à la mise en examen. En revanche, il estime que “poursuivre le journaliste pose de vrais problèmes” :

Les gens poursuivent rarement les journalistes. Cela constitue une forme de pression selon moi.

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Xavier Niel voit rouge http://owni.fr/2012/10/31/niel-voit-rouge-press/ http://owni.fr/2012/10/31/niel-voit-rouge-press/#comments Wed, 31 Oct 2012 16:45:08 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=124596

Rue89 et Les Echos ont été les derniers à faire les frais de la relation tumultueuse qui lie Free et les médias. Tout deux seraient concernés par des plaintes déposées dans le sillage de la saga politico-techno-médiatique de l’hiver dernier : le lancement de Free Mobile.

Des mobiles et des hommes

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Info, intox, expertises et boules puantes : la guerre fait rage autour de Free Mobile, quatrième opérateur lancé il y a ...

Plaintes

Le directeur de la publication de Rue89, Pierre Haski, a ainsi été interrogé le 24 octobre au commissariat du VIIIe arrondissement de Paris “où est situé le siège social de Free”, précise le site d’informations dans un article du même jour.

En cause : un papier sorti en plein tourbillon Free Mobile, qui décrit les coulisses du lancement de l’intérieur. Une infiltration qui n’a pas du tout plu à Free, qui a décroché son téléphone dès la parution de ce témoignage, le 16 avril 2012. “Ils nous ont dit qu’ils se réservaient le droit de nous poursuivre, et demandaient particulièrement le retrait de certains documents”, indique Pierre Haski, contacté par Owni.

S’il ignore “sur quoi porte précisément la plainte ”, le directeur de la publication présume donc qu’elle a quelque chose à voir avec la publication de ces documents internes et l’auteur de l’article visé. Ce dernier a été publié sous un pseudonyme et la police chercherait à l’identifier. “Ça n’a duré que cinq minutes”, poursuit Pierre Haski, qui a opposé à ses interrogateurs le principe du secret des sources. L’affaire ne rentrerait pas dans le cadre juridique de la diffamation, dont la presse est coutumière. “C’est au-delà des délais légaux de trois mois”, commente Pierre Haski.

Pour Les Echos, le scénario est quelque peu différent. Le journal serait bel et bien impliqué dans une procédure en diffamation pour deux articles en date du 1er mars 2012. Soit l’oeil du cyclone Free Mobile : quelques jours auparavant, on apprenait ainsi que le quatrième opérateur avait fait perdre un demi million de clients à ses concurrents. La veille, le gendarme des télécoms (l’Arcep) validait une seconde fois le réseau du petit dernier, au centre d’une polémique nourrie, dont toute la presse a fait ses choux gras [voir notre infographie "Free Quest : guerre au mobile"].

Dans le premier papier incriminé, la journaliste citait Martin Bouygues et Didier Casas, le secrétaire général de Bouygues Telecom. Ce dernier évoquait alors “la décision de Free Mobile de ne pas investir dans un vrai réseau”. Une parole qui lui aurait valu d’être convoqué par la police. De même pour la journaliste, le directeur de la publication des Echos, ainsi que Philippe Logack (secrétaire général de SFR) et Jean-Bernard Lévy. Le patron de Vivendi, maison-mère de SFR, intervenait ce même jour dans une interview donnée à plusieurs journalistes du journal économique.

Cliquer pour voir l'infographie

Procédurier

L’affaire Free Mobile est donc loin d’être terminée. Xavier Niel et son bébé semblent bien décidés à ne rien lâcher et à avoir le dernier mot dans le soap opera telco de 2012. En faisant sanctionner tout ceux dont ils se jugent les victimes. Quitte à embraser de nouveau un foyer qui, s’il n’est pas tout à fait éteint, paraît tout de même moins dévorant qu’il y a quelques mois.

Car c’est une histoire sanglante : Orange, Free, SFR, Bouygues, mais aussi le gouvernement d’alors comme l’Arcep se sont livrés une véritable guerre autour de Free Mobile. Sur la réalité du réseau de l’opérateur, sur la qualité de son service client, sur l’impact de son arrivée sur l’emploi dans le secteur. Free lui-même a été le premier à ouvrir les hostilités.

Lors de la grand-messe du 10 janvier, il n’a ainsi pas hésité à mettre en doute les pratiques de ses rivaux, Bouygues et SFR en particulier (Orange étant épargné dans la bataille). Tenant des propos à la limite de la diffamation. Ceux-ni n’auraient donné suite à aucune plainte de la part des concurrents savatés. Mais Free est d’une autre trempe.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le 8 mars, il annonçait sans ambages dans un communiqué qu’“à compter de ce jour, Free Mobile attaquera[it] en justice toute personne dénigrant la réalité de sa couverture ou de ses investissement”. Une menace visiblement rétroactive. Et extensible.

Il faut dire que c’est une manie. L’opérateur a l’habitude des procès fleuves. Il les lance même à tour de bras et ne s’en cache pas. “J’ai un modèle de plainte tout prêt, il n’y a juste qu’à remplir le nom du journaliste”, s’amusait Xavier Niel dans un entretien donné en juin 2010 à La Tribune. Un réflexe procédurier assumé et décomplexé, qui a déjà fait quelques vagues.

La plus mémorable est l’interpellation d’un ancien directeur de la publication de Libération, Vittorio de Filippis, en 2008. Dommage collatéral de l’une des nombreuses procédures lancées par Free et Xavier Niel à l’encontre du journal. A l’époque, “Libé” collectionne les plaintes en provenance de l’opérateur et de son patron. “Niel avait peu apprécié notre compte rendu de son procès en 2006 à propos de caisses noires dans des peep shows dont il était actionnaire”, écrit Renaud Lecadre, le journaliste qui avait suscité l’ire de Xavier Niel, dans un article intitulé “«Libé» contre Free : 5-0″. Score sévère en référence aux cinq plaintes perdues par Free et Xavier Niel contre le journaliste et le titre. Cinq actions, dont trois ont été directement déposées au nom de Xavier Niel. Pour le fondateur de Free, ces affaires prennent souvent une tournure personnelle. Et parfois bien en amont de la procédure judiciaire.

Presse sous pression

Nombre de journalistes et d’interlocuteurs réguliers de Xavier Niel évoquent en effet, sous couvert d’anonymat, les pressions exercées par l’homme d’affaires. Menaces de poursuite avant publication, demande de modification des articles et de leur titre, accusations de mauvaise foi, de mensonge ou de manque de professionnalisme… Voire point Godwin ! Dans une biographie non officielle, Xavier Niel, l’homme Free, Gilles Sengès écrit par exemple :

Dans ces cas-là, il fait curieusement référence à la période de l’occupation allemande qu’il n’a bien évidemment pas plus connue que la totalité de ses interlocuteurs, pourtant parfois accusés de faits de collaboration.

Des coups de sang sauce 39-45, qui nous ont également été rapportés.

Free Mobile crie au complot

Free Mobile crie au complot

Free Mobile : mytho, parano ou réglo ? Xavier Niel semble débordé par le buzz qu'il a lui-même provoqué avec son offre ...

Récemment, c’est un reportage de l’émission Capital qui en aurait fait les frais. Il portait sur Free Mobile et aurait été déprogrammé après tournage. Selon Challenges, qui cite “une source proche du dossier”, “cette décision de la chaîne pourrait aussi s’expliquer par une intervention auprès de la direction de M6 des dirigeants d’Iliad, qui craindraient que la diffusion du reportage ne soit pas totalement à la gloire de Free Mobile. L’influence de Delphine Arnault, amie de Xavier Niel et membre du Conseil de surveillance de M6 a également été évoquée.” Les signataires d’une lettre de protestation dénonçant un “acte de censure” et adressée aux responsables de M6 n’ont pas souhaité en dire plus sur les motivations de ce retrait. Reste que le reportage lui, a bel et bien été passé à la trappe.

Aux yeux de la justice, la contrariété seule de Xavier Niel et de Free ne suffit pas à justifier une condamnation de son auteur. Ou la modification d’articles de presse. Comme le rappelle le Tribunal de Grande Instance de Paris dans son jugement du 1er juillet 2008, “même si la société FREE pouvait ne pas apprécier de trouver son nom dans les articles litigieux”, ça ne veut pas dire que les papiers en question méritent sanction.

En revanche, ce courroux peut trouver un tout autre écho, beaucoup plus efficace, en dehors des salles d’audience. Face à ces pressions, certains journalistes déclarent réfléchir à deux fois avant de publier un article pouvant déplaire au bonhomme et à son équipe. D’autres refusent tout simplement de témoigner de telles pratiques, même quand ils seraient les premiers à en subir les conséquences.

Et si certains estiment que ces rapports directs et francs sont moins hypocrites que les manières d’autres capitaines d’industrie, qui décrochent leur téléphone pour se plaindre des journalistes auprès de leur hiérarchie, d’autres s’émeuvent de telles pratiques.

Sans compter que Xavier Niel n’est pas un énième chef d’entreprise. Il est aussi l’un des principaux mécènes de la presse française : propriétaire du Monde depuis 2011, il a aussi des billes dans un grand nombre de titres. “Mediapart, Bakchich, Atlantico, Causeur, Owni, Électron Libre… Mais aussi papier : Terra Eco, Megalopolis, Vendredi…”, égraine Acrimed dans un article sur “Xavier Niel, le « capitalisme cool » à l’assaut des médias (3) : le « sauveur » de la presse”. Nous ne faisons en effet pas exception à la règle, puisque le fondateur de Free est actionnaire, à titre personnel et à hauteur de 6%, de la SAS 22Mars, maison mère dont Owni s’est séparé il y a quelques mois.

