Grande Scission, vive la France-Gaule!
Rebondissant sur l'idée lancée par Le Canard enchaîné de cette semaine, qui invite Nicolas Sarkozy à envahir la Belgique, notre franco-belge préféré Emgenius imagine que notre président a suivi ce conseil. Il est temps d'entamer le travail d'acculturation.
Comme nombre de mes compatriotes expatriés depuis quelques années en dehors des frontières belges, c’est avec une grande satisfaction que j’ai appris ce mardi au micro commun de Laurence Ferrari (cette chère Laurence) et François de Brigode (il a pris un peu non ?) relayé en livetwitt direct par David Abiker pour Europe1 et Damien Van Achter pour la RTBF, que le roi des Belges, Sa majesté 2, réfugié au château de Leignon, a accepté ce jour une reddition sans combat des armées de la région wallonne.
Une reddition complète ainsi qu’une remise inconditionnelle des armes par les bataillons de commandos de Wallonie. Ces derniers ont aussi accepté de remettre les clés du hangar où sont rangées les armes en bois du dernier défilé du 21 juillet et le F-16 de l’ex-armée de l’air. Cette reddition sera actée par M. Flahaut, rappelé en urgence après la fuite de M. De Crem au matin de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la « grande Scission » dans le langage journalistique de ces derniers jours.
Je dois avouer que cette décision me rassure, ayant encore de la famille en brabant wallon, j’aurais assez mal vécu une intervention musclée des légionnaires rappelés d’Afghanistan, dans la mesure où certains bataillons résistants (armés actuellement par les anciennes grosses fortunes françaises échappées fiscales au royaume) auraient pu être tentés d’être payés par vos hommes, -selon la pratique bien connue des moudjahidines- afin de dévier les tirs loin de vos bataillons et donc plus proches des installations civiles. J’ai poussé un grand ouf, je le confesse.
C’est avec une grande satisfaction néanmoins, monsieur le président, que je vous ai entendu proclamer plus tôt dans la semaine, votre volonté d’apporter au problème des retraites une solution simple et définitive par l’apport massif d’immigrés, tel que précédemment préconisé par certains membres de l’opposition.
Votre décision d’annexion pure et simple des territoires de la Gaule celtique est une idée de génie que l’Histoire ne peut que retenir en exemple. Le projet France-Gaule rentrera rapidement dans les manuels scolaires. Et je pèse mes mots. Voici que viennent 4 millions au moins de néo-Français, capables de passer sans problème les examens de connaissance de M. Hortefeux, habitués à se rassembler derrière une figure thuriféraire, globalement catholiques (oui même les Italiens de Marcinelle) et certes généralement acquis à la cause socialiste, mais dans un pays où la sécurité sociale publique n’existe pas, où police et gendarmerie ont fusionné, où les cheminots n’ont pas de syndicats efficaces, et où les fonctionnaires ne peuvent se targuer des avantages de leurs nouveaux homologues français.
Il ne vous faudra pas longtemps monsieur le président avec votre maestria et votre bagout légendaires pour les acquérir à votre cause, puisque la retraite est déjà actée à 65 ans pour les hommes dans cette partie du territoire, et qu’ils savent que sans cotisation complémentaire point de retraite pleine. Il suffira de leur faire miroiter la chance de revenir au sein d’un pays d’exception culturelle telle la Gaule, où existe un vrai statut pour les artistes, pour les intermittents où subsiste la possibilité de disposer de la moitié du salaire pendant deux ans en cas de chômage (ceci devrait être apprécié du côté de Cockerill), et tant d’autres de ces bienfaits de l’administration française : l’école publique dispensée par des professeurs formés et motivés, le baccalauréat de remise à niveau, les grandes écoles où sont formées les futures élites de la nation en lieu et place des arrière-cours de café qui sont aujourd’hui la règle.
Je vous fais confiance monsieur le président, vous saurez éviter la plupart des pièges qui tendent à irriter ces autochtones en général très imbus de leur territoire et de leur culture. Vous n’oublierez pas que le OE se prononce OU même en Wallonie, que le W se prononce toujours WE et que bien évidemment on dit OUITTE et non huit comme vous l’avez appris à l’école. Le Belge n’a pas inventé le bon usage de la grammaire par Grévisse et Gausse pour rien non. Le Wallon parle mieux français que le Français. Pliez vous à l’exercice, ils s’ébaubira. Adéquatement aussi, vous vous laisserez photographier en train de trinquer en compagnie de M. Albert Deux une des Pils dont le territoire a fait sa spécialité : le Wallon aime ces petites marques d’affection simples qui vous rapprocheront des gens de la rue. N’hésitez pas d’ailleurs à évoquer les enfants de Monsieur Philippe Deux et les animaux de Monsieur Laurent Deux. L’électorat wallon est attaché à ces personnes, depuis qu’Anne Quevrin (leur Stéphane Bern à eux) leur en parlait avec amour dans Place Royale.