Pour Gilles Sengès, ces responsabilités, notamment en tant que copropriétaire du Monde, fait de lui “un défenseur obligé du droit à l’information et de la liberté des journalistes dont il est dorénavant le garant”. Interrogés par Owni, l’ancien rédacteur en chef des Echos et son éditeur nous confient que la biographie n’a suscité aucune plainte.

Xavier Niel et Free, que nous avons également contactés au sujet des procédures en cours et des accusations d’intimidation, ne souhaitent faire aucun commentaire.


Illustrations par Loguy pour OWNI

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Un égo très créatif http://owni.fr/2011/12/09/raphael-meltz-le-tigre/ http://owni.fr/2011/12/09/raphael-meltz-le-tigre/#comments Fri, 09 Dec 2011 15:29:54 +0000 Axel Orgeret Dechaume http://owni.fr/?p=89855
“Revue ravissante pour jeunes gens graciles”, Le Majeur / Badabing ! est une double revue culturelle de 80 pages. Les lecteurs du numéro 1 ont pu découvrir un portfolio sur les courbes des culturistes irakiens, une interview de l’avocat Jacques Vergès et de Marc-Edouard Nabe, et des conseils pour bien réussir un duel à l’épée. Le deuxième sera aussi surprenant, avec notamment la visite d’un abattoir, un dossier sur le socialisme à l’ancienne, l’épopée baseball des Mets et quelques appels au meurtre. Chic, ils lancent ça jeudi prochain.


Il y a beaucoup de choses que Raphaël Meltz ne veut pas faire. Il ne veut pas mettre de pubs dans son journal. Il ne veut pas y traiter de l’actualité culturelle. Il ne veut pas utiliser de logiciels qui ne sont pas libres. Il ne veut pas qu’on le mette dans une case : journaliste, écrivain, intellectuel. Il ne veut pas qu’une journaliste de Libération lui consacre la quatrième de couverture. Il ne veut pas être interviewé en personne. Il ne veut pas parler moins vite.

Michel Butel, prodigieux inventeur de L’Autre Journal voulait “mettre la presse à l’égal d’une œuvre”. Raphaël Meltz et Lætitia Bianchi l’ont pris au mot et ont fondé l’étonnante revue alphabétique R de Réel. Puis, après s’être entourés d’un essaim d’historiens, essayistes, illustrateurs, écrivains, ils ont lancé le journal Le Tigre (“curieux magazine curieux”). À mi-chemin entre une forme et une autre, le journal a mué, gonflé, il s’est même teinté de couleurs.

Tour à tour indigné et roublard, Le Tigre emmène ses lecteurs des confins de l’Orient aux frontières du web, de la cuisine de Gérard Schivardi aux ors des cabinets ministériels. Sujets et illustrations sont grattés par de belles plumes. Le reportage photo d’un compère parti très loin côtoie l’hommage, sobre et touchant, à un complice parti trop vite.

Au détour d’une page de son Voyez-vous (éd. Verticales), Lætitia Bianchi nous livre :

Je lis un quotidien d’informations : les dernières vingt-quatre heures sont couchées là, avant qu’on ne les enterre.

Le Tigre s’attelle à étirer ces vingt-quatre heures, à les passer au tamis de la poésie et du sensible. Arrogant, superbe, sévère et exigeant, il n’entend pas le monde, il l’écoute.


Dans l’un des articles, il y a une formule qui m’a marqué : “décidément, c’est agréable de ne pas être journaliste”. Comment définissez-vous votre travail au sein du Tigre : écrivain, journaliste, observateur ?

J’occupe plusieurs places au sein du Tigre : l’ayant co-fondé avec Lætitia Bianchi en 2006, j’ai longtemps joué un rôle de co-rédacteur en chef, alors que nous étions deux. Puis trois durant l’année 2010 (formule quinzomadaire) où Sylvain Prudhomme nous avait rejoints. Et seul durant les sept premiers numéros de 2011 (formule mensuelle), Sylvain étant parti, et Lætitia ayant choisi de prendre du recul. Je ne joue plus ce rôle depuis l’automne 2011, puisque c’est Lætitia qui a repris, seule, la fonction. Si je détaille cela, c’est parce qu’on n’écrit pas de la même façon dans un journal quand on en coordonne le sommaire ou non. Par ailleurs, je m’occupe également, par la force des choses et non par désir, de l’administration du journal.

Aucune étiquette

Pour revenir à votre question : évidemment qu’il n’y a aucune étiquette qui me convienne parfaitement. Observateur, certainement pas, parce que ça suppose de ne pas être acteur, or je suis toujours acteur lorsque j’écris un papier dans Le Tigre : je ne crois pas du tout à cette idée qu’ont les journalistes que l’actualité existe malgré eux. C’est toujours un, ou plusieurs êtres humains qui font le choix de parler de tel sujet plutôt que de tel autre (et l’effet boule de neige donne assez vite le sentiment qu’il s’agit d’une “actualité”).

Je ne suis pas journaliste, comme je le répète souvent dans Le Tigre : d’une part parce qu’officiellement je n’en ai pas le statut (pas de carte de presse), mais surtout parce que je n’ai jamais eu le désir de l’être, jamais eu l’idée que je ferais des études de journalisme ou que mon avenir serait d’être grand reporter au Nouvel Observateur.

Écrivain, je le suis en-dehors du Tigre, puisque j’écris des livres, principalement des fictions : mais, au sein du journal, on s’est toujours interdit la fiction, donc personne ne vient faire un travail d’écrivain (si tant est qu’on lie ce mot à celui de la fiction) au Tigre. Pour tout dire, devoir se définir ne me semble absolument pas nécessaire, ni pour moi, ni pour les autres auteurs du Tigre : il me semble plus intéressant de parler des textes que de leur auteur.

Il y a eu une période, qui n’a pas duré longtemps, où je me suis dit qu’on devrait revendiquer le titre de journalistes : qu’on devrait considérer qu’en réalité, nous (les auteurs du Tigre, mais pas seulement ; tous ceux qui ont à cœur de faire une autre presse) sommes vraiment les journalistes, et que les autres sont des rédacteurs d’info. Qu’on devrait réenchanter le journalisme en expliquant que certains résistants le pratiquent encore – et pas ceux qui remplissent les pages banales des titres sans âmes.

Et puis j’ai trouvé ça absurde de vouloir m’affubler d’une cape que je n’appréciais guère ; j’ai laissé tomber cette idée.

Au sein du Tigre, j’ai pratiqué plein de genres d’écritures, plein de formats différents : c’est ce qui me paraît intéressant, l’expérimentation sur les textes. J’ai écrit des papiers type « journalistes », d’autres nettement plus littéraires, la plupart dans un entre-deux. À propos d’un “auteur-type” du Tigre, j’avais écrit une formule un peu lapidaire, mais qui vaut ce qu’elle vaut, je la ressors plutôt que de la paraphraser : “Quelqu’un qui se prend pour un journaliste mais qui s’imagine écrivain. Quelqu’un qui veut la rigueur du sociologue et la beauté du poète.” Je pourrais ajouter : “qui veut la profondeur de l’historien et la légèreté du comique.”

Il est devenu un poncif de dire que la presse papier traditionnelle est en voie d’extinction. La raison pour laquelle nous avons monté le projet Le Majeur / Badabing !, est que nous pensons que la réponse est : faire plus beau, plus fouillé et moins ancré dans l’actualité. En gros, faire jouer une dernière fois l’orchestre pendant que le Titanic coule. Vous partagez cette opinion ?

Il est évident que le Titanic coule : mais ça dure, à mon sens, depuis une trentaine d’années. Et ce n’est pas Internet, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, ou laissent croire, qui coule la presse française : c’est son incapacité à, comme vous le dites, faire des journaux beaux, intelligents, subtils, drôles si possibles.

Et libres de toutes les mauvaises habitudes qui sont celles des journalistes : s’exciter sur les gros sujets dont tout le monde parle, et éviter de comprendre que la beauté d’une écriture, la subtilité d’un regard nous en apprennent beaucoup plus sur le monde que l’énième papier qu’il faut écrire à la suite des autres.

Que se passera-t-il lorsque le Titanic sera au fond des mers, c’est-à-dire que le système de diffusion de la presse française sera mort ? C’est une question sérieuse qu’il ne faut pas esquiver ; pour le moment, je n’en sais rien, mais je pense que la génération à venir (la vôtre) devrait l’affronter avec courage, parce que sinon tout se finira très vite sur des tablettes électroniques.

Qu’il s’agisse de supports papier ou web, la presse branchée ou indépendante consacre de nombreux papiers aux titres mythiques : Actuel, Hara-Kiri, L’Idiot International, L’Autre Journal. Ces titres ont-ils influencé Le Tigre ?

Il faut se méfier de ceux qui parlent toujours d’un passé mythique sans forcément se préoccuper du présent. On entend souvent parler de ces titres, en effet, mais c’est un peu comme le mot “socialiste” dans l’expression “parti socialiste” : c’est une façon de revendiquer quelque chose sans faire le moins du monde l’effort de s’interroger sur son sens. À quoi bon chanter les louanges d’une certaine presse alternative des dernières décennies quand on est soi-même un gigantesque publi-commercial dont l’unique but est de parler des livres, films et autres jeux vidéos que le lecteur doit se dépêcher d’aller consommer ?

Une création propre

Ce qui nous a influencés, c’est évidemment l’idée d’une forme de résistance aux habitudes de la presse que tous ces titres, d’une façon ou d’une autre, ont pratiquée. En ce qui me concerne, je n’ai été lecteur que de L’Autre journal parmi tous ces journaux, et il serait évidemment absurde de nier que Le Tigre en porte une trace. Je renvoie vos lecteurs au très beau texte de Michel Butel que nous avons publié en 2007, “La presse à l’égal d’une œuvre” (disponible sur notre site), où il explique parfaitement bien la différence entre un journal lambda et un journal conçu comme une création propre.

Dans un entretien accordé au site web Article 11, vous reprochiez à la presse “pure player” (Rue 89, Slate, Médiapart) de n’être qu’un agrégat de contenus. Ironiquement, le sous-titre du Tigre est une phrase d’Héraclite “un tas de gravats déversés au hasard : le plus bel ordre du monde”. Le travail que fournissent le site du Guardian ou bien OWNI, notamment sur le versant data-journalisme, peut-il trouver grâce à vos yeux parmi cet agrégat de gravats ?

Je n’avais pas pensé lire la phrase d’Héraclite comme une ode à la presse Internet, fragmentaire, parcellaire, où l’on arrive par communautés (réseaux sociaux) ou parce qu’on s’intéresse déjà à un sujet (fils RSS, recherche Google). Un tas, pour moi, c’est un tas, posé au sol, et qui reste là, et que je vais pouvoir inventorier ; ce n’est pas des poussières qui volent au vent, qui ne cessent de s’agiter devant mes yeux, ou que ne cessent de me projeter mes “amis” virtuels. Aucun site internet, OWNI moins qu’un autre, n’est un “journal”, ce sont des agglomérats, avec un énorme avantage (aucune limite de place ; aucun souci de diffusion), et, à mes yeux, un terrible inconvénient : l’absence d’une fabrication. D’une création. D’une imagination.

Je vois bien que, depuis quelques temps je suis passé du côté des vieux cons mais il me paraît essentiel de continuer à concevoir un journal comme un objet clos (fût-il sous forme numérique) et non pas comme une forme d’automate mettant à la queue-leu-leu des articles, aussi intéressants soient-ils (et, la plupart du temps, ils ne sont guère intéressants), puis les chassant pour les remplacer par d’autres. J’ai une vision encore très romantique de “l’honnête homme” qui s’intéresse à tout, qui aime la beauté des choses (et même l’odeur du papier).

Je ne nie pas l’intérêt d’Internet en général, évidemment, mais l’absence, pour le moment, de média existant en tant que tel sur internet.

L’exemple de Rue89 est très intéressant à observer. Lorsqu’ils ont lancé un magazine en papier (pour faire entrer de l’argent dans leurs caisses, ce qui en dit long sur l’absurdité qui voudrait que la presse papier coule à cause d’Internet), ils ont montré leur totale incapacité à créer un journal. Leur magazine est non seulement étonnamment laid, mais en plus il échoue totalement à avoir une âme propre (paradoxalement, il en a encore moins que le site Internet…). Ce qui veut dire que, parasités par leur expérience web, les créateurs de Rue89, pourtant issus de la presse papier, se sont montrés incapables de créer un vrai titre en papier : et plus le temps passera, moins les gens sauront faire. Sauf, bien entendu, les résistants.

Croire que le chemin de fer [l’organisation des sujets dans un journal, ndlr] est une idée dépassée est, à mon sens, tout aussi absurde que de penser que pour faire une maison, il suffit de murs extérieurs. On a encore besoin de cloisons ! Regardez comment les gens deviennent fous dans leurs lofts… (Et je ne plaisante qu’à moitié.)

Un défi à l’organisation traditionnelle

Cela dit, notre référence au tas de gravats doit s’entendre comme un défi à l’organisation traditionnelle de la presse écrite, qui, elle, a tendance à cloisonner le monde dans des rubriques closes (Politique, Société, International, etc.). Durant plusieurs vies du Tigre, nous tentions d’organiser ainsi ses pages ; puis nous avons voulu gagner en liberté, ne plus faire autre chose d’un déroulé, qu’une forme close dont l’ensemble soit la cohérence. La phrase d’Héraclite (qui utilise le terme « beau », ce n’est pas un hasard) s’est imposée.

De nombreux articles du Tigre se jouent des limites du discours publicitaire ou politique : les rendez-vous corporate, les canulars auprès de suivi-conso de grandes boîtes ou les détournements de pubs années 1970 par l’Hippopotable pour ne citer qu’eux. Et, de l’autre côté, il y a un soin particulier apporté à mettre en avant une parole libérée : graffitis à Haïti, murs peints en Afrique, interviews de concierges, croque-morts, éboueurs, flics etc. Avez-vous l’impression de mener un combat contre la novlangue ?

Même l’expression “novlangue” me dérange. Et, en général, Le Tigre préfère, par ses articles, par son existence propre, ce que vous appelez “mener un combat” plutôt que de commenter ce combat. Je veux dire par là que ce n’est pas à moi de faire l’exégèse de notre démarche politique. Politique, Le Tigre l’est assurément, mais il l’est d’une certaine façon : pas directement militant, mais dans sa pratique.

Que ce soit en refusant la publicité, en travaillant intégralement avec Linux (démontrant au passage que les logiciels libres sont des outils totalement professionnels), et en faisant le choix de sujets, de façons de les traiter. Évidemment, le rapport à la parole, à la langue, à l’écriture, est central : mais ne comptez pas sur moi pour donner ici des leçons ; c’est tout le sens du travail que nous menons que de ne pas imposer des idées toutes faites aux lecteurs.

Dans l’un des tout premiers numéros du Tigre, vous vous félicitiez d’avoir perdu cinq lecteurs, outrés par différentes choses, dont votre maquette et la longueur des articles (“5 de perdus”). Dans un numéro spécial, qui précédait le numéro 1 de la nouvelle version du Tigre, vous avez publié un long article d’explication et d’introspection portant sur Le Tigre (“Pourquoi faire un journal ?”) où vous reprochiez à vos lecteurs “de ne pas réagir, si ce n’est dans d’innombrables mails où ils feulent leur admiration et ils vous serrent la patte et ça, ça ne fait pas avancer le schmilblik” et rêviez à voix haute de “pouvoir choisir” ceux-ci. Comment conciliez-vous cette relative agressivité vis-à-vis de vos lecteurs avec l’idée du Tigre en tant qu’ “engagement humanitaire : c’est comme si je sacrifiais de mon temps au profit du monde” ?

Là, vous allez trop vite, et pour le lecteur qui ne connaît pas Le Tigre et les textes que vous citez, cela risque d’être incompréhensible. Une chose est certaine : Le Tigre n’a jamais eu pour but d’être consensuel. Que des lecteurs s’agacent ou s’ennuient en nous lisant, qu’ils restent insensibles à notre démarche me paraît très sain : on n’est pas complètement idiots, si on avait voulu faire Paris-Match, on l’aurait fait.

En revanche, ce qui est plus compliqué, c’est le rapport qu’on peut entretenir avec les lecteurs qui aiment Le Tigre et qui, parfois, oublient de nous rendre la monnaie de notre pièce : il y a une partie sacrificielle dans le temps qu’on investit pour faire ce journal avec, en effet, le sentiment de donner quelque chose au monde ; et, parfois, l’absence de réaction de ce monde-là (les lecteurs) peut sembler un peu injuste. Cela étant, après avoir écrit ce numéro-confession (“Pourquoi faire un journal”) à l’automne 2010, j’ai reçu plusieurs centaines de réponses, dont la plupart étaient belles ou intelligentes ou utiles ; depuis, je ne me plains plus de mes lecteurs.

Il y a deux ans, le magazine Chronic’art réalisait un numéro d’avril entièrement faux (fausses interviews, reportage sur “le jeu vidéo qui tue”, critiques de disques, films et livres n’existant pas etc.). En 2006, vous avez également effrayé une partie de vos lecteurs en leur faisant part d’une proposition de financement du journal par Esso. Vous écriviez, “Que faut-il préférer ? Un journal mort ou un journal qui s’adapte à la logique économique du monde dans lequel il vit ?”, avant de dévoiler le pot-aux-roses au numéro suivant. Ces moyens sont-ils, selon vous, pertinents ou suffisants pour effectuer une critique de l’état de la presse actuelle ?

“Nous sommes des farceurs”

C’est une forme comme une autre. Ce numéro en question de Chronic’art était en effet intéressant puisque c’est la seule fois dans leur existence qu’ils ont créé quelque chose (le reste du temps, ils ne font que chroniquer des produits culturels). Nous avons souvent fait des poissons d’avril (à chaque fois, les lecteurs tombent dans le panneau), tout simplement parce que nous sommes des farceurs. Je préfère votre question suivante (note pour le lecteur : il s’agit d’un entretien écrit, j’ai triché, j’ai lu toutes les questions avant de répondre).

L’une de vos illustrations représente un orgue mécanique du Victoria & Albert Museum, Tipoo Tigre, qui chante “Je préfèrerais vivre pendant (traduction plus précise je pense) deux jours comme un tigre que pendant deux siècles comme un mouton”. Dans le numéro mai/juin 2008, il y avait une double page satirique, avec un sommaire de journal (Le Mouton) qui égrenait tous les marronniers et sujets sans intérêt qu’on peut lire dans la presse actuelle : “le classement des meilleurs lycées franc-maçons des plus belles villes de France”, “le jour où j’ai accouché de quintuplés”, “Natalia et Veronika, le portofolio de Karl Lagerfeld” etc. J’ai été assez surpris d’y trouver une pique adressée à la revue XXI. Pourquoi ce coup de griffe ? Les considérez-vous comme un tigre qui a échoué, ou comme un mouton qui va durer deux siècles ?

On a souvent abusé de jeux de mots autour du mot “tigre”, c’était tentant. En ce qui concerne le Tipoo Tiger, il est évidemment question ici de la notion d’intensité : ce qui vaut pour la vie tout court vaut pour la vie professionnelle, donc également pour le journal qu’on fait. Donc, oui, on a toujours déclaré que Le Tigre vivrait le temps qu’il faudrait, et qu’il ne sera jamais question de le continuer parce qu’il marche (comme un mouton, donc). D’où, par ricochet, le besoin fréquent de changer de formule : pour éprouver que la vie continue.