Je pense que votre nouvelle déléguée à la culture locale Amélie Nothomb et votre chargée spéciale à l’information de campagne Christine Ockrent ont déjà dû vous alerter sur les travers à éviter à tout prix : ne demandez pas le cornet de frites traditionnel du Français en goguette, ni ne vous revendiquez de Michael Pis. Il est des sujets qui irritent et ceux-ci en font partie. Je passe rapidement. Je suis certain, monsieur le président, que vous avez déjà été largement brieffé et je fais confiance à votre grande qualité de communiquant. Vous préfèrerez la couque de Dinant aux frites, et la gozette aux pommes. Vous êtes un homme de goût.
Après cette longue introduction, j’en viens au sujet de la présente.
Titulaire d’un diplôme de lettres acquis à l’université libre de Bruxelles, né de parent d’origine mi-wallonne, mi-flamande et ayant vécu depuis plus de dix ans à Paris, je pense, monsieur le président, disposer de toutes les dispositions innées et acquises pour prétendre au poste de chargé de mission « acculturation » dans la commune européenne de Bruxelles capitale, que j’ai vu passer au sein de l’Association du Multimédia Extérieur Français.
Ayant bien étudié les missions de mes prédécesseurs, je sais l’importance d’une distillation lente des idées auprès du peuple et connais les méthodes utiles à y parvenir (un mémoire sur la collaboration littéraire dans les années 40-45, mais n’y voyez aucun rapport). Je sais que monsieur Lang est allé actuellement porter secours aux barricades de la région Hal-Vilvoorde avec une version nouvelle de l’opéra La Muette de Portici, qu’il dispense aux troupes gauloises réparties sur le front Hal-Vilvoorde, je vois monsieur Geluck dessiner chaque jour ses caricatures dans Le Soir du Monde, je sais que monsieur Poelvoorde ne ménage pas sa peine pour finir dans les temps le tournage du film La Senne de la gloire, relatant le calvaire des fonctionnaires communaux qui ont refusé de monter au front dans les communes à facilité.
Pardon d’ailleurs, puisqu’on ne dit pas front, je crois comprendre. On parle plutôt de maintien de l’ordre européen via la matrice de la nouvelle force d’intervention européenne légère initiée par le rapprochement France-Gaule de cette semaine. Autre idée de génie monsieur le président que d’avoir réussi à faire valider votre action d’annexion culturelle au nom de l’obligation pour la France de préserver l’unité de la francophonie dans le monde et l’intégrité des institutions européennes. J’ai vu monsieur Kouchner en charge du pont aérien avec l’aéroport de Wielebroeck se charger lui-même devant les caméras de France Télévisions de la distribution de riz aux populations bruxelloises encerclées par les nationalistes flamands. J’ai entendu les populations des dix-neuf communes bruxelloises réagir en français au micro d’Olivier Minne et de Virginie Efira, et raconter comment sans la France leur vie actuelle serait un calvaire en néerlandais. Je vois chaque soir avant la météo de Laurent Romejko, monsieur Jacques Mercier raconter les subtilités de notre belle langue française. Il paraît même qu’un projet de nouveaux Jeux de 20 heures serait en préparation. Je trouve toutes ces initiatives aussi suffisamment discrètes pour ne pas braquer l’opinion publique wallonne. J’aime énormément cette manière de favoriser toutes les entreprises culturelles. Et tant d’autres initiatives gauloises encore diffuses qu’il convient effectivement de canaliser, d’où je l’imagine, l’ouverture de cette mission « acculturation » dans Bruxelles libre.
Je veux apporter ma pierre à cet édifice en construction. Faire partie moi aussi du grand ensemble France-Gaule que la Grande Scission et votre action militaire viennent de lancer au grand jour. Je veux moi aussi mettre au service de cette grande et belle nation francophone toutes les mécaniques de community management, toutes les logiques apprises tant par mon bagage bi-culturel que par ma longue expérience des médias traditionnels et des médias sociaux. Je veux mettre en place les principes culturels qui vous sont chers pour mieux promouvoir votre politique sociale et vous faire massivement réélire lors de la prochaine élection. Je veux instiller dans les crânes et derrière les écrans de tous mes anciens compatriotes l’idée que seul un rapprochement France-Gaule a une viabilité dans une Europe moderne et économiquement forte.
Vous trouverez ci-joint monsieur le président mon CV dûment complété de mes dernières expériences, vous priant de recevoir monsieur l’expression de ma considération distinguée.
Au plaisir de travailler bientôt sous votre coupe,
Bien à vous,
Emgenius
PS : Bisous.
—
Image du drapeau : somptueux photoshopage de Martin_C ; friterie : CC Flickr Kat… ; Amélie Nothomb CC Flickr BrisChri.
Créez vous aussi des uchronies grâce à notre application
Laisser un commentaire