En ce qui concerne XXI, mon sentiment est ambivalent : bien sûr qu’il y a quelque chose de réjouissant à voir le succès d’une aventure hors-norme, qui donne à lire de grands reportages écrits “à l’ancienne” (entendre : pas formatés comme on l’apprend dans les écoles de journalisme). Mais je suis gêné par pas mal de choses : le côté “empilement” des sujets, un aspect visuel que je trouve peu cohérent, le refus de “réenchanter” la presse (XXI n’est vendu qu’en librairies, affirmant ainsi que la presse en kiosque n’a plus vocation à croire en la qualité ; je pense au contraire qu’il est essentiel d’être présent à la fois en kiosques et en librairies : sinon la presse “différente” restera cantonnée dans ces lieux culturels relativement élitistes que sont, qu’on le veuille ou non, les librairies).

Par ailleurs, je suis assez amusé de leur façon de se proclamer indépendant (avec le groupe Gallimard et Charles-Henri Flammarion au capital) et sans publicité (en nouant des partenariats, logos à l’appui, avec la Fnac et France Info)… Bien entendu qu’il y a une part de jalousie derrière tout ça : le succès qu’ils ont obtenu, nous ne l’avons jamais eu avec Le Tigre, alors que, honnêtement, notre projet est beaucoup mieux que le leur… Mais ce que ça montre surtout, c’est la différence entre des gens qui conçoivent leur projet également dans sa portée commerciale, et des clowns dans notre genre qui ne s’intéressent qu’à la beauté du geste – ni à sa réussite, ni à sa longévité. Et des lignes qui précèdent le lecteur conclura aisément que je préfère la compagnie d’un clown à celle d’un cadre commercial.


PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par jamesjyu, PaternitéPas d'utilisation commerciale par estevenson, Paternité par NS Newsflash

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http://owni.fr/2011/12/09/raphael-meltz-le-tigre/feed/ 9
Les médias en ligne à l’âge de raison http://owni.fr/2011/09/05/pure-players-rentree-mediapart-rue89-atlantico-slate/ http://owni.fr/2011/09/05/pure-players-rentree-mediapart-rue89-atlantico-slate/#comments Mon, 05 Sep 2011 17:00:43 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=78138 2012, scénario catastrophe pour les sites d’information en ligne non adossés à un titre papier, appelés pure players ? Ce n’est pas ce qui se profile à l’orée de la saison médiatique 2011-2012. Et l’arrivée de petits nouveaux – d’une version française du Huffington Post à un site hybride 100% Lagardère – semble confirmer qu’il y a encore de la place pour l’information en ligne.

Pour la présidentielle, les anciens capitalisent sur leurs acquis

Continuité, développement et innovation : tels sont les maîtres mots employés par les acteurs de l’information en ligne pour qualifier la saison qui s’annonce. Saison marquée par trois ou quatre élections présidentielles (France, Etats-Unis, Russie et Chine), comme le souligne Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr. Pour autant, pas question de modifier en profondeur les équipes et d’innover sauvagement pour couvrir les élections, françaises ou pas, contrairement à ce qui se prépare dans les rédactions dites “traditionnelles”.

En dehors de Rue89, dont la nouvelle maquette sortira courant octobre 2011, pas de grands changements à l’horizon pour l’information sur Internet. Développée par Upian , cette nouvelle mouture respecte “les valeurs de Rue89 tant graphiquement qu’éditorialement, pour en faire un site puissant et statutaire, pensé tant pour les éditeurs et les journalistes que pour les contributeurs” selon Alexandre Brachet, directeur de l’agence. Pascal Riché, rédacteur en chef, n’hésite pas quant à lui à la qualifier de “petite révolution”. Reste que dans le traitement de l’information, Rue89, que Claude Perdriel veut voir comme un laboratoire du Nouvel Observateur suite au rapprochement entre les deux médias, ne va pas modifier ses habitudes en profondeur.

La manne financière du patron du Nouvel Obs était notamment censée permettre le développement d’un pôle “datajournalisme“, aujourd’hui au point mort. La plateforme souhaite néanmoins renforcer sa présence sur les terminaux mobiles, comme nous le confie Laurent Mauriac, directeur général. Une première application Ipad, “Rue89 avec les doigts”, sortie fin mai, avait été proposée gratuitement comme numéro test. La deuxième sera payante et verra le jour d’ici la fin du mois de septembre.

Rue89 développe également une déclinaison Sports, “encore balbutiante”, selon Pascal Riché. Le premier des pure players français (tant en âge qu’en consultations) étoffera peut-être son effectif pour la période électorale, mais compte s’appuyer sur ses fondamentaux :

On va rester très participatif, non pas top-down mais plutôt bottom-up, avec le format “face aux riverains” notamment, et en insistant sur le fact-checking.

Le positionnement plus magazine du petit frère frenchy de Slate.com lui permet de prendre le temps, comme le souligne Johan Hufnagel : “On refuse le buzz, on ne fait pas de papier facile et à charge. On reste sur de l’analyse et du commentaire, contrairement à certains sites communautaires. C’est donc plus long, mais on pense que c’est plus sain.” Malgré une équipe restreinte composée de trois rédacteurs, d’un chef d’édition et d’un rédacteur en chef, l’objectif est de répondre présent pour ces élections.

Le constat est établi par l’ensemble de nos interlocuteurs : pour innover, il faut de l’argent. Et le nerf de la guerre fait défaut, quel que soit le modèle économique.

Slate.fr continue son développement sans accélération incontrôlée. Johan Hufnagel tient à nous préciser que le sombre tableau financier dépeint par le journaliste média de l’Express Emmanuel Paquette ne correspond pas à la réalité.

L’investissement réalisé pour lancer la déclinaison Afrique du site, savamment intitulée Slate Afrique, aurait grevé les comptes. Selon le rédacteur en chef et actionnaire du site : “On est toujours sur nos objectifs, liés à un plan de financement sur 5 ans. L’équilibre doit être atteint en 2012.” Pas d’investissements mirifiques à l’horizon, donc, mais un “travail de fond sur la plateforme. L’idée est de booster le SEO , mais nous n’avons pas prévu de refonte de la maquette, en dehors d’améliorations à la marge de l’ergonomie.”

Mediapart et ses 26 journalistes ne sont pas en reste. Pour François Bonnet, directeur éditorial du site :

Il faut qu’on ait un regard critique sur ce qu’on a fait en tant que journalistes sur les dernières campagnes présidentielles. En 1995 il y a eu la bulle Balladur, en 2002 personne n’a vu la montée du FN et en 2007, on a laissé de côté la question du couple Hollande-Royal. Il ne faut pas une fois de plus reproduire un plantage généralisé pour cette campagne. Pour nous l’enjeu est là : il faut qu’on se batte sur le terrain de l’info. Et ce dans une proposition éditoriale innovante qui est de bousculer la sphère médiatique : la différence en année présidentielle va se faire là-dessus.

Le dernier né des pure players français, Atlantico, pourrait quant à lui bénéficier de son positionnement à droite de l’échiquier politique. Selon Jean-Sébastien Ferjou, directeur de la publication, la présidentielle constitue un “booster naturel d’audience”. L’équipe du site, qui vient de perdre son rédacteur en chef, “travaille à des choses et réfléchit à des formats spéciaux dédiés à la campagne qui seront lancés à la fin du mois”.

Étonnamment, Mediapart et Atlantico sont sur la même ligne. Il ne s’agit pas d’innover à tour de bras, mais plutôt de renforcer pas à pas leur modèle respectif. Jean-Sébastien Ferjou souhaite “aller au-delà du milieu médiatico-politique parisien”, tandis que son confrère François Bonnet nous rappelle que “l’objectif de Mediapart est de casser l’agenda, de ne pas se laisser enfermer dans une bulle médiatico-sondagière”.

En trois ans d’existence, le site fondé par Edwy Plenel a réussi son pari : s’approcher de l’équilibre financier avec un modèle économique centré uniquement sur les abonnements. Les nombreuses révélations des journalistes d’investigation du média ont permis d’engranger de fidèles abonnés. Tant et si bien que le site dégage aujourd’hui 5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pour la saison qui s’annonce, il s’agit de “consolider ce modèle et d’améliorer nos procédures”. Ici encore, les développements se feront à la marge, avec une application iPad et quelques projets “en cohérence avec le modèle économique de la structure”. La version anglaise du site, Mediapart English, est de ceux-là.

Lagardère et le Huffington Post débarquent dans l’Hexagone

Le relatif succès de ces médias nés en ligne attise les convoitises. Le groupe Lagardère développe depuis quelques mois un projet qu’il aime à qualifier de “pure player”. Reste que le site, dont le lancement public est prévu pour le mois d’octobre, s’appuiera sur les productions du groupe, qui comprend le JDD, Paris Match et Europe 1. L’équipe, composée de 5 journalistes, dont le rédacteur en chef Nicolas Moscovici, est d’ailleurs hébergée dans les locaux de la radio. A l’origine du projet, Laurent Guimier, tenancier motivé de l’émission “Des clics et des claques”, et Benoît Raphaël, ex-rédacteur en chef du Post.fr, et aujourd’hui consultant pour RevSquare. Selon lui, le site, dont le nom fait encore l’objet de discussions, sera “assez audacieux”, et il se murmure que la maquette fera la part belle au “journalisme de liens”. La positionnement éditorial 100% politique laisse à penser que le groupe Lagardère souhaite se doter d’un outil efficace dans la bataille médiatique de l’élection présidentielle.

Du côté de France Télévisions, on prépare également dans le plus grand secret le lancement de PI – pour Plateforme d’Informations – un site dont la vocation est de fournir la dernière information importante au moment où l’internaute en a besoin. Un objectif ambitieux doté d’un recrutement pléthorique : une quinzaine de personnes, dont beaucoup en provenance du Monde.fr. L’idée est de mettre en avant les contenus de France Télévisions en essayant de s’adapter au mieux aux usages en cours sur le web. Le lancement du site sera d’ailleurs l’occasion de faire la preuve de cette ambition : le site sera d’abord disponible sur mobile, puis sur les réseaux sociaux, et sera mis en ligne dans un troisième temps.

Offre pléthorique

La position particulière de la France, qui dispose d’une offre d’information en ligne pléthorique, a également aiguisé l’appétit de la sculpturale milliardaire américaine Arianna Huffington. Celle qui a construit le succès de son “Huffington Post” outre-Atlantique s’apprête à lancer une version française de son site, vraisemblablement en partenariat avec Le Post.fr, propriété du Monde Interactif (dont Lagardère est actionnaire). L’équipe du Post en avait bien besoin : aujourd’hui réduite au strict minimum, son avenir semblait plutôt compromis. Sa rencontre avec Louis Dreyfus a dû être déterminante. Courtisée par plusieurs patrons de presse, comme Pierre Haski, celle qui a récemment cédé son média au groupe AOL s’était bien entourée pour préparer son débarquement dans l’Hexagone. Sa visite avait en effet été chapeauté par Alain Minc et Bernard-Henri Lévy. L’information selon laquelle Le Post pourrait servir de rampe de lancement au “HuffPo” en France a été sortie par la Correspondance de la Presse et aurait filtrée au cours du dernier conseil de surveillance du groupe.

Plus modestement, de nouveaux projets souhaitent se faire une place dans le monde des pure players. En témoigne le prochain lancement de Quoi.info, un site de questions/réponses animé par une équipe de sept à huit personnes chapeautés par Frédéric Allary, ancien directeur général des Inrockuptibles, et Serge Faubert. Inspiré du site américain Politifacts, le site se propose de rééquilibrer la relation entre lecteurs et journalistes. Faisant la part belle au “factchecking”, l’expérimentation commencera à la mi-octobre, pour bénéficier du regain d’intérêt pour l’information en période d’élection présidentielle.

Gageons que l’ensemble de ces projets élargira les perspectives de la métarédaction du web français, et permettra à ce qu’on qualifie encore parfois avec dédain de journalisme web de gagner ses lettres de noblesse.


Et pour ceux que le développement d’OWNI intéresse, vous pouvez vous reporter à l’édito de maître Dasquié.


Crédits Photos CC FlikR SrgBlog, Bies, Larskflem

Crédits Illustration Une: © paylessimages & © pixbox77 – Fotolia.com

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http://owni.fr/2011/09/05/pure-players-rentree-mediapart-rue89-atlantico-slate/feed/ 20
[ITW] J-M Charon: “Les médias français n’ont pas de culture de recherche et développement” http://owni.fr/2011/05/03/itw-jean-marie-charon-medias-francais-innovation/ http://owni.fr/2011/05/03/itw-jean-marie-charon-medias-francais-innovation/#comments Tue, 03 May 2011 15:30:40 +0000 Céline Sawalski http://owni.fr/?p=60496 Le sociologue des médias Jean-Marie Charon a publié en mars La presse en ligne aux éditions La découverte. L’occasion pour OWNI de faire un état des lieux de l’évolution des sites de médias.

Vous critiquez l’approche trop “homogène” qu’avait Xavier Ternisien, journaliste spécialiste des médias au Monde, des rédactions web. Vous avez publié en mars une enquête sur la presse en ligne, quelles sont vos principales observations ?

Ma première enquête doit dater de 2009. J’en ai discuté avec Xavier Ternisien après son article. Sur le web, la typologie est plus riche en terme de formes éditoriales et de types de journalistes. Il n’y a pas seulement des journalistes de desk  mais aussi des journalistes qui font de l’information multimédia beaucoup plus évoluée et trouvent des nouveaux modes de traitement, comme Ternisien avait pu le décrire. Chez Rue89 et Mediapart, on retrouve aussi des fonctions journalistiques plus traditionnelles et intégrées dans l’univers du web, des enquêteurs, des éditorialistes, des intervieweurs, qui sont issus de la presse traditionnelle.

La presse régionale travaille très différemment. Les journalistes dédiés à de la production imprimée peuvent dans le même temps s’impliquer sur le web. Le journaliste devient un journaliste Shiva qui va sur le terrain et multiplie les compétences. Et enfin, les rédactions pure-players qui ne se sont pas positionnées sur le traitement de l’information chaude et qui ont plutôt recherché des lignes éditoriales complémentaires. Par exemple, Slate se présente comme un magazine et non comme un média d’info d’actualité.

Jean-Marie Charon

Les pure-players se multiplient. Atlantico.fr a été lancé le 28 février. Cette diversité vous semble t-elle viable étant donnée la difficulté des sites à trouver un modèle économique ?

Il faudra répondre au cas par cas. Ces sites ont une identité éditoriale forte et ne trouveront des ressources que s’ils ont un public suffisamment motivé pour participer soit sous forme d’abonnement (comme pour Mediapart), soit sous d’autres formes. Rue89 a travaillé sur le lancement d’une plateforme de don, J’aime l’info. Lorsque ces sites tentent de diversifier leurs activités en développant du service (e-commerce), il y a en face des concurrents très forts. Seule la motivation des lecteurs pour se rendre sur ces sites d’info participera de leur projet éditorial. Il faut qu’il y ait une motivation supplémentaire, c’est là que ça va se jouer.

On va voir apparaître des modèles moins présents dans la presse généraliste, avec des activités un peu hybrides.

Les rédactions se diversifient et développent des nouvelles activités: formation, organisation d’événements. C’est une pratique qui se fait beaucoup en presse professionnelle et technique où les chiffres d’affaires sont issus à 20, 30% d’activités annexes (salons, séminaires). C’est ce qu’indique le modèle développé par Rue89.

Pourquoi y a t-il autant de pure-players en France, ce qui n’est pas le cas du reste de l’Europe ?

Les sites d’actualité rattachés à des médias traditionnels ont été moins créatifs que des sites comme le Guardian ou le New York Times. Le Figaro.fr et Le Monde.fr ont des contenus qui se ressemblent et qui ne donnent pas l’image d’une recherche permanente d’innovation. Du coup, cela n’a-t-il pas créé des espaces de recherches d’innovation qui ont été couverts par des pure-players ? Autre facteur, la France a connu une énorme crise de l’emploi dans les médias, et en particulier dans la presse quotidienne. Des journalistes compétents, actifs, qui ont quitté leurs rédactions, ont tenté quelque chose.

Contrairement aux pays anglo-saxons où l’on débarque des dizaines de journalistes qui partent avec rien, en France, quelle que soit l’ancienneté, il est possible de partir avec des indemnités. Il va y avoir au Monde des nouvelles clauses de cession, je suis sûr que l’on va retrouver quelques-uns des journalistes dans les « pure-players », s’ils n’en créent pas eux-mêmes. Que ce soit Slate, Rue89, Mediapart ou Arrêt sur Images, dans les quatre cas ce sont des animateurs de projets issus de la presse écrite. Grâce à cette possibilité de partir avec beaucoup d’argent, certains se sont dit: profitons-en et créons des médias sur de nouveaux supports, c’est beaucoup moins cher.
Aussi, la presse magazine a montré qu’il était encore possible de créer des médias. Avec de petites équipes, des idées et quelques fonds, on peut encore lancer des projets. Ce n’est certainement pas un modèle évident en Allemagne ou en Grande-Bretagne, où la création de médias appelle des capitaux importants et des structures lourdes.

Deux pure-players ont échoué à l’étranger, même s’ils avaient des journalistes qualifiés, parce qu’ils n’avaient pas la possibilité de mettre des fonds personnels. Ils dépendaient uniquement de fonds d’investissement, et quand ceux-ci ont eu l’impression que l’info n’était peut-être pas ce qu’il y a de plus rentable sur le web, ils ont laissé tombé. Ça a été le cas pour soitu.es en Espagne et Netzeitung.de en Allemagne.

Le site espagnol Soitu.es n'est pas parvenu à s'imposer comme un pure-player.

Pourquoi les sites d’info adossés à des médias n’ont-ils pas pris le même chemin que leurs équivalents anglo-saxons ?

Cela doit beaucoup au problème de faiblesse structurelle de la presse française. Elle n’a pas les moyens financiers pour des développements de cette envergure. Il n’y a pas de culture de recherche et développement, les médias français ne sont pas assez habitués à travailler sur des maquettes, sur des pilotes, dans des laboratoires. C’est Nicolas Voisin qui dit que OWNI sert de laboratoire pour la profession.

On aurait tout à fait pu imaginer qu’un groupe comme Lagardère ou Le Monde Interactif crée un vrai laboratoire. Le Monde Interactif a essayé, avec Le Post.fr, mais ça a tourné court. Cela n’a pas été maîtrisé, ils ont été incapables de l’assumer et d’en faire quelque chose. Bruno Patino avait essayé de faire passer ses idées dans une période où il y avait certainement un problème de management.

Nous sommes à un moment charnière dans l’établissement des modèles économiques, les sites diversifient beaucoup leurs activités. Quel avenir voyez-vous pour ces modèles hyper-diversifiés ?

La particularité du web, c’est que c’est un média plus flexible et maniable. Je pense qu’on peut avoir une approche de niche. On va voir cohabiter des projets avec des médias financés par des sociétés de services, comme c’est le cas pour OWNI, des projets éditoriaux soutenus par des activités annexes ou par l’abonnement (Mediapart), mais cela ne nous dira rien de la capacité à équilibrer Le Monde.fr ou Le Figaro.fr. La répartition des ressources n’est pas encore connue entre les éditeurs et ceux qui sont les intermédiaires entre l’info et les lecteurs: les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les fournisseurs d’accès à Internet.

Jusqu’à présent tous ces acteurs considèrent qu’ils font leur business dans leur coin et que, bien sûr, c’est mieux d’avoir des fournisseurs de contenu qui attirent les internautes. Mais ce n’est pas leur problème. Cette situation n’est pas éternelle, CNN se dit que sur le web ils ne gagneront jamais d’argent. Si des médias aussi importants que CNN ou le New York Times ne trouvent pas de modèle économique, par l’abonnement ou d’autres moyens, les portails ne pourront pas laisser ces entreprises s’effondrer et perdre en qualité et en fréquence de contenu.

Petit à petit on va certainement voir une division de la relation entre ceux qui ont accès aux publics et ceux qui fournissent le contenu.

Cette question se pose avec l’iPad, entre un fournisseur de matériel et les éditeurs de contenus. D’emblée, avec la répartition 70/30%, l’opérateur abandonne la vision de Google et des FAI. Ces derniers obtiennent des revenus publicitaires et plombent le modèle économique du fournisseur de contenus. On peut imaginer que certains FAI ou Google envisagent un partage des revenus. Cela reste hypothétique.
La presse en ligne perd l’accès direct à son lecteur et dépend de plus en plus des intermédiaires. Il y a les moteurs de recherche, les fournisseurs d’accès, les agrégateurs et maintenant les réseaux sociaux. 50% du trafic de Rue89 vient par exemple de Google ou des recommandations via les réseaux sociaux, 70% arrivent via les agrégateurs chez L’Express.fr. Il y a une perte de cet atout : pouvoir identifier ceux qui viennent chez vous, qui ils sont. Des infos que collectent les fabricants de matériels, les agrégateurs. Cela engendre une perte d’une partie de la recette publicitaire. Si un site comme Rue89 reste en déséquilibre à la fin de l’année, cela deviendra inquiétant.

Les sites qui utilisent un mur payant, tel que celui que vient de lancer le New York Times s’en sortent-ils mieux que les autres ?

Le quotidien anglais Times, qui est passé au tout payant, a perdu 90% de son audience. Eux disent qu’en perdant ce lectorat, mais en gagnant de nouvelles recettes, ils ont atteint un meilleur équilibre qu’avec le modèle précédent. Il y a une contradiction que posent les sites payants, et que posaient moins les sites gratuits: vous ne pouvez pas rendre un site payant sans apporter un contenu à valeur ajoutée. Le Monde.fr ou le New York Times sont confrontés à ce problème: le modèle du papier c’est de ne fournir que de l’information à valeur ajoutée. Faire du contenu à peu près similaire sur le web et espérer que vous allez faire décoller le quotidien est paradoxal.

Il y a un an tout le monde croyait au micro-paiement. Aujourd’hui ce n’est qu’une feuille de plus sur un mille-feuille.

Alors que les modes de ressources des médias traditionnels étaient simples : la publicité, les recettes des ventes; aujourd’hui on va rentrer dans des systèmes où l’on va cumuler des feuilles les unes sur les autres. Certains lecteurs sont très sensibles à des sites qui renvoient vers des sites de e-commerce et perdent confiance en un site d’information. Les régies publicitaires qui s’occupent de sites d’info le disent : le display (les pubs sur le site) ce n’est pas intéressant, tout le monde en fait on ne progressera plus. Les autres moyens sont le financement aux clics et il y a le “sur-mesure” qui consiste, pour une marque, à proposer à un site d’info de faire une Une autour de sa marque. Si un site faisait ça, il perdrait complètement sa crédibilité en terme d’information.

Les initiatives de financement par les dons, le mécénat, sont nombreuses (Propublica, J’aimelinfo.fr, Glifpix). Pensez-vous que c’est un développement nécessaire ?

Le site Glifpix dont on a entendu parler au moment des Assises du journalisme à Strasbourg, propose ce service. Mais la plupart des projets d’articles ou de sites ne sont même pas financés au dixième, ça a l’air d’être un fiasco complet. Pour que ça ait du succès, il faut beaucoup en parler et avoir une communauté qui est motivée par l’info sur le web et sensible à ce média. Ce que je crains pour Jaimelinfo.fr, c’est que l’on n’ait pas du tout dans cette posture en France. Aux États-Unis, les financements par les fondations sont traditionnels pour de nombreux secteurs : les hôpitaux, les universités, les institutions. En France, cela reste cantonné aux ONG. Ça ne prendra pas l’ampleur que cela peut avoir aux États-Unis.

Il y a eu des fonds créés via un système de mécénat qui donne des avantages fiscaux si vous investissez dans des sociétés de financement pour la presse écrite. Cela ne mobilise pas beaucoup d’argent. Le SPEL [NDLR: fonds d’aide au développement des services de presse en ligne] ce ne sont pas des fonds pour équilibrer mais pour réaliser des investissements sur des projets. Mais si vous n’arrivez pas à développer des projets, il ne faudrait pas en arriver à la situation de la presse écrite qui est presque complètement dépendante des aides de l’État. 

L’élection présidentielle approche. On a vu cette année des affaires comme l’affaire Woerth, sorties d’abord sur le web. Pourquoi la classe politique a-t-elle été aussi virulente envers les sites d’infos ?

La classe politique est déphasée par rapport à une partie de la société. Quelques politiques s’y sont un peu mis, mais la classe politique reste vieille et a moins de familiarité avec ce média.

La pratique courante du cumul de mandats donne des emplois du temps assez encombrés. Et le web est un média chronophage. Si vous voulez suivre les réseaux sociaux, les sites d’info, comprendre comment fonctionne la logique éditoriale de Slate, Mediapart, Rue89, où les papiers sont plus longs et complexes, il faut du temps. Les politiques n’ont ni le temps, ni le goût, ni la compréhension, ils ne connaissent ce média qu’indirectement, par des tiers.

En plus, ces médias sont de plus en plus foisonnants, avec des formes plus anciennes du journalisme : l’investigation, l’édito, la satire, des formats beaucoup plus irrévérencieux. D’emblée il y a une très grande dégradation de l’image des journalistes. J’ai travaillé dans des cabinets ministériels et animé des réunions et de séminaires au Service d’Information du Gouvernement. C’est là que l’on entendait, à propos du web, les termes d’ “information poubelle”, d’”information caniveau”. Et personne ne s’est levé pour protester.

Photos Flickr CC-BY-NC-ND par matteopenzo et CC-BY-ND par kozumel.

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http://owni.fr/2011/05/03/itw-jean-marie-charon-medias-francais-innovation/feed/ 6
[App] L’affaire du Mediator racontée à ceux qui ont loupé le début http://owni.fr/2011/03/09/affaire-du-mediator-racontee-a-ceux-qui-ont-loupe-le-debut/ http://owni.fr/2011/03/09/affaire-du-mediator-racontee-a-ceux-qui-ont-loupe-le-debut/#comments Wed, 09 Mar 2011 14:00:32 +0000 Sophie Verney-Caillat http://owni.fr/?p=50491 Stupéfaits. Même ceux qui sont au plus près du dossier n’en reviennent toujours pas de ce qu’ils ont découvert dans le rapport d’enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) rendu le 15 janvier. Sans mâcher ses mots, il dépeint la faillite d’un système. Celui qui consiste normalement à autoriser et rembourser des médicaments utiles et pas dangereux, à surveiller ses effets secondaires et à les retirer si besoin.

Le fait que le Mediator soit resté sur le marché pendant 35 ans alors qu’il n’aurait jamais du être autorisé et qu’il ait fait des centaines, voire des milliers de victimes, n’est pas un scandale isolé. D’abord parce qu’il n’est pas le premier du genre. Ensuite parce que les enseignements du passé n’ont pas été tirés. Servier a réussi à « anesthésier » les acteurs de la chaîne du médicament, écrit l’IGAS, ce qui fait que « le doute profite à la firme, pas au malade ».

« Une bureaucratie sanitaire »

Premier sur le banc des accusés, le laboratoire qui devra répondre devant la justice de « tromperie aggravée » et « mise en danger de la vie d’autrui ». Mais derrière, ce sont tous les experts employés tantôt par l’administration tantôt par les labos qui sont en cause.

L’Afssaps est apparue comme une bureaucratie sanitaire, où personne n’a pu avoir un raisonnement pharmacologique clairvoyant. Une structure lourde, lente, peu réactive, figée”, écrit encore l’IGAS.

Aujourd’hui, les uns et les autres, vont déplorer ce qui aurait du être fait, comme le professeur Jean-Michel Alexandre, ancien directeur de l’évaluation de l’Afssaps, qui déclare devant la mission d’information de l’Assemblée nationale que pour le Mediator, « l’efficacité n’a jamais été suffisamment prouvée » et estime que les mises sur le marché datant d’avant les commissions d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en 1978 manquent de crédibilité ».

Peut-être, mais une fois sur le marché, il aura fallu attendre des décennies pour que les preuves, certaines, de la dangerosité du Mediator soient établies et qu’enfin le médicament soit interdit.

Entre temps, cinq millions de personnes en ont consommé. L’administration ne s’est donné aucun moyen de suivre les effets secondaires relatés, et la peur d’éventuels contentieux a conduit chaque responsable du système à préférer laisser le médicament sur le marché.

Comment cela a-t-il été possible ? Notre application revient sur toutes les étapes et vous aide à imaginer ce qui doit être réformé.

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Atlantico, vraie face du modèle économique du web http://owni.fr/2011/03/08/atlantico-vraie-face-du-modele-economique-du-web/ http://owni.fr/2011/03/08/atlantico-vraie-face-du-modele-economique-du-web/#comments Tue, 08 Mar 2011 18:55:29 +0000 Vincent Glad http://owni.fr/?p=50440 Lancé lundi dernier, Atlantico.fr a bénéficié d’un bruit médiatique à la Benjamin Lancar. Tout le monde ou presque dans la sphère web a critiqué ce nouveau pure-player classé à droite mais l’équipe a encaissé sereinement les coups, sachant que tout bad buzz est avant tout un buzz: «Et voilà, #Atlantico est déjà dans les trending topics. Merci à tous ! (oui, à vous aussi, les haters)», écrivait le site sur son Twitter le jour du lancement.

Le débat autour d’Atlantico s’est polarisé autour de son ancrage à droite. «Atlantico, cap à tribord», titrait Owni, «Atlantico, le pure-player ni de gauche», titrait Libé tandis que Laurent Mauduit de Mediapart oubliait les politesses d’usage entre confrères en publiant une chronique tonitruante «Atlantico, la droite rance». De son côté, 20minutes.fr soulignait l’absence d’innovation du pure-player qui ne se distinguerait que par son positionnement politique: «Rien de révolutionnaire pourtant puisque des sites comme Slate, Owni et LePost mêlent justement production et agrégation. Atlantico n’a donc rien du chaînon manquant au paysage digital français mais son originalité réside ailleurs. Dans son positionnement libéral précisément.»

J’ai moi-même cédé à la tentation d’y voir simplement un Slate de droite, en publiant sur Twitter cette petite cartographie des pure-players.

Mais Atlantico n’est pas un Slate de droite, c’est à dire un site d’information magazine, plus centré sur l’analyse et le commentaires que sur la recherche de scoop. Après une semaine d’existence, Atlantico apparaît plutôt comme un Huffington Post français —voire un Morandini haut de gamme— c’est à dire une publication tendue vers l’audience à bas coûts, le libéralisme appliqué au journalisme web. Ce qui est une petite révolution dans la sphère des pure-players.

Atlantico s’est donné pour objectif d’atteindre les 600.000 visiteurs uniques d’ici un an, ce qui paraît tout à fait jouable. Quatre types de contenu devraient particulièrement cartonner en audience et ce, pour des coûts de production très faibles: les «exclusifs», les «pépites», «Atlantico light» et les chroniques polémiques.

Les «exclusifs»

En une semaine d’existence, Atlantico a multiplié les articles pastillés «exclusif»: Sarkozy aurait tenté d’attirer Jospin dans ses filets, les enfants de Hollande et Royal ont posé un ultimatum à leurs parents, les squatteurs de “Jeudi Noir” n’étaient pas des mal-logés et les éditeurs parisiens perquisitionnés par la Commission Européenne. Ces articles ont la particularité de n’être pas signés.

En ce qui concerne les deux premiers scoops politiques —dont le premier est au conditionnel— il s’agit d’une version web des indiscrets des magazines d’information comme L’Express ou Le Point, une pratique qu’évitent d’ordinaire les pure-players. La source n’est pas citée et on ne sait pas très bien si l’info a été recoupée. «[Ça me rassurerait] que la presse web ne reproduise pas le pire de la presse mag avec des “confis” non sourcés et survendus…», écrit le journaliste du Monde.fr Samuel Laurent à l’occasion d’un tweet-clash avec Jean-Baptiste Giraud, le réd chef d’Atlantico.

Cette valorisation de l’«exclusif» rappelle Morandini qui applique ce label à des informations dont l’importance n’est pas toujours capitale, et qu’on a parfois déjà vu ailleurs. L’«exclusif» sur la perquisition chez les éditeurs parisiens était d’ailleurs sorti quelques minutes plus tôt sur 01net, comme l’a relevé le journaliste David Doucet sur Twitter.

Il faut espérer qu’Atlantico n’aille pas aussi loin que lesindiscrets.com, le site lancé par un un ex-associé de Morandini et depuis racheté par Omar Harfouch, qui a sorti une longue série de scoops non sourcés et non signés au parfum de soufre, notamment un article “révélant” un scandale sexuel scabreux chez les Jeunes Populaires et plusieurs scuds contre Valérie Pécresse.

Malgré très peu de reprises média pour l’instant, à part sur des sites de buzz, ces articles ont l’air de bien marcher, en tête des stats affichées en Une d’Atlantico vendredi soir.

Les «pépites»

Pour sa rubrique «pépites», Atlantico s’est directement inspiré du Daily Beast, un des exemples les plus connus de journalisme de liens. Comparatif entre le Daily Beast à gauche et Atlantico à droite.

Ces «pépites» sont ambigües. Car derrière la bienveillante volonté de #partage des meilleurs liens avec son lectorat, la vocation de «facilitateur d’accès à l’information», les «pépites» sont surtout un piège à clics. Le seul vrai journalisme de liens est celui pratiqué par le Drudge Report, où les liens renvoient directement vers les sites producteurs de l’information. Le modèle du Daily Beast et d’Atlantico (que pratique aussi Slate) est en fait un braconnage d’audience: les liens renvoient vers un article maison qui résume à grand traits l’article d’origine. Le média producteur de l’information n’obtient que des clics marginaux et se voit concurrencé directement sur Google News (et donc dans les premiers résultats de Google) par des articles reprenant son contenu.

Ce format d’articles permet aussi à Atlantico d’être présent sur l’actu très chaude, en publiant parfois des articles de trois lignes paraphrasant un urgent AFP publié sur un autre média. Comme le veut l’usage sur Internet, le «trouveur» est bien cité mais on est bien loin de la philosophie du journalisme de liens.

(Article supprimé depuis, retrouvé dans le cache Google)

Atlantico Light

C’est l’héritage direct du Huffington Post. Le pure-player américain ne s’embarrasse pas de scrupules et finance ses articles sérieux par des infos people et des portfolios de filles à poil. Le blogueur Cédric Motte avait montré avec quelques stats que le succès du site d’Ariana Huffington «c’est le sexe, pas (que) l’information». Pour profiter de cette manne d’audience, Atlantico a lancé une rubrique «light» qui regroupe des sujets lifestyle à la Slate et des infos people.

Pour produire de l’actu people avec une équipe restreinte (une dizaine de journalistes), le modèle est le même que pour les «pépites», la reprise d’articles des médias français et surtout anglophones. Le problème de l’actu people est qu’elle nécessite de gros budgets photos, qu’Atlantico n’a pour l’instant pas l’air d’avoir. Ainsi, un article sur «la tenue très dénudée» de Madonna lors d’une after-party des Oscars est illustrée par une capture d’écran du site du Daily Mail, permettant de montrer les photos de Madonna à un coût zéro.

Les chroniques polémiques

C’est la liste des chroniqueurs d’Atlantico qui a fait le plus parler d’elle, avec notamment Gérard de Villiers, ancien de Rivarol et auteur de la série S.A.S., Chantal Delsol, historienne qui a consacré sa carrière à liquider l’héritage de mai 68 ou Gaspard Koenig, ancienne plume de Christine Lagarde et auteur du livre Les Discrètes Vertus de la corruption. Avec de telles signatures, il y aura forcément de la polémique et une manne d’audience assurée. Pour l’instant, pas encore de saillie retentissante, à part une chronique du souverainiste Paul-Marie Couteaux, DSK: Jacob a visé juste, où il taxe Dominique Strauss-Kahn de «candidat hors sol».

Le journalisme web sans ses gourous

La vraie différence d’Atlantico par rapport à ses concurrents pure-players vient du profil de ses journalistes. Les patrons du site, comme les petites mains, viennent tous de la télévision et de la radio, et non pas de la presse écrite et du web comme chez Rue89, Slate ou Médiapart.

Leur discours face à l’audience est ainsi beaucoup plus décomplexé: lors de la conférence de presse de présentation, les fondateurs ont insisté sur le fait qu’il fallait écrire court car «le temps de cerveau disponible» des internautes est très faible. Une référence à Patrick Le Lay que n’oseraient jamais Edwy Plenel ou Pierre Haski venus sur le web pour faire de l’info de meilleure qualité que sur le papier. En construisant un média qui ne cherche pas à prouver par son contenu que l’Internet peut faire mieux que les autres médias, Atlantico fait du journalisme web dépoussiéré de ses gourous et montre la vraie face du modèle économique financé par la publicité.

Et si j’étais de mauvaise foi, je rajouterais qu’être de droite, c’est aussi un moyen d’être plus pub-friendly que Rue89.

à noter, Vincent Glad est journaliste-pigiste à Slate

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Jaimelinfo.com: la “love money” dans le business model des médias http://owni.fr/2010/10/24/jaimelinfo-com-la-%e2%80%9clove-money%e2%80%9d-dans-le-business-model-des-medias/ http://owni.fr/2010/10/24/jaimelinfo-com-la-%e2%80%9clove-money%e2%80%9d-dans-le-business-model-des-medias/#comments Sun, 24 Oct 2010 07:47:51 +0000 Benoit Raphaël http://owni.fr/2010/10/24/jaimelinfo-com-la-%e2%80%9clove-money%e2%80%9d-dans-le-business-model-des-medias/

Sur Internet, mobile compris, où l’information est surabondante et partagée, synthétisée, enrichie en quelques secondes sur le réseau dès qu’elle a été publiée, dans ce monde où le lecteur est devenu acteur, il est très difficile de vendre du contenu journalistique. Par contre, il est plus facile de demander aux utilisateurs de  vous envoyer de l’argent pour vous soutenir. C’est ce que j’appelle la “love money”. Ce n’est pas un modèle économique en soi, mais une pierre d’”engagement” (terme anglo-saxon pour implication, interaction) dans la relation du média avec l’utilisateur.

C’est le constat du départ du projet “jaimelinfo.com“, une plateforme développée par l’équipe de Rue89, avec l’aide à 60% de l’État (via “l’appel à projets innovants” lancé l’an passé). Dévoilée cet après-midi à la journée de la Presse en ligne, elle permettra à tout média d’information, blogs compris, d’obtenir un soutien financier de ses “fans” pour mener à bien sa mission d’informer. L’utilisateur pourra décider de verser un don au média de son choix, don qui pourra être défiscalisé dans certains cas (si le média produit des contenus d’information générale et politique), et qui pourra être mensualisé.

Un système proche de Glixpix

Plus intéressant : le média pourra faire financer des projets précis comme un reportage, des frais pour un éventuel procès en diffamation, une nouvelle rubrique ou un projet spécifique. Dans ce cas, une jauge permet de mesurer, pour chaque projet, le niveau de dons déjà versé. Un système assez proche de la plateforme américaine Spot.Us qui permet à des journalistes de demander aux internautes de financer un reportage. Une version française, Glif Pix, est d’ailleurs en actuellement en développement. La différence ici : seuls les médias peuvent postuler (mais un blog individuel peut aussi participer), et l’argent versé ira quand même au média même si la jauge n’a pas pu être remplie. Sur Spot.Us, les utilisateurs ne cherchent pas à soutenir le journalisme, mais plutôt une cause (locale, éthique…). Ici, c’est le média et sa mission que l’on soutient.

L’outil, complexe dans son architecture, mais assez simple d’utilisation, pourra être intégré sur le site du média via un bouton, un bloc d’appel ou une frame (une “fenêtre” dans une page du site). Ou pas. Quoi qu’il en soit, chaque média aura sa propre page sur la plateforme qui lui permettra de présenter sa mission et d’un back-office où il pourra suivre l’état de ses dons.

Jaimelinfo.com propose aussi un outil de tableau de bord au donateur. Ce dernier pourra ainsi piloter ses dons et verser de l’argent à différents médias s’il le souhaite. C’est l’une des innovations les plus intéressantes du projet : se placer du côté du lecteur pour en faire un véritable acteur du business de l’info.

C’est aussi une opportunité unique donnée aux médias de construire une communauté forte d’utilisateurs impliqués, et de créer une vraie relation avec leurs utilisateurs.

Cependant, les dons anonymes sont autorisés, et le média ne pourra récupérer les données de ses donateurs que si ces derniers l’autorisent.

“Ce n’est pas LA réponse au financement des médias en ligne”, prévient Laurent Mauriac, directeur général de Rue89. “Mais c’est une brique de financement parmi d’autres”. Qui pourra être déterminante si une dynamique se crée.

Difficile d’ailleurs de savoir si la sauce prendra. La propension des internautes à donner est une réalité sur Internet, reste à savoir avec quelle récurrence. Mais la dimension ouverte du projet sera un facteur déterminant. Rue89 ne prend aucune commission sur l’argent versé. Le pure player fondé par les anciens journalistes de Libération en 2006 est le maître d’œuvre de jaimelinfo.com mais sa gestion sera confiée à une association. Pour bénéficier des services de la plateforme, il faudra être accepté par un jury indépendant constitué de médias partenaires et de personnalités.

Cependant, la plateforme ayant été développée en open source, rien n’empêchera à d’autres associations ou acteurs de développer un autre service pour permettre le financement de projets non journalistiques : blogs personnels, politiques, artistiques, mais aussi presse écrite. Où même de développer un service concurrent de jaimelinfo.com…

Billet initialement publié sur La Social NewsRoom

Image CC Flickr look.for

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Media bizmodels: time-sellers & watchmakers http://owni.fr/2010/10/01/media-bizmodels-the-time-sellers-and-the-watchmakers/ http://owni.fr/2010/10/01/media-bizmodels-the-time-sellers-and-the-watchmakers/#comments Fri, 01 Oct 2010 18:23:00 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=30040 Can you imagine a world where people on the street charge you $1 to tell you the exact time? Sounds ridiculous, doesn’t it? And yet, that’s exactly what news outlets are aiming to do: making a profit selling a free commodity.

At its core, news is available for free. Not only can you read it, see it or hear it in various forms, online or on air, many actors actually have an interest in spreading news for free. Traditional media organizations produce a smaller and smaller share of the total news output. Now that publishing costs have crashed, all those who have a message to push across can do it on their own.

Everybody wants to give you news

Governments, NGOs and captains of industry all have an interest in spreading their world-view so as to shape minds and advance their agendas. When a government pays for a 24-hour news channel that you can watch for free, such as Qatar’s AlJazeera and its YouTube channel, they don’t plan so much on selling eyeballs to advertisers, as on spreading a Weltanschauung that differs from the one provided by traditional international media. When Greenpeace posts job offers on journalists’ websites, their interest lies not in producing independent journalism, but in having articles written that will promote their activities.

Even traditional brands now operate under a for-prestige rather than for-profit rationale. Russian oligarch Pugachev Junior’s buyout of money-bleeding French daily France-Soir coincided strangely with Pugachev Senior’s deal that will see his shipyards build three French-designed Mistral-class amphibious assault ships. Some observers took it as evidence of newspapers now being used to funnel influence rather than profit.

Media organizations ceased to act as a filter between the public and business or political actors. The latter can reach their audience directly by giving away news content, therefore driving the cost of a single news item to 0. Just like the time of the day is shown on public displays, news is shared and received by the end-user at no cost.

Selling watches

Despite the obviousness of time’s costless nature, the clock and watch industry is a $17-billion operation in Switzerland alone. Value comes not from the end-use; rather, it is added with the case, the prestige, its simplicity or the style of the object.

News outlets have to switch their standing from time sellers to watchmakers. Is it a surprise to see an aggregative media outlet such as the Huffington Post, jump past established brands of the likes of The Washington Post and The LA Times? Not if it is understood that value isn’t derived from the volume of the content, but rather from the way it is organized.

One might look at an ancient sculpture and see a piece of stone while others can see a work of art. It all depends on the conservation efforts of the museum it is exposed in. In an age of content overabundance, care must be at the center of a news organization’s processes. Value doesn’t lie in the content, but in the way it is edited. Editors must watch over the sea of content available to them, select the pieces that will be most relevant to their audience and present them in an attractive way, just like a curator prepares his or her exhibition. This method is at work in the most successful single-person news operation online ever, the Drudge Report.

Manufacturing luxury cases for your news

In France, OWNI works in much the same way. A team of about 6 editors picks content from a 700-strong community of contributors and bloggers and edits it. Here at Owni, Editing is intended in its original, Latin sense of putting forward, as articles are sublimated from a basic, blog post form into a full-fledged news article and propelled into social networks, to be used and discussed by the whole community.

Original content can be commissioned when needed. Since editors watch over content produced elsewhere, these articles are sure to escape the pitfall of pack or copy & paste journalism. They are, most of the time, high-quality investigations that are then republished by other news websites, à la ProPublica.

Our business model differs from the ones described above, in the sense that our media is not and will not become a revenue stream. Rather, it is a showcase and a R&D lab. The experience we gather at OWNI is then reused on our for-profit arm, 22mars, which offers social media and datajournalism solutions to institutional and media clients.

Beyond our success, as shown by our nomination in the Online Journalism Association Awards, internet mogul Xavier Niel is taking part in our first financing round, and the fact that we’re probably the only profitable online, general-interest news operation in France, this business model is in use in many other companies, albeit in a less obvious form. Another French website, Rue89, also makes close to half of its turnover from services such as website deployment and training.

In Ukraine, the online media group FineWeb also has a news operation, HighWay (that resembles Oh My News rather than OWNI), as part of a larger portfolio of brands focused on particular verticals, such as Formula1, tennis or fashion. These properties run on cross-posting and translation of already-published content, playing the role of a luxury case that displays information. And it works, judging from the 400,000 monthly unique users the group gathers in a market 50 times as small as the US.

Content curation will not be the silver bullet that saves journalism. Nor will the bicephalous combination of a for-profit arm allied to a non-profit media. But they’re an answer among others to the media crisis. A sustainable one.

Photo credits CC : BrandonCwarren / bgavard-renoirCurious Expeditions

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http://owni.fr/2010/10/01/media-bizmodels-the-time-sellers-and-the-watchmakers/feed/ 0
Lâche ton poncif http://owni.fr/2010/08/13/lache-ton-poncif/ http://owni.fr/2010/08/13/lache-ton-poncif/#comments Fri, 13 Aug 2010 14:38:47 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=24700

Attention: tapez l’URL de votre média dans son intégralité (extension incluse).

Après le classement des poncifs les plus utilisés dans la presse réalisé par Ru89 avec @alertecliche, OWNI vous proposent l’appli “Lâche ton poncif” qui vous permet de trouver les poncifs qu’utilisent le plus vos sites préférés.  Dans les articles issus de la soucoupe, l’expression la plus utilisée est «grincer des dents»… seulement 4 fois. En tapant www.lemonde.fr, on peut voir que les journalistes du quotidien de référence (poncif inside) enquêtent souvent sur des gens qui «ont le vent en poupe» (114).

Critiquer les poncifs de la presse, c’est bien, mais les journalistes sont-ils les pires lorsqu’il s’agit d’utiliser des poncifs ? À l’heure où individus et institutions deviennent tous des médias, “Lâche ton poncif” vous permet de scanner n’importe quel site web à la recherche des meilleurs clichés.

Nos dirigeants, par exemple, sont tellement fiers de jouer “dans la cour des grands” qu’ils l’emploient dans un article sur cent (plus souvent que La Dépêche du Midi ! ). Le domaine gouv.fr recense en effet, d’après Google, près de 400 000 instances de cette expression. Notre application est cependant à prendre avec des pincettes. Le programme interroge la base de données de Google, qui peut indexer deux fois la même page ou se planter totalement dans ses estimations. @alertecliche, qui scanne les articles lors de leur publication dans Google News, reste plus fiable.

Retrouvez le poster de Elsa Secco pour OWNI.fr

Photo en CC sur Flickr de रोकावट के लिया खेद

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